L’info Noir/blanc n° 19

SOMMAIRE DU N° 19

  • Dossier Fiscalité :
  • Le caractère professionnel de votre activité
  • L’autonomie du droit social et du droit fiscal : La Maison des artistes répond à nos questions
  • Soutien : Création d’une allocation exceptionnelle en faveur des artistes
  • Le centre de ressources :
  • La mise en place
  • Objectifs et contenu
  • Ateliers : Comment procéder en cos de conflit avec l’organisme d’HLM
  • Écoles supérieures nationales d’art : Le site Internet des “artistes & théoriciens”

EDITO

Inspecteur de la création… fiscale

Il y a quelques semaines, trois braqueurs de banques sous les verrous ont eu la surprise - peu banale - de se voir remettre par leur avocat un avis d’imposition. L’administration fiscale, à travers un contrôleur des impôts particulièrement zélé, a en effet estimé que les sommes obtenues lors des braquages constituaient un BNC (bénéfice non commercial), et qu’à ce titre elles étaient soumises à l’impôt. Il était donc légitime qu’elle réclame son dû, agrémenté pour l’occasion d’une pénalité puisque, naturellement, aucune déclaration d’impôts concernant ce “bénéfice non commercial” n’avait été effectuée par les braqueurs ...

Si l’histoire fait sourire au premier abord, il faut tout de même savoir qu’elle est régulièrement vécue par les péripatéticiennes qui œuvrent sur le territoire, et que par ailleurs, cette histoire constitue un exemple particulièrement parlant des incohérences d’une administration qui n’hésite pas à se donner les moyens de ponctionner légalement des revenus d’activités que par ailleurs elle condamne et combat.

Une fois de plus, nous sommes en présence de textes de loi qui, supportant l’interprétation, permettent à un fonctionnaire de tendre tranquillement mais sûrement vers le grotesque. Si, comme le défendent, et le soulignent avec juste raison beaucoup d’hommes de loi, cette capacité d’interprétation des textes est une garantie pour la démocratie ; en permettant notamment aux juges de créer des jurisprudences précieuses ; il n’en demeure pas moins qu’elles sont des outils délicats dont l’utilisation et la manipulation requièrent d’autres compétences que la simple culture du zèle. En d’autres termes, qu’on le veuille ou non, un inspecteur des impôts, aussi respectable soit-il, n’est pas un homme de loi, et la confusion des rôles et des moyens aboutissent tôt ou tard à des situations ridicules, incohérentes et parfois dangereuses ...

En dehors de l’aspect spectaculaire que revêt l’anecdote précitée, il y a une réalité plus quotidienne qui nous concerne particulièrement, car cette faculté d’interprétation qui est donnée aux fonctionnaires de l’administration fiscale peut également se retourner à tout moment contre beaucoup d’artistes. En effet, comme le démontre l’exemple que nous développons dans les pages suivantes (Dossier page 2,3 et 4) un contrôleur fiscal peut parfaitement remettre en question de façon radicale une économie, un statut et une activité professionnels, en considérant à la vue des simples éléments comptables que lui fournit un artiste que son activité n’est qu’un loisir (!)

Alors que de son propre aveu, aucune instance administrative en France n’est en mesure de “décerner le label artiste”, la Maison des Artistes quand à elle, précise, et insiste, sur la nécessité de l’ “autonomie du droit fiscal et social”. Séparation de pouvoirs dont on ne pourrait a priori que se féliciter si toutefois les réglementations étaient cohérentes et complémentaires. Or, le simple fait qu’un inspecteur des impôts puisse remettre en question aussi aisément le statut professionnel (et social) d’un artiste laisse clairement apparaître que non seulement ce n’est pas le cas, mais que, nécessité d’argent faisant loi, la négation d’une activité de recherche est possible par une administration qui n’est compétente ni pour en évaluer les enjeux, ni pour en juger la qualité.

Jacques Farine