RETRAITE COMPLEMENTAIRE DES ARTISTES AUTEURS (13)

LA PREMIERE REUNION DE CONCERTATION DU 1ER JUILLET 2015

Mercredi 1er juillet 2015 s’est tenu dans les locaux du RAAP, la 1ère réunion de concertation sur la réforme du RAAP en présence d’un représentant de la Direction de la Sécurité sociale et d’une trentaine de structures, dont la douzaine de syndicats représentant les artistes-auteurs mais aussi diverses associations et sociétés de perception et de répartition des droits d’auteurs (SPRD).

1/ Calendrier de la réforme : aucun impératif à modifier les textes légaux en 2015.

- Calendrier de la réforme
Le Président Buxin (membre de l’association UPP) a ouvert la réunion en affirmant : "On doit boucler la réforme du RAAP fin juillet" (sic). Or questionné par le CAAP, ce propos a de fait été infirmé par le représentant de la DSS qui a précisé "qu’il ne se jetterait pas par la fenêtre si ce n’était pas en 2015" (sic). Le représentant de la DSS a également fait remarquer que les modifications des textes réglementaire intervenant en automne, le contenu de la réforme devait être fixé avant. Une lapalissade dont nul n’a disconvenu. En revanche, il a été rappelé que, jusqu’à ce jour, le RAAP avait toujours refusé de réunir les partenaires sociaux tous ensemble, donc que cette réunion était de facto la première réunion de concertation.

Dans ce cadre, si l’objectif des ministères est effectivement d’aboutir « à un consensus le plus large possible » comme cela a été écrit noir sur blanc, il est clair que cet objectif ne peut être atteint sans laisser le temps à la concertation de se dérouler, cette concertation ne peut raisonnablement s’arrêter au moment même où elle commence comme cela est visiblement envisagé par le Président du RAAP.

- Positionnement de la DSS
Le représentant a précisé que la DSS entendait limiter son rôle au contrôle de légalité et à la vérification de la "soutenabilité financière" du régime attestée par des études actuarielles. Sur ce second point il faut entendre uniquement la solvabilité du régime à terme. A l’instar du RAAP, il semble que pour la DSS le problème de l’insoutenabilité de la réforme pour une grande majorité des cotisants ne soit pas un souci.

2/ Les documents préparatoires à la réunion remis en séance ou au dernier moment.

  • Un document relié d’une centaine de pages comprenant les comptes-rendus des diverses auditions menées à huit clos par le RAAP (excepté celui de l’intersyndicale …) a été mis à la disposition des participants sur table le jour même de la réunion ! « Les arguments échangés au cours de la réunion du 1er juillet ont permis aux différentes professions représentées de découvrir des revendications, aux motivations parfois éloignées, de leurs confrères. » écrit le RAAP sur son site. De fait, le RAAP ayant pris soin de ne pas diffuser en amont le document, cette méthode déloyale a empêché les participants de connaître les positions des uns et des autres avant la réunion. Naturellement ils n’ont pas pu non plus lire cette centaine de pages durant la réunion. Depuis, malgré nos demandes, ce document n’a toujours pas été transmis par mail, ni mis en ligne sur le site de l’IRCEC. Il n’est donc pas consultable par chacun en toute transparence.
  • Une synthèse partielle et partiale a été envoyée aux participants le 29 juin en fin d’après-midi. (voir pdf 1 en fin d’article)
  • Un document de Galéa & associés, actuaire Conseil embauché par le RAAP datée du 26 juin a été envoyée aux participants le 29 juin en fin d’après-midi. Il est intitulé « Propositions de réforme du régime du RAAP : Premières études techniques », il résonne comme la « voix de son maître » (voir pdf 2 en fin d’article)

3/ L’incapacité du RAAP à envisager la co-construction d’une réforme consensuelle

• Concertation ou présentation ? Négocier ou imposer ? Décider « avec » ou « à la place de » ?

« C’est en réunissant toutes les organisations dans une même pièce que le Raap a tenu à présenter, le 1er juillet, son projet de réforme amendé. » écrit le RAAP sur son site.

Alors que les participants venaient pour une concertation, le RAAP lui n’envisageait que la « présentation » de son projet de réforme dit « amendé » (mais en réalité fondamentalement identique : un taux unique de 8% imposé en deux ou trois ans au lieu d’un seul). Un quiproquo qui n’a pas manqué d’engendrer des tensions lors de cette réunion. Décider « à la place » et non « avec » est antinomique avec toute forme de concertation. Cet état d’esprit fâcheux explique sans doute aussi pourquoi les documents fournis par les services du RAAP - au lieu d’être techniques et neutres - sont systématiquement « à charge » contre toute alternative au taux de 8%, faisant fi de la forte opposition qui s’est constamment manifestée à ce taux unique. Il en est ainsi de la synthèse du RAAP et du document de l’actuaire fournis 24 heures avant la réunion.

- L’alarmisme du RAAP en guise d’argumentaire pour dénigrer toute alternative

Fondée sur la volonté largement partagée de "payer moins les mauvaises années et plus les bonnes années", la contre-proposition de taux progressifs par tranches de revenu était complètement nouvelle pour bon nombre de participants à cette réunion et a retenu leur attention.

Pourtant cette contre-proposition intersyndicale n’a pas été sérieusement analysée ni par le RAAP, ni par l’actuaire qu’il a choisi. Non seulement le RAAP n’a pu opposé aucun argument solide mais encore le représentant de la DSS a confirmé qu’elle ne posait a priori aucun problème en terme de légalité, ni de soutenabilité. Donc aucun problème du côté du ministère des affaires sociales.

Les « alertes » du RAAP sur la proposition intersyndicale :

• La prétendue complexité : dans son document dit de synthèse, « Le Raap émet des doutes sur la complexité du dispositif en gestion. » et - en parfait écho - l’actuaire note dans propre document « gestion complexe » en ce qui concerne le « modèle intersyndical ». Le calcul des pourcentages par tranches fait partie des programmes scolaires de la 3ème, si l’on peut comprendre que ce ne soit qu’un lointain souvenir pour les artistes-auteurs, en revanche on peut s’étonner que cela puisse paraître « complexe » à des professionnels. D’autant qu’il s’agit du même mode de calcul que celui du régime général. Un organisme collecteur qui ne serait pas en mesure de faire annuellement ou bi-annuellement ce qui est fait mensuellement par des milliers d’entreprises pour des dizaines de millions de salariés poserait surtout question sur sa propre compétence.

• La prétendue « volatilité » des hauts revenus  : dans son document dit de synthèse, le RAAP parle d’une proposition « sans plafonnement, entrainant le régime à appeler les cotisations sur de très hauts revenus. De quoi faire peser le risque sur des revenus élevés, qui peuvent très bien disparaître dans quelques années alors que des engagements auraient été pris à ce niveau élevé. » et - toujours en parfait écho - l’actuaire note dans propre document : «  Classes de cotisations : difficultés pour mesurer le volume de cotisations (volatilité)  ».
D’une part, le RAAP affirme que la proposition intersyndicale n’a pas de plafond, or cette affirmation est fausse : le plafonnement proposé est celui du régime général qui est de 8 PSS (Plafond de la Sécurité Sociale).
D’autre part, le RAAP et l’actuaire prétendent sans aucun fondement que les hauts revenus seraient susceptibles de disparaître de but en blanc ! Une analyse sérieuse prendrait connaissance de la répartition des revenus des artistes-auteurs affiliés des 10 ou 20 dernières années pour mesurer le degré de permanence des effectifs ayant perçus annuellement un haut revenu. Les études statistiques du DEPS ont montré une structure récurrente très inégalitaire de la répartition des revenus des artistes-auteurs (stabilité du 9ème décile notamment). En matière de projections statistiques chiffrées, prétendre prévoir l’avenir sans même prendre connaissance des données passées est une hérésie fort inquiétante de la part d’un organisme de retraite complémentaire.

• Le prétendu risque politique : dans son document dit de synthèse, le RAAP « attire l’attention » sur le « risque politique » de la proposition intersyndicale : « le système se calque sur le régime général Agirc/Arco, prémisse à une assimilation et donc une perte d’autonomie (plus facilement absorbable par l’Agirc/Arco).  ». La diabolisation (implicite et récurrente) du régime général par le RAAP, membre du groupe Berri, prête d’autant plus à sourire qu’est par ailleurs notoire le caractère calamiteux de la gestion du groupe Berri (voir en bas de notre article le rapport de la cours des comptes qui pointe « l’absence de rigueur de la gestion de la CIPAV et la qualité déplorable du service rendu aux usagers »). Au delà de cette remarque, il est absurde de confondre « cohérence » avec le régime général et « acquisition-fusion » par le régime AGIRC-ARCO. Il s’agit ici pour le RAAP de faire peur aux artistes-auteurs en leur faisant croire que « le régime général AGIRC-ARCO » veut les « absorber » et faire main basse sur les 7 ans de réserves accumulées par l’IRCEC. Rappelons que le régime social des artistes-auteurs bien qu’assimilé au régime général n’en garde pas moins ses spécificités. De plus, l’intersyndicale avance surtout un principe, celui d’un taux progressif par tranches de revenu, s’il s’avère que des paramètres différents du régime général (sur le niveau des taux ou la définition des tranches) seraient plus adaptés au régime des artistes-auteurs, elle soutiendra ces ajustements. Encore faut-il que le principe lui-même fasse l’objet de la part du RAAP d’une véritable analyse et de chiffrages fondés.

• Les prétendus aléas démographiques : dans son document dit de synthèse, le RAAP note que « la gestion du régime RAAP est différente de celle de l’AGIRC et de l’ARCCO », outre cette lapalissade, le RAAP ajoute : « un régime de retraite complémentaire fermé de 50.000 adhérents est plus sujets aux variations démographiques qu’un régime d’un million de personnes. » et - toujours en parfait écho - l’actuaire note dans propre document :« Références au fonctionnement de l’ARRCO et de l’AGIRC : population du RAAP plus sensible aux variations démographiques et économiques. ». Un effectif de 50.000 est en effet inférieur à plus d’un million … L’effectif du régime n’est pas « fermé  », le nombre d’adhérents n’a cesser de croître et n’est pas limité à 50000 ! Pour savoir à quoi la population du RAAP est « sensible », il conviendrait de commencer par l’étudier, l’IRCEC, qui jusqu’à présent collecte des cotisations par classes optionnelles, ignore tout de la répartition du revenu des artistes-auteurs, de sa structure, de son évolution dans le temps. En revanche les revenus des affiliés sont connus des organismes sociaux depuis 1978. De quoi faire une véritable étude plutôt que d’aligner des lapalissade ou des affirmations gratuites simplement pour promotionner une décision prise sans étude actuarielle en 2013 (un taux unique à 8%). Nous partageons la toute dernière conclusion de l’actuaire : « donnée des participants au régime à fiabiliser  ». Effectivement ce serait la moindre des choses …

Cependant, nous nous interrogeons sur la capacité de l’actuaire à saisir les spécificités de la population des artistes-auteurs. Ainsi s’agissant du revenu des artistes-auteurs, il est fait mention partout dans son document de « salaire » ! Les clients de Galéa & associés ne sont pas mentionnés sur son site mais il semble que cette entreprise soit spécialisée dans l’assurance privée des salariés … Quoi qu’il en soit, il est difficile de ne pas remarquer qu’elle prend soin de ne pas contrarier son client, le RAAP, et se fait écho de ses présupposés sans vérification. Nul ne s’étonnera que seules les hypothèses du RAAP ont fait l’objet de « projections des flux de trésorerie  » selon que le 8% est imposé en 3 ans ou en quatre ans … Page 14, la proposition intersyndicale n’est présente sur le graphique que pour la 1ère année quand les taux sont les plus faibles … Reste qu’on peut noter au passage que l’objectif du RAAP est toujours de passer rapidement d’un montant de collecte de 30 millions à 70 millions d’euros (soit plus du double comme le montraient déjà nos calculs précédents).

Les points ci-dessus - qui ressortent des documents fournis au dernier moment par le RAAP - n’ont pas précisément été abordés lors de la réunion du 1er juillet 2015. Un tour de table avec une trentaine de participants prend déjà un temps certain … Les deux propositions alternatives (4% et intersyndicale) ont été balayées d’un revers de main par les organisateurs pour prendre le temps de présenter la proposition dite « amendée » du RAAP (8% en 3 ou 4 ans).

4/ La volonté inchangée du Président de passer en force dans la précipitation

Il est clair qu’aucun consensus ne pouvait se dégager de cette réunion qui réunissait pour la première fois l’ensemble des organisations syndicales Mais suite à ce premier contact collectif, compte tenu des propos échangés, il est ressorti que l’heure était désormais à la réflexion, à l’étude et à l’approfondissement d’une alternative à un taux unique de 8%. Bref prendre le temps d’une vraie concertation fondée sur de vraies analyses pour aboutir à une réforme réfléchie et partagée.

Or contre toute attente, suite à une réunion de bureau du RAAP, le Président Buxin a envoyé aux participants un mail (voir pdf 3 en fin d’article) dès l’après-midi de cette réunion pour les convoquer à une nouvelle réunion le 20 juillet afin de "présenter la position prise par le Conseil" du RAAP réuni le 8 juillet, et ce, tout en affirmant que "les administrateurs du RAAP sont attachés à trouver une solution consensuelle dans le traitement de ce sujet" ! Chercher l’erreur …

Cette précipitation que chacun sait injustifiée et cette convocation unilatérale à une période bien évidemment inopportune ont une fois de plus résonnées comme une provocation et un nouveau coup de force du Président.

Documents à télécharger

1-SYNTHESECycleConcertationRaap
2-Réforme RAAP - point d’étape 26.06.15