1/ L’ordre du jour du CA du 10 décembre 2024
Le 28 novembre 2024, les membres du CA reçoivent des services de la SSAA (Sécurité sociale des artistes-auteurs) un mail de convocation à une réunion du conseil le 10 décembre 2024 à 14h30.
Au bout de 2 ans, enfin une réunion de conseil sous format mixte (présentiel-distanciel) !
Un mail du 18 novembre 2024 de la nouvelle direction par intérim précise : « En réponse à une demande faite par certains d’entre vous, nous avons étudié la possibilité de permettre à ceux qui le souhaitent de participer au prochain Conseil d’administration en visioconférence.
Après analyse, il apparaît que le décret n° 2022-997 du 11 juillet 2022 qui précise les modalités d’organisation des délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial, qui nous est bien applicable, le permet. Les administrateurs qui ne pourront pas se déplacer à la SSAA le 10 décembre prochain à 14h30 pourront donc tout de même participer au Conseil en visioconférence. Un lien vous sera transmis prochainement ».
Comme si les procrastinations précédentes relevaient d’un éventuel problème juridique (et non d’un blocage du président) alors que l’ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial prévoit explicitement cette possibilité depuis longtemps pour les « organismes privés chargés de la gestion d’un service public », ce qui est le cas de la SSAA.
Des administrateurs qui n’ont pas leur mot à dire sur les contentieux de la SSAA (ex-AGESSA) contre des artistes-auteurs (AA)
Des AA font des procédures en justice contre les pratiques illégales de l’AGESSA en matière de retraite et demandent réparation des préjudices subis. Certains ont obtenu gain de cause. Or la SSAA fait appel contre les décisions favorables aux AA.
Un point sur les contentieux avait été mis à la fin de l’ordre du jour du CA du 17 septembre 2024 mais n’avait pas été traité…
Le CAAP et plusieurs membres du CA demandaient depuis plusieurs mois que ce sujet soit traité et qu’un vote du CA soit organisé concernant les recours en appel de la SSAA contre les décisions de justice favorables aux AA.
Un mail de la nouvelle direction du 5 décembre 2024 indique : « Pour répondre aux demandes sur ce sujet, il paraît nécessaire de rappeler que, conformément aux statuts de la SSAA (article 14), le pouvoir de représenter l’Association en justice et celui de décider d’engager des actions en justice appartiennent exclusivement au Président. Cette disposition statutaire, qui s’impose à tous, explique que le point sur les contentieux ait été mis à l’ordre du jour du Conseil d’administration pour information ». Or le président maintient les recours en appel de la SSAA contre les AA ayant obtenu des réparations pour les préjudices qu’ils ont subis.
2/ Le PV du CA du 10 décembre 2024
Le projet de procès-verbal (PV) du CA du 10 décembre 2024 a été communiqué par mail au CA le 27 février 2025.
Le 4 mars 2025, le CAAP a communiqué ses modifications sur le projet de PV. Ces modifications n’ont pas été intégrées dans le projet de PV communiqué pour le CA du 11 mars 2025. Elles ont finalement été prises en compte dans le PV final qui n’a été communiqué par mail que le 16 avril 2025.
Faute de communiquer les projets de PV suffisamment en amont de la date de leur soumission au vote du CA, les PV définitifs ne sont connus que tardivement et ne concordent pas avec ceux votés en CA… Les modifications ne sont pas prises en compte au moment du vote, du fait que les services demandent un délai supplémentaire pour vérifier sur l’enregistrement les propos tenus…
3/ Commentaires et faits marquants
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Point 1 : Concernant les PV des CA du 23 avril 2024 et du 17 septembre 2024 soumis au vote lors du CA du 10 décembre 2024
Voir nos articles : Le conseil d’administration de la SSAA du 23 avril 2024 et Le conseil d’administration de la SSAA du 17 septembre 2024.
Une culture de l’opacité encouragée par le représentant du ministère de la Culture
Le CAAP fait remarquer que dans les PV, pour toutes les décisions votées, il manque le sigle des organisations qui ont voté pour, contre ou qui se sont abstenues. À l’exception des votes électifs à la demande d’au moins un membre, les votes du CA par nature ne peuvent pas être anonymes, les membres ont une fonction représentative dans le CA. Chaque vote engage la responsabilité de chaque membre et les personnes représentée ont le droit de savoir comment votent leurs représentants.
Le président estime que « le décompte des votes suffit ».
Le représentant du ministère de la Culture intervient en affirmant : « En l’absence de règlement intérieur du conseil d’administration, il n’existe aucune obligation à inscrire Les sigles des organisations lors des votes. » Après cette parole d’autorité qui encourage l’opacité des votes des organisations dites « représentatives », le sujet est clos. Le président passe au vote…
Ainsi les artistes-auteurs et autrices ne savent pas les positions prises par les organisations qui sont supposées les représenter dans le CA de SSAA.
Le CAAP n’approuvera jamais des PV qui font si peu de cas du droit à l’information des artistes-auteurs et autrices.
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Point 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 novembre 2024
À ce sujet, voir notre article : Les artistes-auteurs et autrices sont désormais les seul•es travailleur•euses à ne pas avoir de conseil effectivement en charge de leur protection sociale !
Voir également le communiqué de presse du CAAP, du CIPAC, du CPGA, de DCA, de la FRAAP et de PLATFORM relatif à la décision du Tribunal Administratif de Paris du 7 novembre 2024.
Il est rappelé par certains administrateurs qu’il existe un gros problème de statuts, de représentativité, de démocratie et de transparence au sein du conseil d’administration de la SSAA. Pour mémoire, 22 organisations d’artistes-auteurs et autrices ont signé en octobre 2024 une lettre ouverte à la ministre de la Culture dénonçant les dysfonctionnements et déni de démocratie à la sécurité sociale des artistes-auteurs (ex-agessa).
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Point 3 : Point de situation sur la SSAA
La directrice par intérim fait état de la situation interne catastrophique de la SSAA. Selon elle : « Concernant les missions de la SSAA, elles apparaissent soit sans effet, soit déjà assurées par d’autres organismes, soit mises en œuvre dans des conditions insatisfaisantes ». Elle précise également que globalement la gestion est défaillante et « qu’il existe objectivement une situation généralisée de souffrance au sein du personnel ». Son rapport détaillé (page 7 à 9 du PV) est édifiant, mais ce n’est nullement une surprise : les multiples dysfonctionnements de l’AGESSA (aujourd’hui SSAA) et sa direction toxique sont connues depuis longtemps. Or, les ministères de tutelle n’ont pas cessé de soutenir l’AGESSA (qui n’a jamais respecté la loi), ni de reconduire son directeur (qui maltraitait les salarié•es et portait préjudice aux artistes-auteurs et autrices).
Le tribunal administratif a jugé le 7 novembre 2024 que la décision ministérielle d’agréer un organisme qui a toujours été défaillant (la SSAA alias l’AGESSA) n’était pas une « erreur manifeste d’appréciation », mais les faits sont têtus. Aujourd’hui comme hier, les dysfonctionnements continuent.
Et bien sûr, la culture de l’opacité fait partie du problème, non de la solution…
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Point 4 : Perspectives et propositions pour une nouvelle SSAA
Ce point concerne une délibération concoctée par le Bureau qui ne sera que légèrement amendée en séance (page 11 à 17).
Une introduction fallacieuse
« Il y a bientôt deux ans, la SSAA (née de la fusion entre l’AGESSA et la MDA) et son Conseil d’administration ont été mis en place ». Non, la SSAA n’est pas « née de la fusion entre L’AGESSA et la MDA ». L’association AGESSA a été renommée SSAA et a été agréée par les ministères après avoir élargi son périmètre d’affiliation à la « branche des arts graphiques et plastiques ». Cependant que l’association MDA, qui existe toujours, a perdu son agrément en matière de sécurité sociale. Ce storytelling de la « fusion » vise à masquer l’agrément de l’AGESSA sous son nouveau nom SSAA.
Une délibération fermée à d’autres propositions
Notons que l’élargissement du périmètre de la commission d’action sociale (dernier point de la délibération) est un vœu pertinent et unanime des membres du CA, ce point nécessite une modification du code de la sécurité sociale.
Théoriquement il était annoncé que « les propositions soumises au vote pourront être complétées ». Dans la pratique, toutes les propositions du CAAP ont été écartées d’un revers de main :
- Créer un article dans le code de la sécurité sociale qui précise les rôles du conseil d’administration ;
- Désigner nationalement une CPAM référente pour les artistes-auteurs et autrices (AA) ;
- Créer un service dédié aux AA au sein de la CNAV ;
- Supprimer les avances provisionnelles de début d’activité pour les AA en BNC ;
- Etc.
Il est clair qu’aucune amélioration concrète rapide pour les AA ne découlera de cette délibération. Alors qu’il y a urgence à agir. Finalement cette délibération intitulée « Perspectives et propositions pour une nouvelle SSAA » ressemble fort à une opération de communication pour donner l’illusion que le CA fait quelque chose alors qu’en fait, mis hors du droit commun de la sécurité sociale, il n’en a pas les moyens notamment à cause du jugement obtenu par le ministère de la Culture.
Un CA non-décisionnaire, qui continuera de ne pas piloter la protection sociale des AA
À travers la rédaction de cette délibération, on constate que le Bureau envisage d’alourdir les missions des salarié•es mais n’attache guère d’importance au pilotage du régime des AA par le CA. Seul le premier alinéa de la délibération concerne une mission du CA qui deviendrait « force de propositions au plan législatif et réglementaire » pour les AA. Ce rôle légitime d’un CA, mais non prévu par les textes, avait été mentionné par le CAAP lors du CA du 6 février 2024 voir « Présentation du rôle et des missions du Conseil d’administration » page 9 du PV). Reste que le rôle fondamental d’un CA de sécurité sociale est bien le pilotage de la protection sociale des personnes concernées. Ce rôle politique, actuellement inexistant, s’avère un impensé du Bureau et de la majorité des membres du CA.
Les AA devraient disposer d’un véritable CA pour leur protection sociale. Un CA dont les missions seraient définies dans le code de la sécurité sociale et qui permettrait effectivement de défendre les intérêts collectifs des AA. Voir notre article « Pour la création d’un conseil de la protection sociale des artistes-auteurs rattaché à notre organisme de sécurité sociale dédié ».
Confondre sécurité sociale des AA et assistante sociale ?
Alors que les services de la SSAA sont de fait dans l’incapacité (voir point 3) d’assurer les missions règlementaires prévues à l’article R382-3 du code de la sécurité sociale, cette délibération envisage essentiellement d’allonger la liste des missions des services, en donnant aux salarié•es une mission d’assistante sociale : accompagnement et conseil aux AA avec un rôle d’intermédiaire avec les CPAM, les CAF, la CNAV, l’Urssaf Limousin, le RSA…
Notons que l’accompagnement individuel des AA est notamment assuré par les syndicats des AA et diverses associations ressources, dont la MDA, sans être financés par le budget de la sécurité sociale. Cependant que la SSAA bénéficie d’un budget annuel d’environ 5 millions financés par le budget de la sécurité sociale (point 5).
Est-il judicieux pour un organisme agréé de confondre sécurité sociale des AA et assistanat social ? Est-il raisonnable de vouloir sauver un bateau qui coule en « chargeant la barque » ? Est-il pertinent d’attribuer un rôle d’interface à une association en grande difficulté qui, contrairement à l’Urssaf Limousin, ne dispose pas des éléments utiles pour l’accès aux droits sociaux des AA ?
Le CAAP estime que les AA devraient pouvoir bénéficier directement d’interlocuteurs dédiés compétents. Que ce droit ne soit pas effectif est une anomalie. Positionner la SSAA comme intermédiaire avec tous les interlocuteurs administratifs des AA, n’est évidemment pas une solution opérationnelle et témoigne surtout d’une approche infantilisante du Bureau.
Sauver la SSAA (alias l’AGESSA) comme « tiers de confiance » ?
La SSAA — elle-même erratique et défaillante — deviendrait, d’un coup de baguette magique, un « tiers de confiance » et un « pôle de compétences disposant de l’expérience et de l’expertise nécessaires ». Elle se transformerait en grand éclaireur qui guide les AA « durant tout leur parcours de vie ». Comme si le crédit de confiance des AA vis-à-vis de l’AGESSA, aujourd’hui SSAA, n’était pas épuisé depuis longtemps, du fait de ses multiples dysfonctionnements…
Sauver la SSAA ? pour qui ? pourquoi ? Pour que son CA, qui n’a pratiquement aucun rôle, s’auto-sauvegarde ? Pour faire plaisir au membres fondateurs de l’AGESSA (SACD, SACEM, SGDL, SNAC, SNE, UPC, Radio France, et UPP) ? Pour que les ministères, qui ont jugé bon d’agréer une association défaillante, ne perdent pas la face ? Pour maintenir un fonctionnement statutaire autocratique ?
L’actualité ne manque pas d’institutions qui priorisent leur propre intérêt au détriment des intérêts de leurs usagers. C’est clairement le cas de la SSAA qui veut imposer le silence à ses administrateurs (point 6) et qui se bat en justice contre des AA qui demandent réparation des préjudices causés par l’AGESSA (point 8).
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Point 6 : « Devoirs des administrateurs »
À propos de cette délibération imposant « un devoir de loyauté » et « une obligation de confidentialité » aux membres du conseil d’administration de la SSAA sous peine d’exclusion par le président du CA, voir notre article : « Les administrateurs bâillonnés à la Sécurité sociale des artistes-auteurs ».
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Point 7 : Règlement intérieur de la CAS
La délibération mise au vote du CA est : « Les dossiers des demandeurs présentant des revenus artistiques à zéro euro sont gérés par cette procédure simplifiée. En cas de deuxième demande d’un artiste-auteur présentant consécutivement des revenus artistiques à zéro euro, la demande n’est pas soumise à la procédure simplifiée et présentée en commission d’attribution ». Elle vise donc à exclure de la procédure simplifiée certains AA, qui jusqu’à présent en bénéficiaient conformément aux règles communes établies.
Premièrement, cette délibération est illégale. La Commission d’Action Sociale (CAS) est seule compétente pour établir son règlement intérieur (RI) conformément à l’article R382-30-2 du code de la sécurité sociale qui dispose que : « …La commission établit son règlement intérieur qui est soumis à l’approbation du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la culture. La commission se prononce à la majorité de ses membres… » Le RI de la CAS n’est nullement soumis ni à une décision, ni à une approbation du CA.
Cette modification du RI de la CAS relève exclusivement des compétences de la CAS qui en avril 2024, s’est déjà prononcée contre, puisque cette modification n’avait pas obtenu le vote favorable d’une majorité de ses membres.
L’article 5 du RI qui renvoie au CA une décision sur le RI est illicite.
L’article 16 des statuts ne donne pas non plus compétence au CA pour délibérer sur le RI de la CAS. En effet, les seules dispositions applicables à la 2S2A en matière d’action sociale sont, d’une part, que les services assurent le secrétariat de la CAS (cf l’article R. 382-3) et, d’autre part, que le CA désigne les membres de la commission d’action sociale qui est seule compétente en matière d’action sociale (article R382-30-2).
Deuxièmement, il existe des garde-fous communs et suffisants. En effet, rappelons que d’une part « Un artiste auteur ne peut bénéficier de la prise en charge de tout ou partie de ses cotisations au titre de plus de trois années civiles consécutives » (article R382-30-2). Et que d’autre part un artiste-auteur est radié du régime lorsqu’il « a déclaré chaque année pendant cinq années successives n’avoir tiré ni revenu ni recette de son ou ses activités artistiques » (cf l’article R. 382-3).
Troisièmement, cette proposition de modification du RI constitue une dérogation au critère commun établi pour tous les AA sans distinction (revenu fiscal de référence inférieur à 1500 Smic horaire par an). Elle introduit une inégalité de traitement notamment au préjudice de tous les AA en début d’activité et au préjudice des AA qui sont en déclaration contrôlée c’est-à-dire dont l’activité professionnelle nécessite des investissements ou des frais conséquents. C’est notamment le cas des photographes et des plasticiens.
Cette modification du RI découle d’une mécompréhension des conditions d’exercice d’une partie des AA par les membres du CA qui perçoivent exclusivement des redevances de droit d’auteur et/ou qui travaillent exclusivement à la commande et dont tous les frais sont pris en charge par le commanditaire. Cette décision au préjudice des primo-accédants et de certaines professions de AA découle d’une part, du caractère très déséquilibré de la composition du CA et, d’autre part, du déficit de contrôle de légalité par les représentants des ministères.
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Point 8 : Point sur les contentieux (pour information)
Depuis 2019, 10 contentieux ont été initiés par des artistes-auteurs (« ex-assujettis ») qui ont connu une période d’activité artistique au titre de laquelle les cotisations plafonnées d’assurance vieillesse n’ont pas été appelées par l’AGESSA (Voir notre article : « Droits à la retraite : faites-vous partie des victimes ou des miraculé•es de l’Agessa ? » ).
Le document fourni par la SSAA en pdf ci-dessous ne peut être qualifié de simple « point d’information » : il n’est nullement neutre.
Ce document prend position pour le maintien des recours de la SSAA contre des AA, sous couvert que :
- « La jurisprudence afférente aux ex-assujettis AGESSA n’étant pas stable, il est nécessaire de laisser à la justice l’opportunité de se prononcer sur l’ensemble de ces dossiers et de trancher définitivement et de manière impartiale ».
- « Un désistement dans le dossier XXX permettrait à l’avocat adverse, lequel représente la quasi-intégralité des artistes-auteurs ex-assujettis dans les contentieux, de s’en prévaloir dans tous les contentieux en cours voire d’en susciter d’autres ».
Autrement dit, la SSAA se bat contre des artistes-auteurs pour ne pas « risquer » que d’autres artistes-auteurs n’obtiennent gain de cause en justice du fait des préjudices causées par les pratiques illégales de l’AGESSA (aujourd’hui SSAA).
Et les membres du CA n’ont pas leur mot à dire… Pire encore, la majorité du CA semble ne pas y voir d’inconvénient.
Opacité, omerta, déficit de contrôle de légalité interne et externe, autocratisme, CA comme simple chambre d’enregistrement, préjudices causés aux AA… Nul doute qu’à la SSAA, on est bien encore et toujours à l’AGESSA.