Des dysfonctionnements et une absence de démocratie qui se poursuivent sans relâche à la SSAA (Sécurité sociale des artistes-auteurs)…
1/ L’ordre du jour du CA du 17 septembre 2024
Le 5 septembre 2024, les membres du CA reçoivent des services de la SSAA (Sécurité sociale des artistes-auteurs) un mail de convocation à une réunion du conseil le 17 septembre 2024 à 14h.
La réunion se tient toujours exclusivement en présentiel à Paris, faute de décision sur la tenue des réunions en mixte (présentiel et distanciel). Ce point était prévu au CA d’avril (point 10) mais il n’a, ni été traité, ni été reporté dans l’ordre du jour de septembre. En fait, depuis la première réunion de CA en 2023, le président parisien — défavorable au distanciel — annule ou reporte sans cesse ce point. Ce sera encore le cas à cette séance…
D’autres points urgents d’avril n’ont pas non plus été reportés à l’ordre du jour de septembre.
En conséquence, le CAAP a demandé (par mail en date du 7 septembre) une modification de l’ordre du jour reçu, arguant notamment que « le code de la sécurité sociale n’impose nullement que l’établissement de l’ordre du jour du CA soit une prérogative exclusive du président du CA, ni que le président puisse décider seul de l’ODJ sans prendre en compte les demandes ou remarques des administrateurs, ni qu’il puisse se permettre de supprimer de l’ODJ les points non traités à une séance précédente, a fortiori quand ils sont urgents ».
L’autocratie comme simple « complément » du code de la sécurité sociale ?
Le 16 septembre, une représentante du ministère de la Culture au sein du CA a répondu par mail :
« Conformément à l’article R. 382-2 du CSS, peut être agréé, pour assurer la gestion de l’affiliation au régime général des artistes-auteurs et les missions d’affiliation et de contrôle du respect du champ du régime telles que prévues à l’article R. 382-3, une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, et dont les statuts satisfont aux dispositions règlementaires fixées dans le CSS (articles R. 382-8 à R. 382-15 du CSS).
En application de ces dispositions, et par arrêté du 1er décembre 2022, le ministre chargé de la culture et le ministre chargé de la sécurité sociale ont agréé la Sécurité Sociale des artistes-auteurs, association relevant du régime de la loi du 1er juillet 1901, pour assurer la gestion de l’affiliation des AA et son action sociale. Ainsi agréé, la SSAA répond aux règles fixées par le code. Toutefois, de par son statut juridique, la SSAA répond également au régime prévu par la loi de 1901 ainsi qu’à ses statuts élaborés par ses membres dont la dernière version date du 5 septembre 2022. L’agrément du 1er décembre 2022 a donc été délivré par les tutelles ministérielles en considération de statuts conformes aux dispositions du code. Les obligations fixées par les statuts complètent ce qui ne seraient pas prévus dans le code sans pour autant être contraire à ce qui a été souhaité par voie législative et réglementaire.
Par conséquent, l’article 15 des statuts prévoit notamment que « l’ordre du jour est arrêté par le président ». En outre, l’article 14 au point 2 « président » dispose que ce dernier est « investi des pouvoirs les plus étendus pour agir, en toute circonstance, au nom de l’association pour mettre en œuvre les orientations et décisions décidées par le conseil d’administration. Il peut prendre toute décision liée à la gestion courante de l’Association ». Le président est ainsi compétent pour organiser l’ordre du jour de chaque CA, et prioriser si cela s’avère nécessaire les différents sujets/points à traiter. »
Autrement dit, bien que le code de la sécurité sociale ne prévoie nullement un fonctionnement autocratique, donner les pleins pouvoirs au président serait un simple « complément » du code de la sécurité sociale qui s’appliquerait dès lors que les ministères ont approuvé les statuts établis par les 8 membres "fondateurs et actifs" de l’AGESSA (intitulée 2S2A depuis février 2021) : SACD, SACEM, SGDL, SNE, SNAC, Union des Producteurs de Cinéma (UPC), Radio France et UPP…
Selon le ministère de la Culture, l’autocratie ne serait pas « contraire à ce qui a été souhaité par voie législative et réglementaire » dans le code de la sécurité sociale.
Pourtant aucun conseil de sécurité sociale ne donne les pleins pouvoirs au président. Les conseils sont décisionnaires. Le président au sens du code de la sécurité sociale est un président de séance du Conseil, la différence est de taille…
2/ Le PV du CA du 17 septembre 2024
Le projet de PV du CA du 17 septembre 2024 a été communiqué par mail au CA le 28 novembre 2024.
Le CAAP a communiqué ses modifications sur le projet de PV le 30 novembre 2024. Ces modifications n’ont pas été intégrées dans le projet de PV mis au vote au CA du 10 décembre 2024. Elles ont finalement été prises en compte dans le PV final communiqué au CA par mail le 3 mars 2025.
Remarque : il est normal que les projets de PV du CA soient soumis au vote du CA suivant. En revanche, il est problématique que ces projets de PV soient envoyés trop tard pour que soit effectivement voté un PV définitif, sous couvert d’un manque de temps des services pour vérifier et intégrer les modifications demandées. Si les projets de PV étaient communiqués au plus tard un mois après la séance du CA, chaque administrateur pourrait proposer d’éventuelles modifications ou compléments, et ces dernières pourrait être intégrées par les services dans le PV mis au vote au CA suivant (soit au maximum 3 mois après la séance concernée). Six mois pour disposer d’un PV définitif n’est pas un délai raisonnable.
3/ Commentaires et faits marquants
• Une nouvelle direction des services
Le CA de septembre 2024 est le premier en présence de la nouvelle « directrice par intérim » suite au départ de l’ancien directeur le 6 juin 2024. Cette dernière — qui a été désignée par un arrêté interministériel — a désormais la charge de cet intérim depuis le 17 juin 2024.
• Une présentation enfin plus claire de l’état des présences
Jusqu’ici, depuis le premier conseil en février 2023, les membres du CA présents étaient mentionnés par ordre alphabétique en mélangeant le collège des artistes-auteurs et celui des diffuseurs. Les membres ayant droit de vote n’étaient pas dissociés, le nombre de membres délibérants, donc de votants, n’était pas mentionné… Le CAAP avait demandé plus de clarté, pour la première fois, cette préconisation de bon sens a été entendue. Dommage toutefois que le membre représenté ne soit pas mentionné dans son propre collège (seuls les membres non représentés et absents, devraient être mentionnés comme « absents ») et que le nombre total de votants (ici 23) ne soit toujours pas spécifié.
• Concernant l’approbation du PV du 23 avril 2024, voir notre article dédié à cette séance de CA
Pendant la discussion, plusieurs administrateurs déplorent ne pas être informés, ni entendus.
• Une nouvelle instruction interministérielle datée du 5 juillet 2024
Les membres du CA sont informés en septembre de cette nouvelle instruction, à ce sujet voir notre article du 5 août 2024 : Quel document communiquer à une CPAM qui méconnait le régime social des artistes-auteurs et autrices ?
• Activité de la SSAA (point 2 de l’ODJ)
Le rapport d’activité de la SSAA de 2023 établi en 2024 est présenté par un salarié des services. Ce rapport était joint à l’ordre du jour envoyé le 5 septembre 2024, il est en pdf ci-dessous et est également téléchargeable ici.
On note que le rapport débute par ces mots : « La Sécurité sociale des artistes auteurs (anciennement Agessa et Maison des artistes – Sécurité sociale) est un organisme de sécurité sociale, à l’instar de l’Assurance maladie ou de la Caisse d’allocations familiales ». Cette affirmation n’a donné lieu à aucun commentaire du ministère de la Culture, alors que simultanément le ministère soutenait l’inverse depuis février 2023 auprès du tribunal administratif qui a finalement jugé, à la suite des arguments du ministère, que la Sécurité sociale des artistes auteurs (SSAA) n’est pas un organisme de sécurité sociale...
Pour en savoir plus sur le rôle de la SSAA et le jugement du 7 novembre 2024, voir notre article : « Les artistes-auteurs et autrices sont désormais les seul•es travailleur•euses à ne pas avoir de conseil effectivement en charge de leur protection sociale ! ».
• Action sociale
A - Aide au rachat des cotisations prescrites
Les membres du CA sont informés en septembre d’un décret du 28 juin 2024
- 1° qui double le plafond de l’aide individuelle au rachat : le montant maximum de l’aide est portée à une fois la valeur mensuelle du plafond annuel de la sécurité sociale soit 3 925 € en 2025,
- 2° et qui porte de 50 % à 75 % du budget de la commission d’action la part allouée au rachat des cotisations prescrites jusqu’au 31 décembre 2026.
Remarque : l’absence de CA d’avril 2014 à février 2023 a engendré un effondrement de l’aide sociale aux artistes-auteurs, et donné lieu à des reports budgétaires qui se sont accumulés. En conséquence, actuellement, les fonds disponibles sont suffisants pour répondre aux besoins des deux aides règlementaires.
Mais le montant annuel alloué est règlementairement limité par l’article R382-30-1 du code de la sécurité sociale à 2 % de la « contribution diffuseur ». Or ce montant annuel était déjà insuffisant en 2014 pour couvrir les besoins d’aide à la surcotisation, et la nouvelle aide au rachat des cotisations prescrites a été adoptée sans modification du montant annuel alloué. Ce sous-financement annuel posera nécessairement problème à l’avenir.
NB : l’aide individuelle ne peut toujours pas excéder 50 % de la valeur totale du versement opéré par l’artiste-auteur.
Le représentant du ministère de la Culture affirme (page 7) que pour les rachats de cotisations prescrites, les coefficients d’actualisation ont été supprimés. Ce qui est faux, seules les pénalités ont été supprimées, mais les coefficients d’actualisation sont toujours appliqués, ce qui engendre des montants d’autant plus élevés que les cotisations concernées sont lointaines (l’Agessa ayant violé le code la sécurité sociale pendant plus de 40 ans).
Les aides au rachat n’ont commencé à être versées qu’à partir de 2024.
En 2024, 38 aides au rachat sur 39 demandes ont été accordées par la commission d’action sociale.
B - Aide à la surcotisation
Alors que le nombre d’artistes-auteurs identifiés est en forte augmentation depuis le transfert de la collecte des cotisations à l’Urssaf Limousin, on observe que malgré cette augmentation et la recomposition de la commission d’action sociale en 2023, le nombre de bénéficiaires reste 3 fois inférieur à celui des années antérieures à 2014. NB : la commission d’action sociale n’a commencé à être opérationnelle qu’en octobre 2023.
Selon le rapport d’activité de la SSAA en 2023, la SSAA aurait contacté par mail 157 000 artistes-auteurs ayant une assiette sociale inférieur à 600 SMIC horaire, seulement 11 500 auraient surcotisé et seulement 464 ont demandé une aide à la surcotisation.
Le non-recours au droit est flagrant.
Trop d’artistes-auteurs et autrices éligibles ignorent encore l’intérêt d’opter pour la surcotisation et l’aide sociale attenante.
En 2024, 870 aides à la surcotisation ont été accordées.
C – Une action sociale sous-financée et particulièrement limitée pour les artistes-auteurs et autrices (AA)
Le périmètre de l’action sociale pour les AA est limité règlementairement dans le code de la sécurité sociale : L’aide sociale des AA concerne exclusivement l’aide à la surcotisation ainsi que l’aide au rachat de cotisations prescrites (suite au déficit de droits à la retraite dont l’Agessa, aujourd’hui SSAA, est responsable...). Ce périmètre est très largement insuffisant, de nombreuses autres situations nécessitent une aide.
Par exemple, les AA n’ont droit à aucune de ces « aides spécifiques dédiées aux travailleurs indépendants »…
Vivement la création d’un véritable conseil de la protection sociale des artistes-auteurs et autrices !
• Contrôle du champ d’application du régime des artistes-auteurs, sans aucune consultation des commissions professionnelles des AA depuis 2019 !
La Sécurité sociale des artistes auteurs (SSAA) a la charge du « contrôle » du « respect du champ du régime ».
Selon le rapport d’activité 2023 de la SSAA, elle « effectue des vérifications pour s’assurer que les activités artistiques déclarées par les artistes-auteurs relèvent bien du régime social des artistes-auteurs. Ces contrôles sont réalisés lors des déclarations trimestrielles des « diffuseurs » ainsi que lors de l’inscription au Guichet unique des entreprises gérée par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) ».
Mais cette affirmation occulte un énorme non-dit : les représentants des artistes-auteurs ne contrôlent plus du tout le périmètre du champ d’application de leur régime contrairement aux promesses du gouvernement lors de la réforme de 2018.
En effet, avant la réforme de 2018, les commissions professionnelles de l’AGESSA et la MDA-sécurité sociale donnaient des avis qui étaient systématiquement suivis par les CPAM (qui avaient la charge du prononcé de l’affiliation). Ces commissions étaient donc de facto décisionnaires concernant le périmètre et le champ d’application du régime des artistes-auteurs. Or depuis la réforme de 2018, la direction de la SSAA est seule décisionnaire concernant les refus d’affiliation. Elle peut éventuellement consulter les « commissions instituées par branches professionnelles » pour « avis technique » mais dans les textes officiels depuis 2018, rien ne l’oblige, ni à demander cet avis, ni à le suivre.
Les membres des commissions professionnelles — composées des organisations professionnelles et syndicales représentant les artistes-auteurs — sont désignés par arrêté interministériel. Les derniers arrêtés de composition des commissions – pour 3 ans —datent de 2019. Non seulement les commissions n’ont pas été recomposées en 2022. Mais encore elles n’ont jamais été réunies depuis 2019. Autrement dit, actuellement elles n’existent plus !
Ainsi, chaque année, de nombreuses personnes sont exclues du régime des artistes-auteurs sans la moindre consultation des commissions professionnelles et des représentants des artistes-auteurs et autrices.
• Un premier ballon d’essai pour la motion-bâillon (point 3)
Faire voter aux administrateurs une interdiction de communiquer à l’extérieur ce qu’il se passe à la SSAA en nommant cette délibération « Devoirs des administrateurs », tel était l’objet du point 3 de l’ODJ proposé par le Bureau. La culture de l’opacité, chère à l’AGESSA (aujourd’hui SSAA) n’ayant pas emportée immédiatement l’adhésion enthousiaste des présents, le président l’a reportée au CA suivant. Elle sera effectivement reportée, et adoptée, sous une forme très légèrement modifiée, le 10 décembre 2024 par 15 voix Pour, 4 voix Contre – dont le CAAP et 3 Abstentions (et 1 absent).
Ainsi, pour finir, 15 représentants des membres du CA de la SSAA sur 23 membres ne veulent pas que soient connues les positions qu’ils défendent dans la SSAA, ni ce qu’il s’y passe. Pour en savoir plus sur la motion votée voir notre article : « Les administrateurs bâillonnés à la Sécurité sociale des artistes-auteurs ».
• Des comptes qui mélangent mission de service public et activités de l’association SSAA (points 4, 5 et 6)
Dans la commission de contrôle des comptes, trois membres sur quatre ont émis des réserves sur l’approbation des comptes 2023. Ce qui n’empêche nullement le président d’affirmer : « la commission de contrôle des comptes n’émet aucune réserve sur l’approbation des comptes » (Sic page 13)…
Parallèlement, des membres du CA déplorent l’absence de transparence, notamment s’agissant des indemnités de départ de l’ex-directeur, les services extérieurs et les frais d’avocat et de contentieux de la SSAA. En vain.
• Élections à la Commission d’action sociale (point 7)
Trois membres de la CAS ont démissionné, dont deux écœurés par la limitation du périmètre de l’action sociale.
Le fait qu’une personnalité qualifiée ait été élue dans la CAS le 14 décembre 2023, malgré l’article R382-30-2 du code de la sécurité sociale, a fait l’objet d’une demande de contrôle de légalité des tutelles, notamment au CA du 23 avril 2024 mais aussi en séance de la CAS.
Le représentant du ministère de la Culture « rappelle que le ministère ne s’est pas opposé à cette délibération qui s’inscrit dans les textes. Elle est donc entrée pleinement en vigueur. Un courrier officiel en ce sens a d’ailleurs été adressé à la SSAA. » (Page 15)
La représentante du CAAP « demande que ce courrier officiel soit transmis à l’ensemble des administrateurs ». À ce jour — plus de sept mois après — ce courrier n’a toujours pas été communiqué.
En toute aberration, le document de la SSAA relatif à cette élection (cf PJ ci-dessous) précise : « À noter : en l’état actuel des textes, les personnalités qualifiées peuvent se porter candidat mais ne pourront pas participer aux délibérations et aux votes lors des commissions d’action sociale en cas d’élection. » Un membre qui siège… sans siéger, en somme ! Et un poste vacant non vacant donc…
• Point sur les contentieux (point 8)
Ce point instamment demandé par plusieurs administrateurs et qui est urgent depuis longtemps, est une fois de plus reporté par le président.