L’autoédition dans le régime social des artistes-auteurs (2)

Synthèse

L’autoédition et l’autodiffusion peuvent se définir comme la reproduction ou la diffusion de son œuvre par l’artiste-auteur lui-même, en série non limitée, quels que soient la nature de l’œuvre et de son support matériel. L’exercice du droit d’exploitation de ses œuvres par l’artiste-auteur lui-même (autoédition, autodiffusion) concerne tous les types d’œuvres et tous les supports (voir notre article).

Le bénéfice attendu par l’artiste-auteur de la vente des exemplaires de la reproduction de son œuvre résulte de l’exploitation de ses droits patrimoniaux et est imposable en bénéfices non commerciaux (BNC).

En revanche, l’édition d’œuvres d’autrui, la fabrication industrielle du support matériel de l’œuvre (livres, CD, DVD, cartes postales, objets divers incorporant une œuvre…) et l’édition d’œuvres non protégées par le code de la propriété intellectuelle, relèvent toujours des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), donc restent en dehors du régime des artistes-auteurs.

1/ Rappel : le régime social des artistes-auteurs est nécessairement basé sur leur régime fiscal

Rappel : L’assiette sociale d’un artiste-auteur dépend de sa déclaration aux impôts (TS ou BNC). Le régime social est donc fonction du régime fiscal.

L’administration fiscale qualifie de « professions libérales les professions dans lesquelles l’activité intellectuelle joue le principal rôle et qui consistent en la pratique personnelle d’une science ou d’un art. Leurs titulaires exercent leur activité en toute indépendance – ce qui les distingue des salariés – et leurs biens et actes sont, en principe, régis par le droit civil, ce qui les distingue des commerçants
Sans que cette énumération puisse être considérée comme limitative, on peut citer au nombre des professions libérales celles de médecin, dentiste, chirurgien, vétérinaire, sage-femme, infirmière, masseur-kinésithérapeute, architecte, avocat, professeur libre, homme de lettres, artiste (peintre, sculpteur, compositeur, etc.)... » (cf BOI-BNC-CHAMP-10-10-10).

Ainsi, fiscalement les artistes-auteurs sont assimilés à des professions libérales.
C’est pourquoi les revenus des artistes-auteurs ont par nature le caractère de bénéfices des professions non commerciales (BNC).

Pour mémoire, à titre dérogatoire, en vertu du 1er quater de l’article 93 du code général des impôts, les droits d’auteur intégralement déclarés par les éditeurs, les producteurs et les organismes de gestion collective peuvent être déclarés en traitements et salaires (TS). L’administration fiscale précise, d’une part, que « Les autres revenus perçus par les auteurs d’œuvres de l’esprit demeurent imposables dans les conditions de droit commun à la catégorie des revenus non commerciaux » et, d’autre part, que « nonobstant le régime fiscal auquel ils sont soumis, les produits de droits d’auteur perçus par les auteurs d’œuvres de l’esprit, conservent leur caractère de revenus non commerciaux. » (cf BOI-BNC-SECT-20-10-10).

De ces dispositions, il découle que les revenus de l’autoédition et de l’autodiffusion sont obligatoirement déclarés en BNC et, qu’en aucun cas, des revenus issus des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ne peuvent être déclarés dans le régime social des artistes-auteurs.

2/ La fabrication en nombre non limité de supports matériels et d’objets relève des bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

L’administration fiscale précise : « La reproduction d’une œuvre de l’esprit consiste dans sa fixation matérielle par tous procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte ; elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tous procédés des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. » (cf BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-20).

Par ailleurs, l’administration fiscale discerne depuis longtemps les revenus tirés de l’autoédition (auteur-éditeur) des revenus tirés de l’édition. Les revenus tirés de l’édition relèvent des BIC alors que : « Lorsque l’auteur assure l’édition et la vente de ses œuvres, il est imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour l’ensemble des profits qu’il réalise. » (cf BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-20).

Ainsi, il importe de ne pas confondre l’activité d’éditeur qui exploite les œuvres d’une pluralité d’auteurs et d’autrices (versement de droits de reproduction), et l’activité d’autoédition qui porte exclusivement sur les propres œuvres de l’auteur.

Il importe aussi de ne pas confondre l’exercice du droit d’exploitation de ses œuvres par l’artiste-auteur lui-même (autoédition, autodiffusion) qui relève des BNC avec d’autres activités professionnelles qui n’en relèvent pas, notamment la fabrication industrielle qui relève des BIC. Par exemple, les imprimeurs (y compris impression 3D) et les fabricants industriels d’objets de tous types.

Seul le produit de l’exercice de son droit d’exploitation sur ses propres œuvres et la vente des exemplaires ainsi « fabriqués en nombre » peut être déclaré en BNC par l’artiste-auteur. En revanche, l’activité qui consiste à fabriquer des objets en série ou à dupliquer des modèles en nombre d’exemplaires non limité relève d’une activité industrielle (BIC).

En conséquence, sauf à exercer parallèlement une activité en BIC hors régime social des artistes-auteurs, un « auto-éditeur » ne fabrique pas lui-même d’objets en série de façon industrielle, il fait appel à des fabricants qui sont ses fournisseurs.

Le bénéfice attendu par l’artiste-auteur de la vente des exemplaires incorporant une reproduction de son œuvre résulte uniquement de l’exploitation de ses droits patrimoniaux (BNC), non de la fabrication des supports de l’œuvre reproduite (BIC).

La prise en compte simultanée des dispositions du code de la sécurité sociale, du code de la propriété intellectuelle et du code des impôts implique que les recettes de l’autoédition qui peuvent être déclarées dans le régime social des artistes-auteurs :

  • Concernent exclusivement les propres œuvres de l’artiste-auteur protégées par le code de la propriété intellectuelle ;
  • Concernent exclusivement l’exercice de son propre droit d’exploitation (et non la fabrication industrielle du support matériel de l’œuvre).
En conséquence, éditer des œuvres d’autrui ou non-protégées par le code de la propriété intellectuelle ou fabriquer soi-même les supports matériels fixant l’œuvre dans des conditions industrielles, ne relèvent, ni des BNC, ni de l’autoédition, ni du régime social des artistes-auteurs.

Nota bene : L’autoédition implique que l’artiste-auteur prenne en charge tous les frais, notamment les coûts relatifs à la fabrication du support de l’œuvre en s’adressant à un prestataire. Une déclaration en micro-BNC - c’est-à-dire avec des frais forfaitaires limités à 34% des recettes - peut souvent s’avérer désavantageux, les dépenses professionnelles étant largement majorées. A priori, la déclaration d’un BNC aux frais réels (déclaration contrôlée) est plus appropriée. Mais elle nécessite la tenue d’une comptabilité en bonne et due forme.

3/ Le « contrat à compte d’auteur » et le « contrat à compte à demi »

Le 2° de l’article R382-1-1 introduit également dans le régime social des artistes-auteurs le « contrat à compte d’auteur » et le « contrat à compte à demi » : «  La vente d’exemplaires de son œuvre par l’artiste-auteur qui en assure lui-même la reproduction ou la diffusion, ou lorsqu’il est lié à une personne mentionnée à l’article L. 382-4 par un contrat à compte d’auteur prévu à l’article L. 132-2 du code de la propriété intellectuelle ou par un contrat à compte à demi prévu à l’article L. 132-3 du même code. »

  • Le « contrat à compte d’auteur »

Le contrat à compte d’auteur est défini par l’article L132-2 du code de la propriété intellectuelle.

Dans un contrat à compte d’auteur, « l’auteur verse à l’éditeur une rémunération convenue, à charge par ce dernier de fabriquer en nombre, dans la forme et suivant les modes d’expression déterminés au contrat, des exemplaires de l’œuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique et d’en assurer la publication et la diffusion.
Ce contrat constitue un louage d’ouvrage régi par la convention, les usages et les dispositions des articles 1787 et suivants du code civil. »

L’article 1787 dispose : "Lorsqu’on charge quelqu’un de faire un ouvrage, on peut convenir qu’il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu’il fournira aussi la matière. »

Ainsi, dans le cas particulier d’un « contrat à compte d’auteur », l’éditeur est un prestataire de service payé par l’artiste-auteur.

  • Le « contrat à compte à demi »

Le contrat à compte à demi est défini par l’article L132-3 du code de la propriété intellectuelle.

Dans un contrat à compte à demi, « l’auteur charge un éditeur de fabriquer, à ses frais et en nombre, des exemplaires de l’œuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique, dans la forme et suivant les modes d’expression déterminés au contrat, et d’en assurer la publication et la diffusion, moyennant l’engagement réciproquement contracté de partager les bénéfices et les pertes d’exploitation, dans la proportion prévue.
Ce contrat constitue une société en participation. Il est régi, sous réserve des dispositions prévues aux articles 1871 et suivants du code civil, par la convention et les usages.
 »

Ainsi, dans le cas particulier d’un « contrat à compte à demi », l’artiste-auteur et l’éditeur sont « associés », ils partagent les frais et les bénéfices, ils constituent une « société de participation » de fait.

L’article 1871 dispose : « Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n’est pas une personne morale et n’est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens.

Les associés conviennent librement de l’objet, du fonctionnement et des conditions de la société en participation, sous réserve de ne pas déroger aux dispositions impératives des articles 1832,1832-1,1833,1836 (2e alinéa), 1844 (1er alinéa) et 1844-1 (2e alinéa) et de l’article L. 411-1 du code monétaire et financier.  »

4/ Autoédition et co-auteurs

L’édition d’œuvres d’autrui est normalement exclue de l’autoédition.
Cependant, le cas des co-auteurs est particulier. Et comme nous l’avons vu précédemment le contrat de compte à demi constitue de fait une société en participation.

L’administration fiscale précise : "Il est également admis qu’une société civile éditant et vendant une brochure consacrée exclusivement aux œuvres des associés puisse bénéficier du régime réservé aux auteurs-éditeurs dans la mesure où il est établi que chacun des intéressés participe à la rédaction de la publication et supporte les risques de son édition. »

Ainsi l’autoédition d’une œuvre de collaboration est possible si les auteurs ou co-auteurs partagent les risques et les bénéfices.
Pour mémoire, « est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques » (Cf article L113-2 du code de la propriété intellectuelle). De son côté, l’administration fiscale précise : « l’œuvre de collaboration est celle à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Elle est la propriété commune des auteurs. »