REFORME DU REGIME DE SECURITE SOCIALE DES ARTISTES AUTEURS

saison 2 - épisode 5 : L’électorat

1/ Actuellement les deux corps électoraux sont constitués des affiliés de chaque organisme

En application de l’article R382-38 et suivants du code de la sécurité sociale (lien)
sont électeurs pour les conseils d’administration des organismes agréés (AGESSA et MDA-SS) les artistes-auteurs affiliés et à jour de leurs cotisations sociales.

Rappelons que les « affiliés » sont ceux qui cotisent (volontairement ou obligatoirement) à hauteur du seuil de validation de 4 trimestres retraite. La suppression éventuelle de la distinction affiliés/assujettis ne remet pas en cause l’existence du seuil de validation de 4 trimestres retraite. En conséquence la même règle est maintenable indépendamment de la suppression de la distinction affiliés/assujettis, ces deux sujets sont indépendants.

C’est donc à tort que les rapporteur affirment : « Le corps électoral, dès lors que l’on aurait supprimé la distinction assujetti / affilié (recommandation N°6), ne pourrait être que l’ensemble des cotisants au régime des artistes auteurs. » La césure entre ceux qui cotisent au seuil et ceux qui cotisent en dessous du seuil existera toujours. La vraie question qui se pose est de savoir si ce critère discriminant est pertinent ou non pour déterminer l’électorat.

2/ Les problèmes qui se posent pour déterminer l’électorat de la nouvelle caisse découlent des particularités développées par chacun des deux organismes

- Les données chiffrées

En 2012 MDA-SS AGESSA
Affiliés 22 426 14 083
assujettis 29 795 191 075
total 52 221 205 158

NB : Le nombre d’assujettis de l’AGESSA est une estimation.

- Les non-dits

Lors de notre audition, les rapporteurs nous ont précisé que le maintien du même corps électoral (les affiliés) aurait l’inconvénient de défavoriser les représentants de l’AGESSA. En effet, dans cette hypothèse, sur les 35 509 votants, 61% émaneraient de la MDA-SS et seulement 39% de l’AGESSA. D’où un déséquilibre inacceptable si le corps électoral était unique.

En revanche nous nous expliquons assez mal pourquoi les rapporteurs n’ont pas appliqué ce même raisonnement en analysant les effets d’un corps électoral unique incluant l’ensemble des cotisants. Dans cette hypothèse, sur les 257 379 votants, seulement 20% émaneraient de la MDA-SS et 80% de l’AGESSA. Le déséquilibre serait donc beaucoup plus fort mais cette fois très nettement en défaveur de la MDA-SS.

Est-ce à dire qu’une absorption de l’AGESSA par la MDA-SS serait un « inconvénient » cependant que la situation inverse serait souhaitable ?!?

- Des effectifs susceptibles d’évoluer fortement à l’avenir

A la MDA-SS, environ la moitié des cotisants de la MDA-SS sont affiliés. Le nombre total de cotisants (52 221 en 2012) est en constante augmentation, non que le nombre d’artistes-auteurs soit lui même en augmentation mais parce qu’un grand nombre d‘auteurs des arts graphiques et plastiques ne sont pas en règle socialement (environ la moitié ne s’inscrivent pas à la MDA-SS).
Cette situation provient d’une sous-information chronique : dans les écoles d’art, ces sujets prosaïques ne sont pas abordés ; il n’existe aucun centre de ressource national pour les arts graphiques et plastiques ; l’entretien de la confusion entre l’association la Maison des artistes et l’organisme de sécurité sociale constitue un frein constant ; d’une manière générale, les administrations – centre des impôts, CPAM, CAF, pôle emploi, tec. - sont elles-mêmes sous informées des modalités de gestion des artistes-auteurs ...
Cette situation découle également des embûches inutiles dans les démarches de début d’activité : l’URSSAF ne joue pas correctement son rôle de CFE ; dans sa pratique, la MDA-SS impose inutilement un précompte la première année aux cotisants en BNC, etc. Au final beaucoup baissent les bras devant ce que les autres leur décrivent comme un parcours du combattant.

Une meilleure formation initiale, des ressources nationales d’informations fiables ainsi qu’une simplification des démarches de début d’activité, permettraient de diminuer le nombre d’artistes qui ne sont pas en règle socialement. A champ d’application constant, l’effectif des cotisants de la branche des arts graphiques et plastiques est potentiellement au moins le double de ce qu’il est actuellement.

A l’AGESSA, seulement 6% des cotisants sont affiliés. Ce pourcentage est artificiellement minoré du fait que l’AGESSA ne respecte pas la législation : les artistes-auteurs qui atteignent le seuil d’affiliation (8379€ en 2012) ne sont pas automatiquement affiliés. Dans la pratique de l’AGESSA, les artistes-auteurs ne sont affiliés que s’ils en font la demande. : l’affiliation est une démarche dite « volontaire » en violation de l’article R382-1 du code de la sécurité sociale (lien)

A champ d’application constant, l’effectif des affiliés de l’AGESSA est potentiellement plus du double de ce qu’il est actuellement.

Le nombre total de cotisants (205 158 en 2012) est plus important et plus stable qu’à la MDA-SS. Ceci provient essentiellement des précomptés non affiliés qui sont en très grand nombre : 191 075. Même en soustrayant l’effectif des artistes-auteurs qui règlementairement devraient être classés dans les affiliés (ils sont estimés à moins de 10%), ce nombre reste très élevé (au moins 85%) en regard du nombre affiliés. Cette situation découle du fait que les revenus de la majorité des artistes-auteurs des branches de l’AGESSA sont constitués de droits d’auteurs intégralement déclarés par des tiers, précomptés et assimilés fiscalement à des traitements et salaires. 76,5% d’entre eux perçoivent des revenus inférieurs à la validation d’un trimestre retraite (1886€ en 2012). La plupart d’entre eux ont une autre activité professionnelle dont il tire leur revenu principal.
Rappelons par ailleurs que les 191 075 précomptés non affiliés de l’AGESSA ne sont actuellement pas identifiés par l’organisme qui ne leur ouvre pas de compte individuel et ne procède pas à la vérification du champ d’application. Il s’agit dans les faits d’un effectif de personnes rémunérées en droits d’auteurs (à tort ou à raison) par leur diffuseur ou leur employeur.

Si le champ d’application actuel était vérifié, l’effectif des précomptés non affiliés de l’AGESSA serait moindre mais faute d’identification on ignore dans quelle proportion.

- Un champ d’application à dimension variable selon les organismes : fortement restrictif à la MDA-SS ; ouvert à tous vents à l’AGESSA.

Le champ d’application doit être actualisé et redéfini dans le cadre de la réforme. Mais ce futur champ d’application commun ne produira ses effets que plusieurs années après la création de la caisse commune.
Nous reviendrons ultérieurement sur ce sujet, vaste et complexe. Toutefois il convient de préciser ici que les champs appliqués aujourd’hui par les deux organismes sont distincts et que cette incohérence a une forte incidence sur leurs effectifs respectifs actuels.

A la MDA-SS, le champ est vérifié tant pour les affiliés que pour les assujettis. Tous sont identifiés. La lettre ministérielle du 7 avril 1981 précise « le législateur a entendu réserver le bénéfice de ce régime aux auteurs d’œuvres présentant un caractère véritablement artistique. »
Seules des œuvres de l’esprit qui relèvent d’une création artistique sont acceptées. Mais pas toutes, la plupart des œuvres des métiers d’art appliqués sont exclus du champ (à l’exception notoire des œuvres des graphistes et des designers textile).
Aucune œuvre de l’esprit ayant un caractère scientifique, technique, pédagogique etc. n’est acceptée, tels par exemple, les « plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture et aux sciences » (cf article L112-2 du code la la propriété intellectuelle).

A l’AGESSA, le champ n’est vérifié que pour les 6% des cotisants : les affiliés. Le caractère artistique ou non des œuvres de l’esprit n’est pas pris en compte. Ainsi, par exemple, les éditeurs précomptent à l’AGESSA tous les auteurs de livres qu’ils s’agissent d’ouvrages de littérature générale ou de comptabilité. Les œuvres de l’esprit ayant un caractère scientifique, technique, pédagogique etc. sont acceptées.
Ce champ d’application – nettement plus large - n’est pas vérifié par l’organisme dans 94% des cas
. La contribution à la charge du diffuseur n’est que de 1,1% dans le régime des artistes auteurs, il n’est pas rare que certaines personnes soient rémunérées en droits d’auteurs alors qu’elles devraient - conformément au droit du travail - bénéficier d’un salaire …
Si un champ d’application commun (large ou non) était pratiqué et vérifié dans les deux organismes, bien malin qui pourrait dire les effectifs qui en résulteraient de part et d’autre. Quoiqu’il en soit, la mise en cohérence du champ ira dans le sens d’un rééquilibrage des effectifs entre les deux organismes actuels.

- Ne pas piper les dés au départ

Comme nous l’avons expliqué dans l’épisode précédent, au moment de la création de la nouvelle caisse, nous estimons impératif qu’aucun des deux organismes, quel qu’il soit, ne l’emporte sur l’autre dans la gouvernance.

Les situations de départ dans chaque organisme sont trop différentes (forte incohérence des champs d’application et des pratiques administratives) pour envisager au démarrage un corps électoral unique composé de l‘ensemble des cotisants. En particulier l’identification (qui ne peut évidemment se résumer à un nom et une adresse) des 191 075 non affiliés de l’AGESSA prendra du temps or actuellement ils représentent 75% de l’ensemble des cotisants.
La prochaine création d’une caisse commune implique nécessairement une représentation à parité des deux organismes, donc deux corps électoraux distincts au démarrage.

3/ Quelles conditions pour voter ?

Les questions de pouvoir entre les deux organismes actuels étant neutralisées par la parité dans la gouvernance, on peut se poser sans « brouillage opportuniste » la question des critères pour être votant. Cette question doit être posée indépendamment des intérêts particuliers et des rapports de force entre les deux organismes.

Le critère actuel (validation obligatoire ou dérogatoire de 4 trimestres retraite) fait dépendre le droit de vote d’un montant de revenu artistique. Nous avons vu que la pertinence de ce critère purement quantitatif pose question s‘agissant des professions artistiques qui sont sujettes à de nombreux aléas et à une dissociation entre revenu et engagement professionnel.
Pleinement concernées par le régime des artistes-auteurs, les personnes qui cotisent à hauteur de ce seuil représentent environ 15% de l’ensemble des cotisants au régime.

A l’extrême inverse que tout cotisant puisse voter indépendamment du caractère professionnel ou non de son activité d’artiste-auteur pose également problème.

Une solution intermédiaire (par exemple validation de 2 trimestres retraite) permettrait un élargissement du corps électoral mais poserait la même question de principe que le critère actuel et produirait également des effets de seuil.

Nous estimons que les conditions minimales et cumulatives pour être votant sont :

  • être à jour de cotisation
  • être dans le champ d’application du régime
  • exercer une activité d’artiste-auteur à titre professionnel, c’est-à-dire exercer cette activité « à titre habituel et constant » et « dans un but lucratif ».

4/ Comment appliquer ces conditions ?

Le caractère qualitatif et non quantitatif de ces critères pose un problème d’applicabilité.
En l’absence de critère opérationnel (les services administratifs ignorent qui exercent à titre professionnel et qui est dans le champ d’application parmi les non affiliés de l’AGESSA), nous proposons de faire confiance aux artistes-auteurs eux mêmes en ajoutant une quatrième condition : s’inscrire sur la liste électorale de la nouvelle caisse en attestant sur l’honneur la nature et le caractère professionnel de l’activité exercée.

L’établissement des deux listes électorales (celle de l’AGESSA et de la MDA-SS) se ferait via le remplissage puis le renvoi d’un formulaire commun, disponible en téléchargement et disponible physiquement dans diverses administrations locales (CPAM ? URSSAF ? Préfectures ? …).

Ce formulaire établi en collaboration avec les représentants des organisations professionnelles des deux organismes pourrait également inclure des champs relatifs à la fiscalité de l’artiste-auteur (BNC ou TS) mais aussi le numéro de sécurité sociale, de SIRET, etc.

Compte tenu du fait que l’un des principaux problèmes de la situation actuelle est que 75% des cotisants sont méconnus des services administratifs, cette façon de procéder présente deux avantages notables :

  • commencer à recenser et mieux connaître les non affiliés de l’AGESSA, ce qui permettra de les sortir enfin de la zone de non droit dans laquelle ils ont été confinés jusqu’à présent
  • limiter l’envoi du matériel électoral aux artistes-auteurs qui souhaitent voter (minoration des dépenses afférentes aux élections elles-mêmes)

Remarque : il est incompréhensible qu’en violation du code de la sécurité sociale, la direction actuelle de l’AGESSA continue de refuser d’identifier et de fournir la dispense de précompte aux cotisants non affiliés en BNC. De même il est incompréhensible que des affiliés de droit (ayant un revenu supérieur ou égal au seuil) restent dans la zone de non droit des précomptés non affiliés … Une situation aussi calamiteuse ne peut certes se résoudre de but en blanc, encore faudrait-il avoir au moins la volonté de commencer à y remédier et d’aller vers une cohérence des pratiques administratives dans les deux organismes.