OUI A LA RÉFORME DU RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE DES ARTISTES AUTEURS

saison 3 - épisode 1 : LA REPRISE DES NEGOCIATIONS

1/ UNE ERREUR METHODOLOGIQUE DE BASE ?

Après plus d’un an d’interruption (la dernière réunion remonte au 13 février 2014), les ministères de la culture et des affaires sociales ont annoncé le 10 avril, la tenue le 21 avril 2015 d’une « réunion de lancement de la concertation sur le régime de protection sociale des artistes auteurs avec les organisations représentants les auteurs des arts graphiques et plastiques, de la photographie, des auteurs compositeurs et chorégraphes. »

S’agissant du régime COMMUN de sécurité sociale des artistes-auteurs et d’une REFORME COMMUNE de ce régime, une concertation COMMUNE de toutes les organisations professionnelles des artistes-auteurs relève d’une évidence méthodologique. Pourtant les ministères prévoient une dissociation entre les représentants des artistes auteurs d’œuvres musicales et chorégraphiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques réunis d’un côté par la DGCA, et les représentants des artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, audiovisuelles et cinématographiques réunis d’un autre côté par la DGMIC. Quel sens a cette césure ? Les deux directions (DGCA et DGMIC) du ministère de la culture sont-elles dans l’incapacité d’organiser conjointement ces négociations qui nous concernent TOUS simultanément ? Pour mettre sérieusement en œuvre cette réforme tant attendue, il est en effet indispensable que chacun puisse avoir connaissance des positions des uns et des autres. Ce que ne permet pas ce format.

Par ailleurs, sur un sujet social, les organisations professionnelles des artistes-auteurs sont les seules habilitées de droit à représenter les artistes-auteurs or le ministère a convoqué pêle-mêle des associations non syndicales (comme l’association La Maison des Artistes) et des SPRD (ou sociétés d’auteurs) dont l’objet - comme leur nom l’indique clairement - est la Perception et la Répartition des Droits d’auteurs. Sous couvert « d’ouverture d’esprit », ce mélange des genres régulièrement pratiqué par le ministère de la culture joue hélas contre la professionnalisation des secteurs concernés et contre toute clarification des prérogatives de chacun.

Espérons qu’il y ait dans l’esprit des ministères un subtil distinguo entre cette grande « réunion de lancement de la concertation » et les réunions de « concertation » à proprement parler qui permettront enfin à l’ensemble des organisations professionnelles de négocier la nécessaire réforme du régime social des artistes-auteurs. C’est ce que peut sembler indiquer l’ordre du jour.

2/ L’ORDRE DU JOUR DU 21 AVRIL 2015

Les ministères de la culture et des affaires sociales ont précisé le 16 avril l’ordre du jour de la réunion du 21 avril :

  • Point d’étape sur le projet de loi liberté de création, architecture et patrimoine ;
  • présentation des orientations du gouvernement et de la méthodologie ;
  • présentation du document de concertation ;
  • calendrier de réunions.

Nous attendons avec impatience ce que les ministères diront sur chacun de ces points.
Concernant le « Point d’étape sur le projet de loi liberté de création, architecture et patrimoine », rappelons que la dernière version connue du projet de loi ne faisait aucun cas des artistes-auteurs (voir nos articles).

Rappelons également que lassées de l’inertie gouvernemental concernant la réforme de notre régime de sécurité sociale, plusieurs organisations professionnelles dont le CAAP ont notamment proposé des modifications du code de la sécurité sociale qu’elles estiment aujourd’hui consensuelles entre représentants des artistes-auteurs (cf pdf en fin d’article). Nous espérons également qu’elles seront soutenues par le gouvernement lui-même. L’avenir nous le dira.

Notre régime social n’ayant jamais été actualisé depuis des décennies, sa réforme et sa consolidation dans le régime général porte sur de nombreux points. Nos organismes sociaux se sont sclérosés avec des pratiques divergentes en dépit d’une réglementation commune. La tâche est telle qu’il est évident que cette refondation doit se faire en plusieurs étapes et sa mise en œuvre être échelonnée dans le temps, ne serait-ce qu’en raison de questions techniques de faisabilité. Encore faut-il commencer !

Les phases basiques usuelles d’un projet sont :

  • Phase préliminaire (la réflexion sur l’intérêt du projet en lui-même, en termes d’opportunité puis la décision politique de lancer le projet)
  • phase d’expression et de validation des besoins
  • phase de faisabilité (étude de ce qui est techniquement et économiquement faisable)
  • phase de conception et de réalisation avec ordonnancement dans le temps.

Or depuis la remise du rapport de l’IGAC-IGAS en juin 2013, faute de concertation, de chef de projet et de schéma dynamique d’ordonnancement, cette réforme est restée au point mort.

3/ FAIRE TRES RAPIDEMENT CE QUI EST SOUHAITABLE ET FAISABLE

• En premier lieu cesser les mauvaises pratiques qui n’ont aucune base légale

Ainsi, par exemple, depuis novembre 2013 (voir notre article), le CAAP demande que l’AGESSA cesse de faire payer des contributions diffuseurs aux artistes-auteurs (entre autres quand le diffuseur est à l’étranger) et commence à régulariser la situation des artistes-auteurs non affiliés en BNC actuellement toujours abusivement précomptés, donc : fournir la dispense de précompte à ceux qui la demandent, les identifier, leur ouvrir un compte individuel, rembourser les trop-perçus des 3 dernières années et effectuer à l’avenir les appels cotisations sur le BNC aux taux de droit commun (y compris la cotisation vieillesse).
(pour mémoire voir notre article de novembre 2012)

Côté MDA-sécu, le CAAP demande la suppression du précompte la première année pour les déclarants en BNC. Cette pratique qui n’a aucune base règlementaire complique absurdement le début d’activité.

• AGESSA > Prévoir d’urgence la mise en place d’un dispositif réparateur

Ce dispositif doit permettre aux artistes-auteurs non affiliés de l’AGESSA d’obtenir réparation des préjudices subis du fait des pratiques illégales de l’AGESSA, notamment le fait qu’elle n’est jamais appelé les cotisations vieillesse obligatoires aux assujettis. Les non affiliés doivent donc pouvoir racheter les trimestres retraite manquants et les déclarants en BNC doivent pouvoir être remboursés des trop-perçus abusivement perçus par l’AGESSA (cotisation sur leurs recettes au lieu de leur BNC). Ces régularisations sont évidemment une condition préalable à la disparition de l’AGESSA. La responsabilité de l’Etat - qui a couvert ces pratiques illégales et préjudiciables aux artistes-auteurs - est engagée.

• Entériner les points d’accord applicables rapidement

Compte tenu du temps déjà perdu, il nous apparaît aujourd’hui nécessaire de commencer par entériner rapidement - dans les grandes orientations - les points d’accord partagés par les organisations professionnelles des artistes-auteurs et d’en tirer immédiatement les conclusions qui s’imposent du point de vu législatif et réglementaire. La rédaction de la loi, des décrets et des arrêtés en concertation avec les organisations professionnelles permettra alors qu’une première série de mesures de modernisation soient mises en application dès 2016.

• Savoir quand les freins techniques à la réforme seront levés, les identifier

La défaillance (AGESSA) ou l’obsolescence (MDA-sécu) des systèmes informatiques des organismes sociaux sont des freins notoires à certaines mesures pourtant indispensables. En l’absence de Conseil d’administration depuis maintenant un an, les représentants des artistes-auteurs n’ont aucune information concernant la création d’un système informatique adaptable et performant, la migration des données, l’interopérabilité avec la caisse nationale d’assurance maladie, la caisse nationale d’assurance vieillesse etc. Il convient de définir clairement tous les prérequis et leur planification.

• Quid des élections des administrateurs ?

Les dispositions en vigueur relatives aux élections des conseils d’administration sont elles-mêmes parfaitement archaïques et inadaptées, elles doivent impérativement être réformées. Or l’administrateur provisoire est chargé « de prendre les décisions budgétaires modificatives nécessaires à la tenue de nouvelles élections des conseils d’administration en 2015 et d’organiser, en lien avec la DSS, ces futures élections » (voir notre article). Il convient donc avant toute élection d’adopter les modifications minimales nécessaires. Ce point appelle une clarification urgente.

3/ LE DOCUMENT DE CONCERTATION

La convocation à la réunion du 21 avril est accompagnée d’un « document de concertation » (cf pdf en fin d’article) avec quelques grandes lignes directrice concernant la réforme.

Le CAAP dont les analyses ont été largement présentées précédemment (voir ceci) est globalement favorable aux orientations de ce document. En bref, nous sommes favorable à la simplification et ’amélioration du régime spécifique des artistes-auteurs et à sa consolidation au sein du droit commun des régimes de sécurité sociale (ce qui exclut l’option 2 qui maintiendrait un seuil dit « d’affiliation » à 900 VHMS au lieu d’instaurer et appliquer le seuil de droit commun de validation de 4 trimestres retraite qui est de 600 VHMS).

Naturellement le « diable est dans les détails » et nous serons vigilants.

Certains sujets comme le champ d’application du régime ou les revenus dits « accessoires » sont loin d’être épuisés puisqu’à ce jour ils n’ont fait l’objet d’aucune concertation.

4/ RAPPEL : QU’EST-CE QU’UNE ORGANISATION PROFESSIONNELLE ?

Les expressions « organisation professionnelle », « organisation syndicale », « association professionnelle », « syndicat professionnel » … sont synonymes.

L’exercice du droit syndical est reconnu en France pour toutes les professions, y compris les professions indépendantes dont les artistes-auteurs.

Une organisation professionnelle est une forme particulière d’association ayant un objet social exclusif spécifique. Seuls les regroupements de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou connexes et ayant pour objet exclusif l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux tant collectifs qu’individuels des personnes mentionnées dans leurs statuts ont la qualité « d’organisations professionnelles » ou « syndicats ».

Cette définition découle du code du travail et s’applique à toutes professions :

  • L’article L. 2131-1 du code du travail dispose : Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts.
  • L’article L. 2131-2 du code du travail dispose : Les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l’établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement.

La Cour de cassation a consacré le principe selon lequel une organisation, dont l’objet social répond aux dispositions du code du travail, doit être qualifiée de « syndicat » ou « organisation professionnelle ».

Nota Bene : Une organisation syndicale ou professionnelle ne se définit pas par sa forme juridique mais par son objet, peu importe qu’elle prenne la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou par la loi du 21 mars 1884. C’est l’objet de l’activité de l’entité qui permet la qualification d’ « organisation syndicale ou professionnelle » et de la distinguer d’autres groupements.

Les organisations professionnelles jouissent de la responsabilité civile donc peuvent acquérir ou posséder des biens, contracter (signer des baux, emprunter) et agir en justice.

Quel que soit son statut juridique (loi 1901 ou loi 1884), une organisation professionnelle peut agir en justice devant toutes les juridictions :
• pour la défense de ses biens et droits propres,
• pour la défense des intérêts professionnels individuels,
• pour la défense des intérêts collectifs de la profession.
• Elle peut aussi se constituer partie civile.

Ainsi tout regroupement d’artistes-auteurs ayant pour objet statutaire exclusif la défense des intérêts moraux et matériels de ses adhérents est une « organisation professionnelle » et jouit des prérogatives attachées à cette qualité. Elles représentent les professions mentionnées dans leurs statuts auprès des pouvoirs publics et des organisations de diffuseurs.

Documents à télécharger

Propositions de modification du code de la SS