1/ Le communiqué commun des syndicats d’artistes-auteurs du 13 janvier 2022
18 organisations d’artistes-auteurs dont le CAAP demandent au gouvernement l’abrogation du décret antisocial qui baisse leur assiette forfaitaire volontaire (Voir PDF en fin d’article).
« Un décret de fin d’année 2021, supposé améliorer la protection sociale des artistes-auteurs, aggrave leur insécurité sociale !
Lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Monsieur Thomas Mesnier, a déposé un amendement visant à renforcer la protection sociale des artistes-auteurs en cas de maladie ou de maternité. L’adoption de cet amendement a permis de compléter l’article L382-14 du code la sécurité sociale qui précise désormais que « les conditions d’ouverture du droit aux prestations prennent en compte les spécificités des revenus des [artistes-auteurs] affiliés ».
La motivation du Rapporteur et député de la Charente était claire : « le régime social des artistes-auteurs appelle à une réforme plus structurelle. Ceux-ci pâtissent en effet, de façon inhérente à leur activité, d’une forte variabilité de leurs revenus, d’une année sur l’autre. Ces variations sont spécialement préjudiciables au regard de leur éligibilité aux indemnités journalières. »
De même que la solution qu’il a proposée : « L’objet de cet amendement est de s’assurer que le décret en Conseil d’État qui encadre le régime social des artistes-auteurs prenne en compte la variabilité des revenus. À ce titre, le décret devrait abaisser le seuil à hauteur de 600 SMIC horaire. Cet abaissement est la garantie d’une protection renforcée des artistes-auteurs en cas de maladie et d’un meilleur accompagnement au moment des naissances. »
Conformément au vote du parlement, l’article R382-31-1 qui encadre les conditions d’ouverture du droit aux indemnités journalières des artistes-auteurs aurait donc dû faire l’objet d’une modification, via un décret en Conseil d’État, afin de mentionner un seuil d’ouverture de ces droits à hauteur de 600 SMIC horaire (au lieu de 900 actuellement).
Or, sans aucune consultation préalable, les syndicats d’artistes-auteurs découvrent que le décret simple du 30 décembre 2021 pris en application de l’article 97 de la loi de financement de la sécurité sociale modifie non pas l’article R382-31-1 relatif à notre éligibilité aux indemnités journalières mais l’article D382-4 qui définit notre assiette sociale forfaitaire en application de l’article R382-25 !
Autrement dit, ce décret abaisse non pas, comme prévu, le seuil d’ouverture de nos droits aux indemnités journalières, il réduit inconsidérément le montant de notre assiette sociale forfaitaire optionnelle ce qui signifie que ce décret réduit d’un tiers l’ensemble de nos prestations (retraite de base, indemnités journalières, invalidité, capital décès, …) en cas d’option de sur-cotisation.
L’assiette sociale forfaitaire définie à l’article R382-25 dont le montant est fixé par l’article D382-4 est une pierre angulaire du régime social des artistes-auteurs. Elle constitue le filet de sécurité indispensable des artistes-auteurs qui ne s’ouvrent pas ou peu de droits sociaux via d’autres activités professionnelles que la création artistique.
Le décret du 30 décembre 2021 ne prend nullement en compte « les spécificités des revenus des [artistes-auteurs] affiliés ». Bien au contraire, il remet en cause un acquis social fondamental de notre régime en aggravant la situation des artistes-auteurs qui ont pour seule ou pour principale activité professionnelle l’activité artistique. Il met donc gravement en péril ceux qui subissent de plein fouet les aléas du travail de création. Cette réduction de droits sociaux pour les personnes qui consacrent leur vie à la création est inacceptable.
En conséquence, nous demandons : l’abrogation du 1° de l’article 2 du décret N°2021-1937 du 30 décembre 2021 la modification de l’article R382-31-1 afin d’abaisser le seuil d’ouverture de nos droits aux indemnités journalières. |
2/ Un article d’actualité juridique sur la diminution alarmante de l’assiette forfaitaire volontaire des artistes-auteurs
« Régime social des artistes-auteurs : abaissement alarmant du seuil forfaitaire des droits sociaux
AFFAIRES IP/IT ET COMMUNICATION | Propriété littéraire et artistique | Statut professionnel
SOCIAL | Accident, maladie et maternité
Le décret n° 2021-1937 du 30 décembre 2021 procède à l’abaissement du seuil d’accès aux prestations sociales du régime artistes-auteurs. Si cette modification peut sembler favorable à première vue, elle représente surtout une baisse drastique des prestations en espèces et des droits à la retraite pour les artistes-auteurs en situation de précarité du fait de la variabilité de leurs revenus.
Pris en application des articles 96 et 97 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le décret commenté précise les modalités relatives à l’abaissement du seuil d’accès aux prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès des artistes-auteurs. Or ce décret, supposé améliorer la protection sociale des artistes-auteurs, aggraverait leur insécurité sociale, selon plusieurs organisations professionnelles (v. Communiqué de l’Intersyndicale des artistes-auteurs).
Si parmi les dispositions du décret, certaines concernent d’autres travailleurs indépendants, l’attention sera portée uniquement sur les modifications relatives au régime des artistes-auteurs.
VOLONTÉ INITIALE DE MIEUX TENIR COMPTE DU CARACTÈRE VARIABLE DES REVENUS DES ARTISTES-AUTEURS
Lors de l’examen de la loi de financement, monsieur Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a déposé un amendement visant à renforcer la protection sociale des artistes-auteurs en proposant une modification de l’article L. 382-14 du code la sécurité sociale de manière à ce que les conditions d’ouverture du droit aux prestations prennent en compte les « spécificités des revenus des affiliés » et notamment leur caractère variable.
Le rapporteur général avait ainsi exposé que seuls les artistes-auteurs dont les revenus sont supérieurs à 900 smic horaire (9 513 € annuel pour 2022) pouvaient bénéficier d’indemnités journalières (v. amendement n° 258). L’objet de son amendement était donc de s’assurer qu’un décret en Conseil d’État prenne en compte cette variabilité des revenus en abaissant le seuil d’ouverture des droits aux indemnités à hauteur de 600 smic horaire (soit 6 342 € annuel pour 2022).
RETOUR SUR LES CONDITIONS D’ACCÈS AUX PRESTATIONS DU RÉGIME ARTISTES-AUTEURS
Pour mieux comprendre l’impact des modifications du décret ici commenté, un rappel s’impose sans doute au lecteur moins spécialiste des règles encadrant le régime social des artistes-auteurs. Ce dernier est rattaché au régime général, ainsi les artistes-auteurs paient l’équivalent de la part salariale et bénéficient des mêmes prestations que les salariés, à l’exception toutefois du chômage ainsi que des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Ainsi, pour valider un trimestre de retraite de base, les artistes-auteurs, comme les salariés, doivent avoir cotisé sur un montant de 150 smic horaire, donc 600 smic horaire permettent de valider les quatre trimestres d’une année. La valorisation de la pension de retraite dépend de l’assiette de cotisations des vingt-cinq meilleures années de carrière.
Jusqu’à la fin 2021, pour avoir droit aux indemnités journalières, les artistes-auteurs devaient justifier d’avoir retiré de leur activité artistique des ressources au moins égales, au cours de l’année civile de référence, à 900 fois la valeur horaire du SMIC ou, si ses ressources étaient inférieures à 900 fois la valeur horaire du SMIC, cotiser volontairement sur une assiette sociale forfaitaire correspondant à ce montant.
En effet, pour prendre en compte le décalage dans le temps des rémunérations des artistes-auteurs et la variabilité des revenus inhérente au travail de création, le législateur a prévu à l’article R. 382-25 du code de la sécurité sociale la création d’une assiette sociale forfaitaire sur option qui neutralise l’effet du seuil de ressources et qui garantit aux artistes-auteurs un plancher de droits sociaux à la hauteur de l’assiette forfaitaire.
L’option dite de sur-cotisation sur l’assiette sociale forfaitaire permet aux artistes-auteurs qui ne s’ouvrent pas suffisamment de droits sociaux – dans le régime ou via des activités professionnelles extérieures au régime – de s’assurer une protection sociale minimum en dépit des aléas intrinsèques à la création artistique.
Depuis 2001, l’assiette forfaitaire fixée à 900 smic horaire a ainsi permis aux artistes-auteurs dont les revenus avaient chuté telle ou telle année sous le seuil de ressources requis de s’assurer le maintien d’une protection sociale minimum. Dans ce cas, leurs cotisations ont été calculées sur la base de 900 smic horaire (sauf pour les contributions CSG, CRDS et CFP toujours calculées sur la base du revenu réel). Les artistes-auteurs ont donc pu jusqu’ici bénéficier d’indemnités journalières et de droits à la retraite valorisés à la hauteur minimale de 900 smic horaire.
AU FINAL, UNE RÉDUCTION DES PRESTATIONS SOCIALES EN CAS DE PRÉCARITÉ, D’ACCIDENT DE PARCOURS, DE CHUTE BRUTALE DE REVENUS… POUR LES ARTISTES-AUTEURS QUI VIVENT DE LA CRÉATION ARTISTIQUE
Face à la volonté affichée par le député de renforcer la protection sociale des artistes-auteurs par l’abaissement de la condition de ressources de leur droit aux indemnités journalières, on ne peut que s’étonner de la rédaction du présent décret.
En effet, il ne vise pas les conditions d’ouverture du droit aux indemnités journalières (prévu à l’article R. 382-31-1 du CSS), mais modifie l’article D. 382-4, lequel détermine le montant de l’assiette sociale forfaitaire sur option visée à l’article R. 382-25. Autrement dit, il abaisse le socle minimum des droits sociaux des artistes-auteurs en confondant les conditions de ressources de leur droit aux indemnités journalières et le montant de l’assiette sociale forfaitaire minimale qui ouvre et valorise l’ensemble de leurs droits sociaux par option.
Ainsi, en modifiant le seuil de référence forfaitaire, le décret vient priver les artistes-auteurs de la possibilité de valoriser leurs droits sociaux à hauteur de 900 smic horaire comme ils étaient en mesure de le faire jusqu’en 2021, dès lors qu’ils n’atteignaient pas le seuil de ressources requis.
Dans la pratique, les seuls artistes-auteurs qui bénéficieront de cet abaissement général sont ceux qui ne sur-cotisent jamais dans le régime des artistes-auteurs parce qu’ils perçoivent par ailleurs d’autres revenus professionnels (salaires, honoraires ou autres) qui leur ouvrent des droits sociaux suffisants.
Leurs indemnités journalières seront légèrement majorées si les revenus qu’ils tirent de leur activité artistique dépassent le seuil de 600 smic horaire. Sinon, leur situation sera inchangée.
Désormais, les artistes-auteurs dont les ressources seront comprises entre les deux seuils (600 et 900 smic horaire) ne pourront plus s’ouvrir de droits à la hauteur de 900 smic horaire. Leurs droits (retraite, indemnités journalières, invalidité, capital-décès) ne seront valorisés qu’au prorata de leur assiette sociale réelle.
Les artistes-auteurs dont les ressources seront inférieures au seuil de 600 smic horaire pourront opter pour une assiette forfaitaire à 600 smic horaire (et non plus 900), soit une diminution d’un tiers du niveau de leurs prestations (retraite, indemnités journalières, invalidité, capital-décès). Par exemple, en 2022 le montant net de leur indemnité journalière maladie sera de 8,11 € par jour, soit 243,30 € pour trente jours d’arrêt à partir du quatrième jour… »