1/ Ce que préconise le rapport pour la cotisation vieillesse
Concernant les assujettis non affiliés de l’Agessa, visiblement les rapporteurs ont été davantage frappés par l’absence de cotisation vieillesse que par les trop-perçus (dont ils ne soufflent mot). Plus généralement il nous apparaît que les rapporteurs n’ont pas suffisamment pris la mesure de la problématique des artistes auteurs en BNC (les auteurs d’arts visuels produisent eux mêmes leur œuvres, le montant de leurs dépenses et investissements est loin d’être négligeable) et qu’ils n’ont pas tiré toutes les conséquences des dispositions du régime fiscal dans leur recommandations.
Ne pas remédier à un dysfonctionnement par un autre dysfonctionnement !
Le rapport sur la réforme du régime de sécurité contient 28 recommandations.
Sa recommandation N°1 est :
« Organiser le paiement systématique des cotisations vieillesse, en privilégiant le précompte, sauf volonté expresse de l’artiste auteur, en organisant un traitement automatisé. L’article R 382-27 du CSS est à modifier ».
Garantir les droits à la retraite
Actuellement les cotisations vieillesse sont payées par les 51 934 artistes auteurs de la MDA-SS et les 14 083 affiliés de l’Agessa. Reste les 191 075 assujettis de l’Agessa qui ne cotisent pas pour leur retraite, il convient donc en effet de remédier à cette anomalie. Mais certainement pas par une autre anomalie qui consisterait à généraliser le précompte aux artistes auteurs de la MDA-SS ou de l’Agessa en BNC !
Les rapporteurs précisent page 48 « Le prélèvement par précompte apparaît comme le dispositif le plus simple à mettre en place, la tâche d’un appel à cotisation pour l’ensemble des assujettis paraissant à la direction des deux organismes comme étant très lourde et nécessitant des moyens humains.
Cependant, du côté des auteurs qui relèvent aujourd’hui de l’AGESSA, la mise en place d’un précompte pour la cotisation d’assurance vieillesse du régime de base, conduira ceux des artistes auteurs dont les revenus sont égaux ou supérieurs au plafond de la sécurité sociale à devoir demander le remboursement des trop-perçus. Du côté des assujettis et affiliés à la MdA, qui pour la plupart déclarent leurs revenus en BNC, le précompte de la cotisation d’assurance vieillesse là où aujourd’hui le dispositif repose sur la déclaration des assujettis sur la base de leur BNC (50 % de l’année n-1 et 50% de l’année n-2) équivaudrait à une avance de cotisations susceptible de ne donner lieu à un remboursement des trop perçus que deux ans après le pré-compte.
Le nombre de cotisants affiliés à d’autres régimes (la plupart du temps le salariat ou les régimes des fonctions publiques) qui auraient déjà cotisé au plafond de la SS ou atteindraient ce plafond en cumulant leurs différents revenus, n’est pas connu. Il aurait permis de comparer les coûts de gestion respectifs du précompte et de l’activité de remboursement des trop-perçus » .
Le taux de cotisation vieillesse est actuellement de 6,75%.
Prenons l’exemple d’un artiste auteur en BNC déficitaire ayant un chiffre d’affaire annuel de 20000€. Il serait précompté pour la vieillesse de 1350€ alors qu’il ne doit rien et ce montant lui serait théoriquement remboursable que deux ans après !
La généralisation du précompte constituerait une régression sociale pour les artistes auteurs en BNC donc en particulier pour les auteurs d’arts visuels. Ce n’est pas envisageable.
La précision « sauf volonté expresse de l’artiste auteur » n’est pas un « garde-fou » acceptable et prend le contre pied du régime de droit commun fiscal. On connaît aujourd’hui les conséquences désastreuses de la mauvaise gestion des non affiliés de l’Agessa, gestion concomitante d’un « volontariat » en matière d’affiliation ...
Telle que rédigée cette recommandation introduirait une incohérence en regard du régime fiscal et des modalités de l’exercice professionnel, elle est contradictoire avec le souhait affiché par les rapporteurs eux mêmes d’aller vers une harmonisation entre les trois codes (des impôts, de la sécurité sociale et de la propriété intellectuelle).
Enfin cette recommandation induit d’éventuels trop-perçus relatifs à la cotisation vieillesse pour les déclarants en traitements et salaires précomptés et dont les revenus seraient supérieurs au plafond de sécurité sociale.
Les rapporteurs envisagent que le remboursement se fasse sur la « demande » de l’intéressé. Nous avons déjà évoqué les inconvénients majeurs d’un tel système. Le corollaire logique d’une perception automatique de la cotisation vieillesse par précompte pour les artistes auteurs en traitements et salaires est un remboursement lui-même automatique des éventuels trop-perçus.
Amendement de la recommandation N°1 du rapport : « Organiser le paiement systématique des cotisations vieillesse avec un traitement automatisé, par précompte pour les artistes auteurs déclarés en traitement et salaires (avec un remboursement automatique des éventuels trop-perçus) et par appels cotisations pour les artistes auteurs déclarés en BNC. ». L’article R 382-27 du CSS est à modifier en renforçant l’incompatibilité entre BNC et précompte et en instaurant une obligation de remboursement automatique des éventuels trop perçus de cotisation vieillesse pour les précomptés. |
2/ Des mesures transitoires urgentes dans les deux organismes
Théoriquement les artistes auteurs en BNC parmi les cotisants de la MDA-SS et les affiliés de l’Agessa obtiennent automatiquement de l’organisme social leur dispense de précompte annuelle. Il conviendrait que des mesures soient prises pour que cela soit plus effectif dans la pratique, notamment à la MDA-SS.
Rendre cohérents les formulaires de déclaration trimestrielle des diffuseurs des deux organismes. Ce qui signifie notamment de supprimer à la MDA-SS la double déclaration peu opératoire (l’une trimestrielle « anonyme », l’autre annuelle nominative mais que le diffuseur reçoit tardivement voire jamais).
Les non affiliés de l’Agessa n’obtiennent jamais de dispense de précompte. On ignore actuellement le nombre d’artistes auteurs en BNC parmi ces 191 075 cotisants (en 2012) car il ne sont pas identifiés. Néanmoins on peut raisonnablement supposer que la grande majorité de ces assujettis non affiliés sont déclarés en traitements et salaires. On sait par ailleurs que les artistes visuels (photographes, vidéastes, graphistes, illustrateurs, webdesigners, etc.) se déclarent le plus souvent en BNC, ils sont sans nul doute les premiers concernés par les trop perçus non remboursés d’hier et d’aujourd’hui. Il n’est pas normal qu’à l’Agessa des artistes auteurs en BNC continuent de payer des cotisations sociales sur leurs recettes au lieu de leur bénéfice. On ne peut laisser cette situation perdurer donc s’aggraver.
À termes, tout artiste auteur en BNC devra être obligatoirement identifié, dispensé de précompte et avoir un compte individuel au sein de l’organisme social.
En attendant cette normalisation et la mise en place du dispositif réparateur qui permettra de valider les droits à la retraite et de rembourser les trop-perçus antérieurs et, il conviendrait de commencer à régulariser la situation des artistes auteurs en BNC non affiliés actuellement précomptés par l’Agessa.
Comment ?
- fournir la dispense de précompte aux non affiliés en BNC qui la demande (actuellement l’Agessa se contente de ne pas leur répondre, or refuser de fournir la dispense de précompte S2062 à un artiste auteur en BNC est illégal, tout cotisant dans cette situation est fondé à saisir le tribunal administratif)
- les identifier, leur ouvrir un compte individuel et effectuer les appels cotisations aux taux de droit commun (y compris la cotisation vieillesse).
- informer et encourager les non affiliés en BNC à contacter l’Agessa pour régulariser leur situation (communication sur le site de l’Agessa et par mails)
- affilier les artistes auteurs qui perçoivent des revenus supérieur au seuil d’affiliation (actuellement cette disposition du code de la sécurité sociale n’est pas respectée par l’Agessa, certains artistes auteurs de l’Agessa sont ainsi abusivement classés parmi les assujettis non affiliés)
Ces mesures simples et urgentes peuvent être prises dès maintenant.
Ainsi l’organisme effectuerait progressivement le nécessaire travail d’identification des artistes auteurs en BNC non affiliés. Travail qu’il ne peut pour l’instant effectuer a priori faute de connaître le régime fiscal des 191 075 cotisants non affiliés.
A l’avenir, si comme nous le proposons l’URSSAF en tant que CFE fait connaître à l’organisme social les nouveaux déclarants en BNC cela facilitera dès le début l’identification et la gestion sociale de ces artistes auteurs, y compris ceux qui souhaiteraient à un moment donné renoncer au précompte et opter pour les BNC.