UNE GESTION DE LA CRISE SANITAIRE CATASTROPHIQUE POUR LES ARTISTES-AUTEURS

Loin d’atténuer les inégalités sociales, la gestion actuelle de la crise sanitaire les exacerbe. Ceux qui étaient déjà fragiles, le sont plus encore.
Le secteur de la création ne fait pas exception, bien au contraire.
Malgré la demande des syndicats d’artistes-auteurs, aucun fonds d’urgence dédié, aucun guichet unique n’est envisagé à ce jour par le gouvernement.
La gestion en « silos » du ministère de la Culture, son incompréhension profonde du secteur de la création, son absence de mutualisation et son saupoudrage discrétionnaire vont engendrer de nombreuses inégalités de traitement entre artistes-auteurs. Parmi les artistes-auteurs, chacun est poussé à tirer son épingle de ce jeu de dupes labyrinthique. Combien y survivront ?
Le proverbe « Il pleut toujours où c’est mouillé » n’a jamais rimé avec solidarité.
L’avenir de la création, en particulier dans sa diversité, n’est pas assuré.

Le CAAP soutient la pétition ci-dessous :

COVID-19 : POUR UN FONDS D’URGENCE UNIQUE EN FAVEUR DE TOUS LES ARTISTES-AUTEURS

Que serait notre vie de confinés sans culture, c’est-à-dire sans livres, sans images, sans chants, sans musiques, sans films, sans séries, sans jeux, etc. Aujourd’hui, les ressources culturelles en ligne explosent : bibliothèques numériques, visites virtuelles d’expositions temporaires ou de musées, streaming de films, de spectacles ou de concerts, etc.

Et pourtant, les créateurs et les créatrices de ces œuvres sont encore une fois laissés pour compte. L’impact de la crise sanitaire et économique sur l’exercice particulier de leur activité professionnelle est parfaitement incompris du gouvernement. Les conditions d’octroi d’aide du fonds dit « de solidarité » pour les travailleurs non-salariés sont particulièrement aberrantes pour un artiste-auteur : seules nos recettes moyennes sur un an ont un sens, nullement nos recettes mensuelles, aléatoires par nature. Les droits d’auteur sont globalisés et versés en fin d’année par les éditeurs, les producteurs et les organismes de gestion collective. Nos diffuseurs et nos commanditaires honorent nos factures quand bon leur semble...

Outre ce fonds d’aide inadapté à nos conditions d’exercice, le ministre de la Culture — en guise d’aides « complémentaires et subsidiaires » à cet hypothétique principal — a fait le choix de soutenir en « silos » des secteurs de diffusion, et non pas les artistes-auteurs eux-mêmes. Pour les créateurs, après des décennies de défaillance administrative, un nouveau parcours du combattant se dessine. Au lieu d’envisager un dispositif clair dédié aux artistes-auteurs avec des critères communs et connus de tous, le plan de soutien ministériel adoube des opérateurs, publics ou privés, et multiplie les guichets d’aide, sans aucun souci de cohérence ni d’équité.

Un secteur se définit par l’activité économique exercée : les artistes-auteurs créent des œuvres. Le secteur de la création est constitué de l’ensemble des auteurs d’œuvres littéraires, dramatiques, graphiques, plastiques, photographiques, audiovisuelles, cinématographiques, musicales, etc. Sans créateurs ni créatrices : pas de livre, pas d’art, pas de graphisme, pas de design, pas de photo, pas de film, pas de spectacle, pas de musique…

La crise du Coronavirus met à l’épreuve le modèle obsolète de la politique culturelle, celui qui confond le secteur de la création avec les industries culturelles, celui qui confond l’économie de l’artiste-auteur et l’économie de l’œuvre, celui qui confond l’amont et l’aval, celui qui confond la création et la diffusion. Soutenir la création, c’est soutenir les créateurs et créatrices, et non les amalgamer avec les divers acteurs de l’aval qui sans les artistes-auteurs n’existeraient pas.

Le rapport L’auteur et l’acte de création de Bruno Racine, rendu au ministre de la Culture le 22 janvier 2020, a non seulement pointé la « dégradation de la situation économique et sociale des artistes-auteurs » mais aussi le caractère préjudiciable du « traitement en "silos" que le ministère leur réserve ».

Comme tous les travailleurs, l’ensemble des créateurs et des créatrices est bien évidemment touché de plein fouet par la crise sanitaire du Covid-19 dont les répercussions économiques et sociales sont nombreuses à court et moyen terme. Or, face à cette crise, la « gestion éclatée des enjeux de la création » et des créateurs par le ministère de la Culture s’avère catastrophique, aujourd’hui plus encore qu’hier.

Condamner les artistes-auteurs à quémander aléatoirement des aides d’urgence éclatées dans une myriade de guichets inégalement dotés — ouverts à certains et non à d’autres — selon le type d’œuvres créées, selon leur région, selon leurs diffuseurs, selon la direction du service ministériel ou selon l’opérateur public auquel ils sont rattachés, selon leur appartenance à une société de perception de droits d’auteur, selon leur entregent, selon l’information à laquelle ils auront eu accès ou non, tout cela est inacceptable.

En ce temps de crise inédit, l’heure est à la solidarité et à la mutualisation, non au parcours du combattant et à la rupture d’égalité entre artistes-auteurs.

Depuis le début de la crise sanitaire, les syndicats d’artistes-auteurs demandent l’abondement d’un fonds d’urgence en faveur de tous les artistes-auteurs avec un guichet unique sous l’égide de l’État.

Aujourd’hui, une fois de plus, ils demandent au ministre de la Culture de tenir sa promesse politique : remettre les artistes-auteurs au centre de la politique culturelle. Plus que jamais, leur survie en dépend.

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