Revenus artistiques et activités accessoires : nouvelles circulaire



La nouvelle circulaire sur les revenus artistiques et les activités accessoires [1]

Cette circulaire est le résultat ponctuel d’une négociation de 3 ans avec la direction de la sécurité sociale et le ministère de la culture.

Les textes législatifs qui régissent les dispositions sociales et fiscales des artistes auteurs relèvent pour une large part d’une conception héritée du XIXème siècle, ce qui n’est pas sans poser aux artistes de nombreux problèmes extrêmement concrets.

La difficulté récurrente des ministères à créer un environnement juridique et économique approprié à la spécificité des activités artistiques d’aujourd’hui est proportionnelle au manque d’écoute de technocrates loin des réalités de terrain.

Face à la méconnaissance affligeante de l’évolution des pratiques artistiques depuis plus d’un siècle, les organisations professionnelles d’artistes, et notamment le CAAP, ont tenté de faire comprendre aux représentants des ministères la réalité contemporaine de leur exercice professionnel. Ils n’ont été que très partiellement entendus. Les avancées notables sur le revenu principal (1ère partie de la circulaire) peinent à compenser les dispositions discriminantes et inéquitables de la seconde partie sur les activités accessoires.

Le résumé des dispositions est disponible dans Revenus et fiscalité rubrique RESSOURCES


Le revenu principal d’un artiste auteur

Jusqu’à présent le revenu artistique était supposé être constitué uniquement de ventes d’œuvres et de droits d’auteurs. Or l’activité d’un artiste contemporain n’est pas réductible exclusivement à la vente d’œuvre ou à la perception de droits d’auteur. Aux revenus tirés de la vente ou de l’exploitation de ses œuvres, s’ajoutent diverses prestations artistiques et aides qui entrent pleinement dans l’exercice normal de son activité.

Désormais peuvent être inclus dans le revenu principal, les revenus perçus au titre des activités suivantes :

  • conception de son oeuvre par l’artiste auteur (bourse de recherche, sommes relatives aux concours, ou perçues en contrepartie de réponse à des commandes et appels à projets publics ou privés).
  • participation à la création de l’oeuvre en qualité de co-auteur ;
  • installation et mise en espace scénique de son oeuvre par l’artiste auteur ;
  • location d’oeuvres ;
  • vente de livres d’artistes constituant des oeuvres originales ;
  • suivi ou exécution de son oeuvre par l’artiste auteur, même lorsque l’activité ne débouche pas sur une cession de droits ;
  • lecture publique d’une ou plusieurs de ses oeuvres par l’auteur, assortie d’une
    présentation orale ou écrite d’une ou plusieurs de ses oeuvres, à l’exclusion des
    participations de l’auteur à des débats ou à des rencontres publiques portant sur une
    thématique abordée par l’auteur dans l’une ou plusieurs de ses oeuvres, des conférences, ateliers, cours et autres enseignements ;
  • présentation orale ou écrite d’une ou plusieurs de ses oeuvres par l’artiste (plasticien,graphiste, photographe, auteur compositeur, peintre-illustrateur).

Les revenus artistiques usuellement appelés bourses de création, bourses de
recherche et bourses de production entrent dans le revenu artistique de l’artiste auteur quand ils ont pour objet unique la conception, la réalisation d’une oeuvre ou la réalisation d’une exposition.

S’agissant des revenus tirés des « résidences », ceux–ci entrent intégralement dans le champ des revenus artistiques dès lors que, d’une part, le temps consacré à la conception ou à la réalisation de l’oeuvre est égal ou supérieur à 70% du temps total de la résidence, et que, d’autre part, l’ensemble des activités de l’artiste auteur réalisées dans le cadre de la résidence fait l’objet d’un contrat énonçant l’ensemble des activités à réaliser par l’artiste-auteur et le temps qui y est consacré.

Enfin la vente et les créations d’œuvres d’art « non traditionnelles » : art vidéo, art virtuel, installations (visuelles ou sonores), art numérique, art conceptuel, land art, création d’œuvre en public (performance, happening, art en direct…), création d’œuvre à caractère participatif (dont le concept artistique implique intrinsèquement la participation d’autres personnes : art sociologique, art relationnel, art interactif, …) et d’une manière générale les activités artistiques des plasticiens d’aujourd’hui, non mentionnées dans le code général des impôts, sont indirectement pris en compte par la Lettre ministérielle du 7 avril 1981 annexée à la circulaire.

Ces dispositions positives ont l’avantage de mieux cerner les contours de l’exercice professionnel des artistes et les prestations qui devraient données lieu à des rémunérations. Mais sans prise de conscience des artistes et de leurs diffuseurs, la culture de la gratuité qui sévit dans le domaine des arts plastiques (non application des droits d’auteur et prestations artistiques non rémunérées) continuera à précariser les plasticiens et à faire perdurer un contexte professionnel très peu propice au développement de la création dans le domaine des arts visuels en France.


Les revenus accessoires à l’activité principale

Pour la majorité des artistes, les revenus tirés de la seule exploitation directe de leurs œuvres, vente d’œuvres ou droits d’auteur sont insuffisants pour vivre décemment, y compris en ajoutant les diverses aides et prestations artistiques désormais intégrés dans le revenu principal.

La caractéristique des revenus artistiques est leur faiblesse et leur irrégularité. Les droits d’auteurs sont peu ou pas appliqués (y compris par les institutions publiques). Les ventes d’œuvres restent le plus souvent exceptionnelles. Les prestations artistiques sont généralement sous-payées ou impayées. Les aides restent marginales. Il en découle une précarité constante pour les artistes.

Le revenu médian des artistes affiliés est inférieur au seuil de pauvreté. Ils sont donc souvent amenés à recourir à des activités accessoires comme source de revenus complémentaires.

La nouvelle circulaire précise la nature des revenus des activités accessoires et définit les conditions de rattachement de ces activités accessoires à l’activité principale d’artiste auteur.

Les activités concernées

Revenus provenant :

  • de rencontres publiques et débats en lien direct avec l’oeuvre de l’artiste auteur ;
  • de cours donnés dans l’atelier ou le studio de l’artiste auteur ;
  • d’ateliers, artistiques ou d’écriture, dans la limite admise de 3 ateliers par an (1 atelier équivaut au maximum à 5 séances d’une journée maximum). Pour les ateliers réalisés auprès d’organismes socio-éducatifs tels les établissements d’enseignement scolaire (écoles primaires, collèges, lycées), les établissements d’enseignement supérieur (universités), les hôpitaux, les prisons, les bibliothèques et médiathèques publiques, la limite admise est relevée à 5 ateliers par an, à la condition que la réalisation de l’atelier ne puisse être faite que par un artiste auteur affilié et non par un enseignant ou toute autre personne rémunérée pour sa réalisation et que les structures concernées n’entretiennent pas avec l’auteur de lien de subordination juridique définie comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Les ateliers organisés par des
    associations agissant pour le compte des organismes socio-éducatifs précités peuvent bénéficier de l’application du plafond de 5 ateliers par an ;
  • de participations ponctuelles, dans la limite admise de 4 par an, à la conception ou à la mise en forme de l’oeuvre d’un autre artiste plasticien. L’activité d’assistant est exclue, cette activité relevant du salariat ;
  • les accrochages ponctuels, ainsi que la mise en espace ponctuelle d’oeuvres plastiques d’un autre artiste plasticien, dans la limite admise de 4 par an. L’activité régulière d’accrochage est exclue.


Les activités qui ne peuvent être rattachées à l’activité principale d’artiste auteur

Les interventions dans le cadre de la formation professionnelle initiale ou continue sont exclues du champ du régime des artistes auteurs.

Autres activités refusées : conseil artistique, expertise, commissariat d’exposition, médiation, conférence, restauration d’œuvres, métiers d’arts …


Plafond et seuil - Assujettis et affiliés

Pour cette seconde partie de la circulaire – pratiquement inchangée du début à la fin des négociations - les ministères concernés sont restés figés dans un immobilisme bureaucratique qui n’a tenu aucun compte de la réalité de terrain pourtant longuement expliquée par le CAAP et les autres organisations professionnelles.

Le seul point clairement positif est l’augmentation du plafond des activités accessoires qui passe de à 4670€ à 6480€ (au lieu des 7290€ demandé).

La principale aberration de la précédente directive (1998) :« le caractère accessoire des activités concernées ne doit s’apprécier que par rapport à une activité artistique principale attestée par l’affiliation » est maintenue dans cette nouvelle circulaire : « Seuls les revenus tirés d’activités accessoires perçus par les artistes auteurs affiliés sont concernés par ce dispositif ».
Cette confusion délibérée entre « activité principale » et « affiliation » conduit a exclure du dispositif les artistes dont la seule ou la principale activité professionnelle est la création d’œuvres mais qui restent assujettis en raison d’un revenu artistique inférieur au seuil d’affiliation (8487€) alors qu’inversement sont inclus des artistes ayant une autre activité principale (le plus souvent salariat) en plus d’un revenu artistique supérieur au seuil.

Parmi les assujettis ceux qui devraient être les premiers concernés par ce dispositif en sont abusivement exclus, et ce, dans un souci technocratique simplificateur qui fait fi de toute logique et toute compréhension du terrain. Sourds aux alertes des représentants des artistes, les ministères ont donc opté pour une pénalisation des artistes les plus précaires.

Parmi les affiliés, les ministères ont également décidé de pénaliser les artistes qui ont les revenus les plus faibles (les affiliés à titre dérogatoire) en les empêchant d’atteindre le plafond des activités accessoires via la superfétatoire « règle des 50% ».

Enfin les ministères ont introduit entre les différents types d’activités accessoires des « sous-plafonds » en nombre de séances qui pénalisent les artistes qui n’ont pas les moyens d’avoir un atelier, ceux qui n’ont pas l’opportunité de privilégier un type d’activités accessoires plutôt qu’un autre et ceux qui n’arrivent pas à obtenir une rémunération suffisamment élevée par séance.


Toutes ces limitations - parfaitement inutiles car elles s’ajoutent au montant plafonné à 6480€ par an - ont pour principale conséquence de fragiliser… les plus fragiles.

Chaque effet pervers de cette circulaire a été clairement mis en évidence par le CAAP et les autres organisations professionnelles, les ministères ont refusé d’en tenir compte jusqu’au bout.

Ainsi entre les objectifs affichés de la circulaire et les mesures prises, la fracture est sensible. L’attente des artistes était grande, la déception l’est d’autant plus.

Aujourd’hui les ministères se disent disposés à entendre les difficultés d’application et prêts à envisager de nouvelles instructions à l’occasion de l’évaluation du dispositif en 2013. Procrastination et mots pour maux…

Il faudra faire plus, mieux et vite !

Documents à télécharger

Circulaire du 16 février 2011
Circulaire revenus artistiques 2011
Résumé succinct de la circulaire