L’info Noir/blanc n° 20

SOMMAIRE DU N° 20

  • Dossier : Copyleft
  • Les énigmes du copyleft : questions sans réponse sur les illusions des promoteurs de la Licence Art Libre.
  • Pour toute réponse : La Licence Art Libre ( le texte intégral de la version 1 - 1 ) A vous de voir !
  • Démocratisation culturelle, œuvre à "matérialité intermittente" et nouvelles technologies : à quoi donc peut bien servir la Licence Art Libre ?
  • Bibliographie commentée et revue de presse
  • Non ! Fred Forest : Perdre un procès n’est pas une œuvre d’art.
  • Site internet du CAAP
  • Attention : Fiscalité

EDITO

Licence Art Libre… de s’égarer

Bon, et bien tout ça c’est quand même bien complexe... Au départ, déjà, c’était pas simple quand il s’agissait de faire le point sur la réalité du droit d’auteur. j’entends les textes, leurs contenus, leurs signifiants et leurs implications … Rapidement. on s’est aperçu que ce que nous avions compris et discerné là-dedans, en dehors du fait que ça n’était pas une préoccupation largement partagée, et bien ne concernait finalement pas grand monde puisqu’une bonne partie de la planète fonctionnait sous le registre du droit anglo-saxon. L’exercice d’une comparaison allant rarement dans le sens de la simplification, nous nous sommes retrouvés à devoir gérer une réalité encore plus complexe. Nous nous sommes battus, débattus tant bien que mal entre les textes, nos convictions et les réalités économiques, nous efforçant de demeurer objectifs et sensés ... quand tout fut remis en question par l’arrivée d’internet. Plus de contrôle possible, libre circulation de l’information et copie à l’identique illimitée, le savoir à la portée de tous, sans limite, sans restriction, la démocratie culturelle en route dans les petits tuyaux, l’opulence du savoir, les robinets ouverts à fond, l’inondation des faits par les faits, les vrais, les faux, tout arrive par le même biais, l’écrit, l’image et le son, l’eau, le gaz et l’électricité à tous les étages, c’est inouï et absolument génial. ..

Sauf que, la législation concernant le droit de propriété sur le réseau a beau faire l’objet de débats, de colloques et de publications, de querelles et de propositions, la confusion des genres demeure … Ainsi par exemple, certains ont été tentés de prendre modèle sur les principes élaborés par Licence Publique Générale (voir page 3) et de s’en inspirer pour proposer un "copyleft" adapté aux œuvres diffusées sur internet, permettant ainsi à chacun de s’approprier des œuvres originales au nom de la libre circulation et sous prétexte de démocratisation. Mais lorsque G.P.L prend l’initiative de mettre à la portée de “tous” des logiciels moins chers, il ne le fait pas pour des raisons commerciales. L’idée n’est pas de donner à lire et à écrire mais de contrecarrer des monopoles qui s’installent et de permettre à chacun d’obtenir des outils nécessaires pour accéder à la culture. L’idée n’est pas de donner à boire et à manger mais bien de permettre à chacun de pouvoir utiliser couteaux et fourchettes... Dans ce cas de figure, les propos ne sont pas économiques, ce sont ces
moyens qu’ils le sont. Par ailleurs, l’initiative “Licence Art Libre” d’Antoine Moreau a beau être volontariste et non sans intérêt, elle fait l’impasse sur quelques subtilités essentielles qu’il me parait souhaitable de souligner.

En effet, l’idée selon laquelle il serait possible d’envisager la création d’une législation conséquente en terme de droit d’auteur sur internet n’est possible qu’à condition de partir de deux postulats convergents :

Le premier tient au fait que le médium est devenu unique. Là où, auparavant, nous étions en présence de disciplines aussi variées que la musique, la photographie, la peinture ... avec des modes d’utilisation, de reproduction et d’interprétation qui leur étaient propres. Nous sommes aujourd’hui en présence d’un seul outil, diffusant musique, image, texte et bientôt d’avantage selon un même et unique procédé en temps réel et à l’identique. Le “détail” est d’importance, qui met en relief l’apparition d’un appareil cumulant la double fonction d’outil/médium, nivelant et synthétisant de fait des fonctions qui jusqu’ici répondaient à des registres de droits différents ...
Le second paramètre déterminant tient à la nature même de l’outil qui n’existe qu’à travers la globalité qu’il incarne.

Or ce système, qui est aujourd’hui géré de façon totalement empirique, ne repose juridiquement que sur la base d’une multitude de conventions internationales et d’ institutions plus ou moins attentives ou tolérantes en terme de droit d’auteurs. Dans ces conditions, l’œuvre mise sur le réseau est immédiatement propulsée en dehors du champs d’application du droit national au profit d’une législation, qui, quoi qu’on en dise, est spécifiquement et universellement ... inexistante. La technicité et la nature planétaire d’internet implique une législation globale. La créer à partir des textes existants ou de modèle inappropriés, c’est jouer les apprentis sorciers, c’est prendre le risque de se voir déposséder non seulement d’une législation mais également et surtout de tout ce qu’elle était sensée protéger.

Jacques Farine

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