Dans son premier plan du 27 mars 2020, dit « plan d’action en faveur des artistes-auteurs », le ministre favorise les inégalités de traitement en éparpillant des aides inégales par « répertoire d’œuvres » au préjudice de la majeure partie des artistes-auteurs vivants.
1/ UNE POLITIQUE DE GUICHETS MORTIFÈRE POUR LE SECTEUR DE LA CRÉATION COMPOSÉ DE L’ENSEMBLE DES ARTISTES-AUTEURS VIVANTS
Le 27 mars 2020, après avoir présenté les « mesures d’urgence transversales annoncées par le Gouvernement » (voir notre article) le ministre a annoncé des mesures dites « sectorielles à titre subsidiaire et complémentaire » : « Conformément aux annonces effectuées le 18 mars 2020, le ministre de la Culture a demandé à ses opérateurs sectoriels (CNC, CNL, CNM, CNAP) de se mobiliser pour répondre aux difficultés spécifiques rencontrées par les artistes-auteurs.
Chaque opérateur sectoriel a donc engagé une concertation avec les représentants des artistes-auteurs concernés afin que les premières enveloppes budgétaires dégagées pour faire face à la crise sanitaire puissent bénéficier rapidement aux artistes-auteurs selon des conditions et modalités préalablement discutées. Chacun de ces opérateurs présentera prochainement les mesures envisagées. En outre, une grande partie des aides versées par les opérateurs sectoriels du ministère de la Culture (CNC, CNL, CNM, CNAP) dans le cadre des mesures d’urgence seront conditionnées au paiement des droits dus aux artistes-auteurs. »
Ainsi, loin de tirer les leçons du rapport Racine, le ministre, une fois encore, s’enferre dans une gestion « en silos » des artistes-auteurs. Dans ce premier plan, l’aide d’urgence au secteur de la création se trouve ainsi éparpillée au préjudice de la majeure partie des artistes-auteurs vivants. Les ruptures d’égalité entre artistes-auteurs se trouvent démultipliées.
Non seulement aucune concertation n’a été engagée « avec les représentants des artistes-auteurs concernés », mais encore, depuis le début de la crise sanitaire, les représentants des artistes-auteurs demandent à corps et à cris l’accès à un fonds d’aide complémentaire commun.
Voir nos articles précédents :
Lettre ouverte des représentants des artistes-auteurs au Premier Ministre ;
Communiqué pour un guichet unique et une aide d’urgence immédiate aux artistes-auteurs ;
Pas d’annulation d’interventions prévues sans rémunération des artistes-auteurs ;
Fonds de solidarité nationale ? Communiqué commun des artistes-auteurs ;
Une gestion de la crise sanitaire catastrophique pour les artistes-auteurs ;
Lettre ouverte des représentants des artistes-auteurs au Président de la République.
Sourd à cette demande de bon sens de notre secteur, le ministre, pour ce premier plan, condamne les artistes-auteurs à des traitements inégaux et à errer de guichet en guichet dans l’espoir de trouver une planche de salut.
2/ DES OPÉRATEURS PUBLICS QUI SE DÉCHARGENT DE LA GESTION DES ARTISTES-AUTEURS SUR DES SOCIÉTÉS PRIVÉES
Sur les quatre centres nationaux désignés par le ministre, trois se sont avérés dans l’incapacité « de se mobiliser pour répondre aux difficultés spécifiques rencontrées par les artistes-auteurs ».
Le Centre National du Livre (CNL), le Centre National du Cinéma (CNC) et le Centre National de la Musique (CNM) ont transféré à des sociétés privées les fonds publics destinés aux artistes-auteurs via des subventions. Le Centre National des Arts Plastiques (CNAP) est le seul opérateur public à assumer la mission de service publique confiée par le ministre.
- Le Centre National des Arts Plastiques (CNAP), doté de 2 millions par le ministère, consacre 500 000 € aux auteurs des arts visuels (arts plastiques, design, photographie…) et aux critiques d’art, commissaires d’exposition et théoriciens d’art de la scène française.
- Le Centre National du Livre (CNL), doté de 5 millions par le ministère, se décharge de sa mission sur la Société des Gens de Lettres (SGDL). Le montant de la subvention du CNL à la SGDL pour les « auteurs du livre » est de 1 million.
- Le Centre National du Cinéma (CNC), doté de 5 millions par le ministère, se décharge de sa mission sur la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) et sur la Société Civile des Auteurs Multimédia (SCAM). Le montant de la subvention du CNC à la SACD pour les « auteurs d’œuvres de spectacles vivants » hors musique est de 500 000 €. Le montant de la subvention du CNC à la SACD pour les « auteurs d’œuvres cinématographiques, audiovisuelles et du Web », n’a pas été communiqué publiquement. Le montant de la subvention du CNC à la SCAM, pour les « auteurs et autrices de documentaires audiovisuels aidés par le CNC », n’a pas été communiqué publiquement.
- Le Centre National de la Musique (CNM), doté de 10 millions par le ministère, se décharge de sa mission sur la Société des Auteur Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM). Le montant de la subvention du CNM à la SACEM pour les « auteurs compositeurs » n’a pas clairement été communiqué. Le CNM écrit qu’il « abondera à hauteur de 5 % du montant attribué un fonds de solidarité avec les auteurs et compositeurs en difficulté ».
Un gouvernement qui confond les morts et les vivants, la diffusion et la création.
Les budgets fléchés vers les artistes-auteurs par guichets de répertoires d’œuvres et de circuits de diffusion sont parfaitement déconnectés du nombre d’artistes-auteurs vivants concernés. À vrai dire, ces budgets sont même inversement proportionnels au nombre d’artistes-auteurs pour qui l’activité artistique et l’autorat constituent aujourd’hui un exercice professionnel constant.
S’agissant des artistes-auteurs vivants, on note par exemple que 80 % des cotisants au régime commun de « retraite complémentaire des artistes-auteurs professionnels » (RAAP) sont des artistes-auteurs des arts visuels et de l’écrit et que 20 % sont des artistes-auteurs qui relèvent de la SACD ou de la SACEM (source : rapport d’activité 2018 de l’IRCEC). In fine l’importance qu’accorde le gouvernement au lobbying de la SACD et de la SACEM est une priorité aveugle donnée… au poids économique des morts.
Or, il appartient à l’État de gérer en toute équité l’ensemble des artistes-auteurs vivants, ce qui implique des critères communs, une solidarité et une mutualisation, et non une privatisation et une division approximative par « répertoire d’œuvres », selon les desiderata des poids lourds des OGC.
3/ DES DISPOSITIFS INCOHÉRENTS, INÉQUITABLES, INSUFFISANTS ET QUI NE SONT NI « COMPLÉMENTAIRES », NI « SUBSIDIAIRES »
3-1. Le fonds d’urgence du Centre National des Arts Plastiques (CNAP)
Pour connaître les conditions et modalités pratiques d’une demande d’aide d’urgence au CNAP cliquer ici |
Un fonds public géré par un opérateur public qui aurait pu être équitable, ouvert à tous les artistes-auteurs et judicieusement complémentaire du fonds de solidarité mais... qui ne l’est pas.
Le CNAP consacre son maigre budget exclusivement au défaut de rémunérations pour des projets annulés ou reportés sine die.
En dépit des consignes données par le ministre de la Culture, nombre de rémunérations aux artistes-auteurs n’ont pas été effectivement maintenues par leurs diffuseurs. Le dispositif du CNAP vise donc à rétablir une forme d’équité entre ceux dont les rémunérations ont été maintenues et les autres. En ce sens, il est bien complémentaire des mesures générales annoncées par le ministre.
Mais il est incompréhensible que cette aide qui rétablit une équité entre artistes-auteurs introduise simultanément et immédiatement une iniquité en la rendant incompatible avec une demande d’aide au fonds de solidarité.
Ceux qui ont la chance d’avoir eu un maintien des rémunérations prévues peuvent accéder au fonds de solidarité. Tandis que ceux qui ont affaire à des diffuseurs défaillants ne peuvent pas accéder au fonds de solidarité ! Cette double-peine est un non-sens.
Appartient-il vraiment au CNAP et au ministère de la Culture de subventionner le ministère de l’Éducation nationale et les collectivités territoriales défaillantes ?
De fait, le maigre budget du CNAP sert de filet aux diffuseurs qui n’auront pas maintenu ces rémunérations aux artistes-auteurs ayant eu la chance d’avoir un projet en cours précisément à cette période. Or, le ministère de l’Éducation nationale ne s’est pas engagé à rémunérer les interventions d’artistes-auteurs annulées, et certaines collectivités territoriales rechignent à rémunérer les interventions d’artistes-auteurs annulées (souvent sous couvert de « service non fait »). Il en est de même de certains opérateurs privés qui, bien que subventionnés publiquement, annulent sans indemnité des contrats sous couvert de « cas de force majeure ».
Un fonds complémentaire qui n’aidera qu’une portion congrue des 80 000 auteurs des arts visuels.
Les conditions d’octroi de l’aide du fonds d’urgence du CNAP étant extrêmement limitées, la majeure partie des artistes-auteurs en difficulté n’y aura pas accès. En effet, d’une part, les contrats signés restent l’exception et non la règle dans les arts visuels. D’autre part, sachant que les principales recettes de la majorité des plasticiens proviennent de la vente d’œuvres, notamment aux particuliers, et de cours donnés dans leur atelier, ces artistes-auteurs ne rentrent dans aucun des critères du CNAP. De même, ce fonds n’aidera pas les graphistes et les photographes qui voient s’annihiler toute perspective de gain sans pour autant être dans le cas de devis déjà signés. Pendant ce temps-là, les frais fixes continuent à courir, et peu parmi les artistes-auteurs voient leurs loyers ou leurs factures à payer reportés…
Conscient de ces failles, le CNAP renvoie les artistes-auteurs vers son dispositif social de « secours exceptionnel » dont le budget annuel constant, de 100 000 € depuis des décennies, ne parvient jamais à jouer son rôle déjà en temps normal... On est donc loin des mesures et des budgets nécessaires pour faire face à la crise actuelle !
Un fonds complémentaire qui devrait concerner tous les artistes-auteurs.
L’aide du CNAP est partiellement ouverte aux auteurs de l’écrit (critiques d’art, ...). Mais d’autres artistes-auteurs (écrivains, scénaristes, compositeurs, etc.) ont affaire à des diffuseurs défaillants qui ne maintiennent pas les rémunérations prévues. Rien ne justifie que ces artistes-auteurs ne puissent pas aussi bénéficier d’une aide qui compense cette défaillance de leurs diffuseurs.
Le fonds de solidarité en tant que mesure principale transversale devrait être ouvert à tous les artistes-auteurs, indépendamment du maintien ou non des rémunérations prévues, donc indépendamment d’une demande d’aide au CNAP qui constitue au sens propre une « mesure complémentaire et subsidiaire » au fonds de solidarité. |
L’absence d’aide sociale aux artistes-auteurs fait partie des graves carences de leur protection sociale. Pour mémoire, la commission d’action sociale Mda-Agessa se limite à l’éventuelle prise en charge des cotisations vieillesse pour ceux dont les revenus sont inférieurs au montant forfaitaire d’ouverture des droits mais qui optent pour cotiser sur ce seuil forfaitaire. Les autres travailleurs non-salariés peuvent bénéficier d’une aide exceptionnelle via leur régime social cumulable avec le fonds de solidarité.
3-2. Les fonds d’urgence délégués aux sociétés privées (SGDL, SACD, SACEM)
—> Le fonds d’urgence du Centre National du Livre confié à la SGDL L’aide — plafonnée à 1 500 € par mois — est calculée par comparaison entre les recettes encaissées de mars et/ou avril 2020 et le « revenu moyen » de 2017, de 2018, de 2019 ou de 2017-2018-2019. La SGDL introduit parallèlement de nombreux critères excluants. Aide non-cumulable avec le fonds de solidarité. Pour connaître les conditions et modalités pratiques d’une demande d’aide d’urgence à la SGDL cliquer ici. |
—> Le fonds d’urgence du Centre National du Cinéma confié à la SACD L’aide — plafonnée à 1 500 € par mois — est calculée par comparaison entre les recettes de mars et/ou avril 2020 (hors droits de diffusion versés par un OGC) et le « revenu moyen » de 2019, de 2018-2019 ou de 2017-2019. La perte de revenu doit être au moins de 50 %. Condition problématique reprise sans réflexion du fonds de solidarité. Aide non-cumulable avec le fonds de solidarité. Pour connaître les conditions et modalités pratiques d’une demande d’aide d’urgence à la SACD : – Information générale spectacle vivant ; – Formulaire spectacle vivant ; – Information générale audiovisuel-cinéma-web ; – Formulaire audiovisuel-cinéma-web. |
—> Le fonds d’urgence du Centre National du Cinéma confié à la SCAM L’aide — plafonnée à 1 500 € par mois — est calculée par comparaison entre les recettes de mars, avril ou mai 2020 (hors droits de diffusion versés par un OGC) et le « revenu moyen » de 2019, de 2018-2019 ou de 2017-2019. La perte de revenu doit être au moins de 50 %. Condition problématique reprise sans réflexion du fonds de solidarité. Aide non-cumulable avec le fonds de solidarité. Pour connaître les conditions et modalités pratiques d’une demande d’aide d’urgence à la SCAM : – Information générale ; – Formulaire. |
—> Le fonds d’urgence du Centre National de la Musique confié à la SACEM L’aide est de 1 500 €, 3 000 € ou 5 000 € sur décision du « Comité du Cœur des Sociétaires de la Sacem et de la Direction des affaires sociales » « sur la base de critères sociaux prenant en compte notamment le niveau de professionnalité (grade Sacem, revenus d’auteur générés au cours des trois années passées…), les ressources et charges du foyer… ». Aide cumulable avec le fonds de solidarité. Pour connaître les conditions et modalités pratiques d’une demande d’aide d’urgence à la SACEM : – Information générale ; – FAQ ; – Tutoriel. |
4/ DES GUICHETS COMPLIQUÉS ET QUI SONT SOURCE D’UNE INJUSTIFIABLE RUPTURE D’ÉGALITÉ ENTRE ARTISTES-AUTEURS
Les guichets pseudo-sectoriels demandent une multitude de justificatifs aux artistes-auteurs (contrairement au fonds de solidarité), contrats et justificatifs dont disposent les administrations fiscales et sociales. Outre la lourdeur des demandes d’aide, on peut s’inquiéter que soit ainsi imposé à certains artistes-auteurs de communiquer à des sociétés privées des données personnelles sensibles.
Le positionnement des guichets pseudo-sectoriels constitue de toute évidence une rupture d’égalité entre artistes-auteurs.
- La SACEM octroie des aides forfaitaires de 1 500 €, 3 000 € ou 5 000 € selon le bon vouloir du « Comité du Cœur des Sociétaires de la Sacem ». Ces aides sont cumulables avec le fonds de solidarité.
Par ailleurs, la SACEM affirme dans sa FAQ « les secours ponctuels ne sont soumis ni aux charges sociales, ni à l’impôt. » La SACEM est-elle mieux informée que les services du ministère de la Culture et ses Centres nationaux qui pour l’instant ne savent pas nous répondre à ce sujet ? Nous l’espérons… en attendant une réponse officielle.
- La SACD et la SGDL et la SCAM, pour leur part, singent maladroitement le fonds de solidarité et démontrent leur méconnaissance de l’économie de l’artiste-auteur et de ses conditions d’exercice.
Les dispositifs de la SGDL et de la SACD se positionnent en concurrence du fonds de solidarité transversal. Il est donc normal que leur aide ne soit pas cumulable avec le fonds de solidarité, en revanche, on ne voit pas en quoi il s’agit de dispositifs « complémentaires et subsidiaires » comme annoncé par le ministre.
La différence par rapport au fonds de solidarité porte essentiellement sur le choix de la période de référence (les moyennes au choix d’une ou plusieurs années antérieures). La SACD et la SCAM permettent de surcroît une minoration des recettes mensuelles 2020 en excluant le montant des droits d’auteurs versés à cette période par des OGC, ce qui induit une majoration de l’aide allouée.
Mais faute de connaître l’économie du créateur et ses conditions réelles d’exercice, la SACD et la SGDL adoptent le défaut majeur du fonds de solidarité : calculer le montant de l’aide en comparaison de recettes mensuelles en 2020. Comme si les montants perçus par les artistes-auteurs en mars ou avril 2020 étaient relatifs à un travail effectivement fait en mars ou avril 2020 !
Le caractère extraordinairement dissocié entre le travail de création et sa rémunération est l’une des spécificités fondamentales du secteur de la création.
Nous travaillons (créons des œuvres) mais le plus souvent nous ne savons ni quand, ni combien, nous serons payés pour ce travail. Dans la vraie vie des artistes-auteurs, travail et rémunérations sont dissociés dans le temps. Les décalages ne sont pas l’exception mais la règle. Les recettes encaissées tel mois découlent de la création d’une œuvre effectuée plus ou moins longtemps avant. Les avances sont rares et partielles. Même pour les artistes-auteurs qui travaillent souvent à la commande, déduire les recettes du mois de mars ou avril 2020, qui correspondent au paiement d’un travail effectué par exemple en janvier 2020, est dénué de sens car cela revient à déduire le paiement d’un travail antérieur à la crise sanitaire.
Aucun autre travailleur non-salarié n’a des revenus aussi dissociés à la fois de son temps de travail et de l’époque à laquelle il l’a effectué. Aucun autre travailleur ne rapporte davantage mort que vivant. Les OGC, dont les recettes proviennent majoritairement du travail des artistes-auteurs morts, devraient pourtant le savoir...
La SACD, la SGDL et la SCAM ont-elles la compétence requise pour traiter les données qu’elles réclament aux artistes-auteurs ?
La SACD et la SGDL font des soustractions entre des montants qui en réalité sont de natures différentes, leur comparaison et toute opération sont donc dénuées de sens.
Elles confondent revenu (bénéfice) et chiffre d’affaires (recettes).
Enfin, elles méconnaissent visiblement le droit commun des rémunérations des artistes-auteurs (BNC).
La FAQ du CNL (notamment « Quel est le montant de l’aide ? ») illustre parfaitement ces confusions qui ont pour conséquence de minorer le montant de l’aide allouée.
– Exemple 1 : Un artiste-auteur déclare ses revenus en traitements et salaires.
La TVA est prélevée à la source.
Ses recettes (ou chiffre d’affaires) sont de 12 000 €/an en 2019 (montant brut de ses droits d’auteur, hors taxe et sans précompte social)
Ses cotisations sociales déductibles sont de 1 719 €
— > 12 000 – 1 719 = 10 281 €
Ses dépenses sont évaluées forfaitairement à 10 % de 10 281 €, soit 1 028 €
Son revenu (ou bénéfice) est de 10 281 € - 1 028 € = 9 253 €
En avril 2020, ses recettes (hors TVA et hors précompte social) sont de 250 €
Le montant perçu (avec précompte et TVA) est de 250 - 40 + 2 = 212 €
Si l’on en croit la FAQ du CNL, la SGDL calculera :
9 253/12 - 212 = 771 € - 212 € = 559 € AU LIEU DE 750 €
En effet, le calcul correct de son aide devrait être :
12 000/12 - 250 = 1 000 € - 250 € = 750 €, c’est ce que verserait le fonds de solidarité.
– Exemple 2 : Un artiste-auteur déclare ses revenus en micro-BNC.
La TVA est prélevée à la source.
Ses recettes (ou chiffre d’affaires) sont de 12 000 €/an en 2019
Ses dépenses sont évaluées forfaitairement à 34 % de 12 000 € = 4 080 €
Son revenu (ou bénéfice) est de 12 000 – 4 080€ = 7 920 €
En mars 2020, ses recettes (hors TVA et sans précompte) sont de 250 €
Le montant perçu (avec TVA) est de 250 + 2 = 252 €
Si l’on en croit la FAQ du CNL, la SGDL calculera :
7 920/12 - 252 = 660 € - 252 € = 408 € AU LIEU DE 750 €
En effet, le calcul correct de son aide devrait être :
12 000/12 - 250 = 1000 € - 250 € = 750 €, c’est ce que verserait le fonds de solidarité.
La SCAM fait pour sa part des comparaisons entre « revenus nets » en précisant qu’il s’agit des « rémunérations nettes perçues (avant déduction des cotisations retraite) » (sic !).
Elle renvoie vers le calculateur de la Charte des Auteurs et illustrateurs jeunesse pour calculer ce « revenu net » (le calculateur [1] déduit évidemment les cotisations retraite…). Les artistes-auteurs déclarant des revenus en BNC sont exclus de fait du dispositif. Les montants pris en compte ne correspondent ni au chiffre d’affaires, ni au revenu imposable, ni au montant effectivement perçu. Ils sont néanmoins de mêmes natures, si les artistes-auteurs connaissent le montant brut de leurs rémunérations et utilisent correctement le calculateur. Le résultat minore également le montant de l’aide par rapport au fond de solidarité.
– Exemple 3 : Un artiste-auteur déclare ses revenus en traitements et salaires.
La TVA est prélevée à la source.
Ses recettes (ou chiffre d’affaires) sont de 12 000 €/an en 2019 (montant brut de ses droits d’auteur, hors taxe et sans précompte social).
Son « revenu net » via le calculateur de la Charte est de 9 938 €.
En avril 2020, son « revenu net » via le calculateur de la Charte est de 207 €.
La SCAM calculera : 9 938/12 - 207 = 828 - 207 = 621 € AU LIEU DE 750 €.
En effet, le calcul correct de son aide devrait être :
12 000/12 - 250 = 1 000 € - 250 € = 750 €, c’est ce que verserait le fonds de solidarité.
Les modes de calculs des sociétés privées sont eux-mêmes incohérents entre eux.
De plus, les artistes-auteurs qui déclarent des revenus en BNC sont systématiquement mal gérés et pénalisés par la SACD, la SGDL et la SCAM.
Le fonds de solidarité prend à juste titre le chiffre d’affaires en référence, il neutralise ainsi les divers modes de déclaration fiscale (BIC, BNC, etc.) Le montant de la subvention allouée, en toute logique, est indépendant de la fiscalité du demandeur. En revanche, la SACD, la SGDL et la SCAM méconnaissent le régime fiscal de droit commun des artistes-auteurs (BNC) et pénalisent les déclarants en BNC (SACD et SGDL), alors que l’une d’elle les exclut (SCAM).
5/ CESSER DE NIER L’ÉVIDENCE, CHANGER ENFIN DE MÉTHODE ET DE PARADIGME
Les dispositifs pseudo-sectoriels qui ont été concrètement mis en place démontrent eux-mêmes l’inanité de la « méthode » des guichets. Force est de constater qu’aucune spécificité en fonction des circuits de diffusion ou de « l’écosystème » de l’artiste-auteur n’a émergé.
Les impacts de la crise et les besoins des artistes-auteurs sont les mêmes quelles que soient les « logiques sectorielles » économiques des circuits de diffusion :
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La gestion « en silos » du ministère, sous haute influence de la SACD, de la SACEM et de la SGDL, aboutit à octroyer des montants d’aide inégaux selon le « répertoire d’œuvres » de l’artiste-auteur. Ainsi, en toute absurdité, les artistes-auteurs d’œuvres littéraires ne sont pas traités comme les artistes-auteurs d’œuvres dramatiques, chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, qui eux-mêmes sont traités différemment des artistes-auteurs d’œuvres musicales, qui eux-mêmes sont traités différemment des artistes-auteurs d’œuvres graphiques, plastiques et photographiques.
Ce clientélisme triomphant est clairement incompatible avec une politique publique digne de ce nom. Certains artistes-auteurs ont accès à plusieurs guichets, d’autres à aucun... Ces derniers n’étant pas les moins impactés par la crise. Pas de coordination, chaque guichet fait à sa manière et selon ses propres critères. Alors que nous constituons un seul et même secteur économique : celui de la création (d’œuvres) et que notre régime social est commun.
Ce qui rassemble les artistes-auteurs — leur activité économique commune, leur régime social et fiscal — est plus important que ce qui les différencie, diffuseurs inclus.
À qui l’art de diviser l’unique secteur de la création permet-il de régner ? Les entités qui manœuvrent pour diviser les artistes-auteurs en exacerbant le corporatisme défendent en réalité leurs territoires, leur pouvoir et leurs propres intérêts financiers. Cette approche va clairement à l’encontre de l’intérêt général des artistes-auteurs.