BUDGET CULTURE 2017 ET ARTS VISUELS (3) : DES CRÉDITS EN FAIBLE AUGMENTATION ET CONCENTRÉS SUR LES DIFFUSEURS

Le « bleu budgétaire » du budget de la culture consacré au programme 131 dit « création » est téléchargeable en pdf en fin d’article.

1/ CRÉDIT CENTRAUX : La première carence de la politique publique à l’égard des arts visuels est la faiblesse et l’iniquité des moyens accordés à la structuration professionnelle.

p. 45

Extrait PLF : « Structuration des professions et de l’économie du secteur : 1,64 M€ AE=CP


  • 0,80 M€ en AE=CP sont destinés au soutien des galeries d’art via le Fonds d’avances remboursables (FARGA) créé en 2014 et confié à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC)…
  • 0,84 M€ en AE=CP sont prévus pour les organisations professionnelles et les entreprises de la création représentatives dans le champ des arts plastiques, comme, la Fédération des réseaux d’artistes auteurs plasticiens, et pour les structures associatives « ressources », dont le congrès interprofessionnel de l’art contemporain (CIPAC), l’association nationale des arts de la mode, les associations PLATFORM pour les FRAC ou DCA (association française de développement des centres d’art). »

La ligne budgétaire intitulée « associations professionnelles et structures de ressources » est un rideau de fumée qui recouvre un inventaire à la Prévert et une carence grave du soutien effectif à la professionnalisation, en particulier des artistes-auteurs eux mêmes.

En regard, le dispositif équivalent pour le spectacle vivant est doté de 8.435.160€ (p.32-33 du programme 131 : création), il indique le nombre de bénéficiaires ainsi que le montant minimum et le montant maximum alloué par bénéficiaire.

Un regroupement peu cohérent et opaque
Cette présentation pour les arts visuels amalgame le soutien aux organisations professionnelles des auteurs des arts visuels, le soutien aux organisations professionnelles des diffuseurs (FRAAP et CIPAC) et le soutien à divers réseaux de diffusion institutionnels. La fonction et les missions entre les unes et les autres diffèrent.

Depuis plusieurs années déjà nous demandons une clarification de cette ligne qui tend notamment à occulter l’extrême faiblesse du soutien aux organisations professionnelles des auteurs des arts visuels. Ici au lieu de clarifier la ligne, le commentaire en rajoute dans la confusion, seule la FRAAP est mentionnée comme organisation professionnelle alors que le CIPAC est cité comme structure associative « ressource ». Les organisations professionnelles des auteurs des arts visuels ne sont pas mentionnées du tout ....

Dans la pratique les acteurs qui travaillent nationalement à la structuration professionnelle du champ des arts visuels sont les têtes de réseaux de l’écosystème de l’art, et plus particulièrement : l’USOPAV pour les syndicats d’artistes, la FRAAP pour les diffuseurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), le CIPAC pour les diffuseurs publics et para-publics et le CPGA (Comité professionnel des galeries d’art) pour les diffuseurs privés.
PLATFORM, DCA et CPGA sont des membres du CIPAC.

Dans le champ des arts visuels, les partenaires sociaux sont les représentants des artistes-auteurs et les représentants des diffuseurs.

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Nous demandons que les montants effectivement consacrés nationalement à la structuration professionnelle des arts visuels soit sur une ligne spécifique et que soit mentionné le soutien respectif aux partenaires sociaux - artistes-auteurs et diffuseurs - en les distinguant.
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Une répartition qui renforce les relations inéquitables entre artistes-auteurs et diffuseurs.

Extrait du PLF : « Le ministère continue de soutenir les organismes professionnels et syndicaux, qui contribuent à la structuration professionnelle du secteur dans toutes les disciplines. Ces organismes participent notamment aux instances de dialogue social… Ils ont un rôle de conseil juridique, économique, social et culturel auprès de leurs adhérents, essentiel à la bonne organisation des professions. » est-il affirmé en introduction générale du programme 131 consacré à la création …

Jusqu’à présent les crédits affectés à l’ensemble des organisations professionnelles des auteurs des arts visuels s’élevaient à 2,7% de la ligne budgétaire intitulée « structuration des professions et de l’économie du secteur des arts visuels », soit 6,25% de la ligne budgétaire intitulée « associations professionnelles et structures de ressources ».

Ce sous-financement des syndicats d’artistes-auteurs est un frein conséquent à la structuration professionnelle. La subvention accordée à l’USOPAV qui s’élève à 10 000€ par an ne lui permet pas de travailler dans des conditions équivalentes à celles des autres têtes de réseaux : CIPAC (130 000€) et FRAAP (90 000€). Aucun poste salarié notamment n‘est envisageable, le travail de l’USOPAV et des syndicats d’artistes repose entièrement sur le bénévolat.

Les acteurs les plus essentiels mais aussi les plus fragiles sont ainsi les moins financés. Au lieu de rééquilibrer la relation asymétrique qui existe entre artistes-auteurs et diffuseurs, la puissance publique l’accentue tout en prétendant encourager le dialogue social.

Le montant effectivement alloué à la structuration professionnelle du secteur des arts visuels était jusqu’à présent de 260.000€ (40k€+90k€+130k€), soit seulement 40% des crédits de la « associations professionnelles et structures de ressources » dotée de 640.000€.

Une ligne budgétaire en augmentation en 2017
Nous notons que cette dernière ligne budgétaire qui était jusqu’à présent plafonnée chaque année à 640.000€ passe à 840.000€ en 2017.

Les syndicats d’artistes-auteurs [1] ne sont d’évidence pas soutenu financièrement à la hauteur de leur travail et de leur « rôle de conseil juridique, économique, social et culturel auprès de leurs adhérents, essentiel à la bonne organisation des professions », leur rôle dans le dialogue social, leur rôle d’explication de leurs métiers et de leurs conditions d’exercice à l’ensemble de leur partenaires, qu’il s‘agisse d’administrations ou de diffuseurs, publics ou privés …

À titre d’exemple, le CAAP est soutenu à hauteur de 4500€ par an, un montant ridicule en regard du travail accompli : accompagnement des auteurs dans leurs démarches de professionnalisation, soutien et conseils dans le cadre du règlement de problèmes administratifs et juridiques, participation et contribution aux actions collectives de réflexion et de production de contenus dans le cadre des consultations régionales et nationales …

L’USOPAV qui développe des outils utiles à tous les acteurs du champ des arts visuels n’est pas non plus soutenue financièrement à la hauteur de sa mission.

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Nous demandons que la puissance publique s’engage en 2017 a enfin soutenir décemment les syndicats professionnels des auteurs des arts visuels, d’une part, et à allouer à l’USOPAV une subvention qui lui permette de créer un poste salarié mutualisé, d’autre part.
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2/ L’absence de centre de ressources national et mutualisé dédié aux arts visuels (alors qu’il en existe plusieurs pour le spectacle vivant)

Nous rappelons que malgré nos vœux réitérés et contrairement aux autres secteurs de la création, il n’existe toujours pas de centre de ressources pour les arts visuels. Les organisations professionnelles assument seules et à leur frais la fonction ressources pour les acteurs du secteur.

En particulier et à tire d’exemple, les syndicats professionnels des artistes-auteurs, accompagnent bénévolement les artistes-auteurs dans leurs démarches de début d’activité (où s’inscrire ? quel régime fiscal choisir ? Quel organisme social contacter ? comment faire un facture ? etc.). Ces démarches et obligations ne sont pas enseignées dans les écoles d’art et sont loin d’être facilitées par la méconnaissance des CFE (centre de formalités des entreprises) de nos conditions d’exercice professionnel spécifiques.

Sur cette ligne budgétaire, le terme « associations ressources » semble n’avoir de sens que pour masquer la carence d’un centre de ressource national dédié aux arts visuels (comme ARTCENA, IRMA et HLM dans le spectacle vivant).

Les associations dites « ressources » comme PLATFORM ou DCA sont en fait des réseaux particuliers qui fédèrent des diffuseurs publics (FRAC, Centres d’art) dans le but de leur donner une visibilité et de favoriser des coopérations. Cependant que l’ANDAM (association nationale pour le développement des arts de la mode) qui perçoit 200.000€ sur cette ligne, organise pour sa part un concours !

La sous information chronique tant des diffuseurs que des artistes visuels sur leurs droits et devoirs est un problème de fond permanent. Alors que les conditions d’exercice de nos professions artistiques sont spécifiques et souvent plus complexes que celles des artistes des autres secteurs culturels (musique, art vivant, audiovisuel et cinéma, industrie du livre…), les arts visuels sont les seuls à ne pas disposer d’un centre national de ressources.

3/ Fiscalité : une TVA toujours à 10% sur les droits d’auteur !

TVA des artistes-auteurs : 5,5% sur les ventes d’œuvres originale, 10% sur les droits d’auteur. Le taux de TVA qui était passé de 5,5% à 7% puis à 10% à partir de 2012 a été ramené à son taux initial en 2015 grâce au Sénat. Reste que la TVA sur les droits d’auteur a absurdement été maintenue à 10%, ce qui constitue une incohérence et une iniquité (notons que les diffuseurs de la presse, de l’édition etc. bénéficient pour leur part de taux nettement plus favorables). Pourquoi taxer ainsi les revenus des premiers acteurs de la création, les artistes-auteurs, qui sont aussi les plus précaires ?

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Nous demandons le rétablissement d’un taux de TVA à 5,5% sur les droits d’auteurs.
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4/ CRÉDITS DÉCONCENTRÉS : un montant toujours aussi homéopathique attribué aux artistes-auteurs



Les crédits dédiés aux aides directes aux artistes (aides individuelles à la création, allocations d’installation d’atelier et d’acquisition de matériel) ne bénéficient d’aucune augmentation. Elles restent à leur éternelle montant homéopathique : 0,65% des auteurs des arts visuels perçoivent une aide publique !

Les aides aux projets et aux festivals et biennales sont également inchangés depuis longtemps.

En revanche, les crédits de certains diffuseur (Frac, Centres d’art, …) est en nette augmentation. Quel pourcentage de ces moyens sera alloué à la rémunération des artistes ?

Le « soutien à des résidences arts plastiques » passe de 353.000€ à 830.350€. Des moyens supplémentaires sont donc alloués aux diffuseurs qui organisent des résidences. Quel pourcentage de ces moyens sera alloué à la rémunération des artistes ?

Le dispositif de résidence à l’école intitulé « création en cours » est spécifiquement destiné à de jeunes artistes qui sortent des écoles supérieures d’art. Il vise théoriquement à leur « insertion professionnelle ». Or, dans ce dispositif décidé sans concertation avec les syndicats d’artistes, en toute aberration, rien n’est prévu pour accompagner les jeunes artistes dans le parcours d’embûche de leur début d’activité, aucun modèle de contrat n’est fourni, etc.

Que recouvre la ligne nébuleuse « associations professionnelles et structures ressources » ?

Le SODAVI (schéma d’orientation et de développement pour les arts visuels) est un dispositif potentiellement précieux, s’il se mettait en place sérieusement. Les syndicats des artistes-auteurs devraient y avoir leur place. Dans la pratique, rien ne les régule, aucune concertation à ce sujet avec les pouvoirs publics.

5/ L’instauration d’un observatoire de la création artistique est une bonne nouvelle

« Cet observatoire permettra d’affiner l’évaluation de la politique en faveur de la création artistique ». Le champ des arts visuels manque en effet nettement de données statistiques, sociologiques, économiques et sociales mais aussi d’indicateurs.

Les 4 objectifs affichés du PLF 2017 sont louables, mais les indicateurs de performance relatifs aux arts visuels sont d’une indigence remarquable.

La réalité sur le terrain reste par ailleurs le maintien d’une politique de soutien aux « vaisseaux amiraux » institutionnels au détriment des structures les plus novatrices et les moins focalisées sur l’entre soi (qui continue hélas de caractériser le monde de l’art). Structures souvent portées par les artistes eux mêmes mais constamment occultées dans les commentaires et les statistiques du ministère.

OBJECTIF N° 1 Inciter à l’innovation et à la diversité de la création
Indicateurs.

  • L’indicateur 1.1 qui amalgame le « nombre de commandes musicales, d’aides à la création dramatique, de commandes et d’acquisitions d’œuvres d’art en arts plastiques attribuées à des artistes pour la première fois et retenues en commission au 31 décembre de l’année civile considérée.  »
ne permet pas de connaître ce qu’il en est effectivement pour les arts visuels.
  • L’indicateur 1.2 concerne exclusivement le spectacle vivant. La place accordée à la diffusion de créations contemporaines n’est pas mesurée pour les arts visuels. Il serait pourtant judicieux de mesurer la place accordée aux œuvres des artistes vivants dans les expositions.

OBJECTIF N° 2 Donner des bases économiques et professionnelles solides à la création.
Indicateurs

  • L’indicateur 2.1 concerne exclusivement le spectacle vivant. L’équilibre financier des opérateurs des arts visuels n’est pas suivi.
  • L’indicateur 2.2 confond emploi et commandes d’œuvres et se limite au « montant des acquisitions et des commandes réalisées auprès d’artistes par les FRAC et le CNAP ». Il serait pourtant judicieux de mesurer la part des rémunérations versés aux artistes-auteurs dans toutes les structures de diffusion (et non uniquement les FRAC et le CNAP). Faute de quoi l’article 3 de la LCAP qui préconise de « s’assurer, dans l’octroi de subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs » restera un vœu pieux. Notons par ailleurs que les montants des acquisitions des FRAC et du CNAP sont en baisse importante depuis plusieurs années.

OBJECTIF N° 3 Augmenter la fréquentation du public dans les lieux culturels sur l’ensemble du territoire
Indicateurs

  • L’indicateur 3.1 ne concerne que les fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), les centres d’art, le Palais de Tokyo, le Jeu de Paume, et Sèvres-Cité de la céramique et porte exclusivement sur la fréquentation du public scolaire, donc un public « captif ». Le public concerné par les arts visuels est donc très largement sous-estimé.

OBJECTIF N° 4 Diffuser davantage les œuvres et les productions culturelles en France et à l’étranger
Indicateurs

  • L’indicateur 4.1 pour mesure « l’effort de diffusion territoriale » se limite au nombre d’expositions réalisées par les FRAC hors les murs en France et à l’étranger
… L’indicateur 4.2 concerne exclusivement le spectacle vivant. Le nombre d’expositions d’arts visuels n’est pas suivi.

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