Parmi les cotisations et contributions que nous payons, la cotisation vieillesse a la particularité d’être constitutive de droits individuels à la retraite.
Or la réforme en cours de notre régime social a engendré des carences d’appel cotisations vieillesse et des « périodes blanches ».
Cadeau ou bombe à retardement ? Les cotisations vieillesse non payées aujourd’hui amoindriront demain notre pension personnelle à la retraite.
Un artiste-auteur averti en vaut deux. À chacun de voir, selon sa propre situation, ce qui est préférable.
Par ailleurs, tous les artistes-auteurs cotisent à la retraite l’ensemble de leurs années d’activité, en revanche le nombre d’années validées à la CNAV est systématiquement inférieur de plus d’une année en raison du décalage de nos versements de cotisation.
À ce jour, aucune disposition ne remédie à cette injustice, pourtant pointée depuis longtemps tant par les syndicats d’artistes-auteurs que dans les rapports de l’IGAC-IGAS…
1/ Rappel des principales novations 2019-2020
• Transfert du recouvrement à l’URSSAF sur 2 ans (2019-2020)
—> À partir du 1er janvier 2019
- La collecte des contributions des diffuseurs (hors commerces d’art) est effectuée par l’Urssaf Limousin via le portail dédié —> www.artistes-auteurs.urssaf
- Être « affilié » signifie désormais être identifié dans le régime social
- Les « activités accessoires » sont désormais ouvertes à tous les artistes-auteurs cotisants (et non plus exclusivement aux ex dits « affiliés »)
- La cotisation vieillesse plafonnée (6,90%) est désormais incluse dans les précomptes (pour les revenus déclarés en TS)
- Tous les revenus déclarés en BNC sont dispensés de précompte (l’avis de situation SIREN tient lieu de dispense de précompte et est téléchargeable ici https://avis-situation-sirene.insee.fr)
- Tout artiste-auteur peut opter pour cotiser à hauteur du seuil d’ouverture de tous les droits sociaux (900 Smic horaire)
—> À partir du 1er janvier 2020
- La collecte des cotisations et contributions des artistes-auteurs et des commerces d’art est effectuée par l’Urssaf Limousin via le portail dédié —> www.artistes-auteurs.urssaf
- L’exercice social devient l’année civile (voir notre article )
- Le système des appels de cotisations des revenus en BNC est modifié : désormais les montants versés sont des acomptes provisionnels modulables qui sont régularisés a posteriori quand le BNC est définitivement connu (voir notre article)
Vous trouvez ci-dessous le document d’information de l’Urssaf artistes-auteurs en PDF (flash info de novembre 2019).
Voir également nos articles :
- Régime social 2019 : tous « affiliés » ? Décryptage de l’annonce de la « suppression de la distinction affilié / assujetti »
- 2019, un régime social en zone de turbulences (1,2,3,4)
2/ Transition 2019 : des droits à la retraite manquants en 2019 dus à une mauvaise gestion du passage au précompte de la cotisation vieillesse plafonnée.
Jusqu’en 2018, la cotisation vieillesse plafonnée à 6,90% n’était jamais précomptée.
Les artistes-auteurs (à l’exclusion des ex-assujettis de l’Agessa qui n’étaient pas identifiés donc mal gérés) recevaient eux-mêmes leurs appels de cotisation vieillesse plafonnée quel que soit leur mode de déclaration fiscale (BNC ou TS).
À partir du 1er janvier 2019, la cotisation vieillesse a été précomptée. En conséquence pour valider leurs droits à la retraite de l’année 2019, les artistes-auteurs déclarant l’intégralité de leur revenus en TS (donc intégralement précomptés) n’avaient plus besoin de verser eux-mêmes leurs cotisations vieillesse déplafonnée pour valider leurs droits de l’année 2019.
NB : les appels habituels portaient sur une période antérieure à 2019, la « contemporanéïsation » de la cotisation vieillesse induit donc une « période blanche » (2017-2018).
En toute rigueur, la suppression des appels de cotisation vieillesse en 2019 aurait dû concerner exclusivement les revenus intégralement déclarés en TS.
Pour mémoire, le précompte est inadapté aux revenus déclarés en BNC : l’assiette sociale est le BNC+15% et non les recettes qui sont égales au montant des rémunérations versées. Le précompte d’un revenu en BNC induit donc systématiquement des trop-versés. Quand une rémunération déclarée en BNC est précomptée, ce précompte constitue une provision qui implique une régularisation : le montant du précompte doit être déduit du montant de cotisation réellement dû par l’artiste-auteur sur son BNC+15%.
Or, par confusion (entre précompte et TS), la Direction de la sécurité sociale a donné comme consigne aux deux organismes sociaux (Mda-sécurité sociale et Agessa) de supprimer en 2019 les appels cotisation vieillesse à tout artiste-auteur qui aurait eu au moins un précompte en 2018, quel que soit le mode déclaratif du revenu aux impôts, alors que le critère discriminant pertinent pour la gestion sociale des artistes-auteurs est le mode de déclaration fiscale du revenu considéré (et non le précompte)…
| De cette injonction initiale fautive des ministères de tutelle découle une carence d’appels cotisation et de droits à la retraite des revenus déclarés en BNC. Dans la pratique, seuls les artistes-auteurs qui déclarent la totalité de leurs revenus en BNC et qui n’ont eu aucun précompte en 2018 ont payé normalement leurs cotisations (vieillesse incluse). |
En revanche, sous couvert « d’éviter au maximum les risques de double appel de cotisation vieillesse » en 2019, des artistes-auteurs, en nombre non négligeable, n’ont validé aucun droit à la retraite sur leur revenu en BNC.
Ainsi :
- l’ensemble des artistes-auteurs intégralement en BNC mais en début d’activité avec précompte en 2018 a reçu en 2019 des appels cotisation avec un montant nul de cotisation vieillesse. En l’absence d’appels rectificatifs, aucun droit à la retraite n’est validé en 2019 sur leur revenu en BNC.
- des artistes-auteurs intégralement en BNC ont reçu des appels cotisation avec un montant nul de cotisation vieillesse, simplement parce que l’un de leurs diffuseurs les avait malencontreusement précomptés sur l’une de leur rémunération en 2018. En l’absence d’appels rectificatifs, aucun droit à la retraite n’est validé en 2019 sur leur revenu en BNC.
- des artistes-auteurs — qui déclarent une partie de leur revenu en BNC et une partie en TS — n’ont reçu aucun appel de cotisation en 2019. En l’absence de régularisation aucun droit à la retraite n’est validé en 2019 sur leur revenu en BNC. Seule la partie déclarée en TS et précomptée en 2019 valide des droits à la retraite.
- des artistes-auteurs qui déclaraient la totalité de leurs revenus en TS en 2018 et qui ont opté en 2019 pour déclarer — tout ou partie — de leur revenu en BNC n’ont reçu aucun appel cotisation. En l’absence de régularisation, aucun droit à la retraite n’est validé en 2019 sur leur revenu en BNC. Si une partie de leur revenu a été précomptée et déclaré en TS en 2019, seule cette partie valide des droits à la retraite.
Certains artistes-auteurs — notamment de la Mda-sécurité sociale — ont reçu des appels rectificatifs en cours d’année et ont finalement payé leur cotisation vieillesse. Ainsi ils ont validé normalement leurs droits à la retraite.
En revanche, d’autres artistes-auteurs — notamment de l’Agessa — n’ont reçu en 2019 aucun appel de cotisation, ni rappel rectificatif. S’ils ne demandent pas eux-mêmes une régularisation de leur compte, leurs droits à la retraite 2019 ne seront validés qu’à hauteur de leurs éventuels précomptes en 2019. Leurs revenus déclarés en BNC n’ont pas été pris en compte, ni cotisés.
| En résumé, les artistes-auteurs ayant eu des revenus en BNC et dont l’ensemble des droits à la retraite n’a pas été validé en 2019 peuvent demander à régulariser leur compte auprès de l’organisme dont ils dépendent (Agessa ou Mda-sécurité sociale). En l’absence de régularisation, l’année 2019 restera non cotisée ou sous-cotisée et induira des droits manquants à la retraite. |
Cette carence de cotisations constitutive de leurs droits individuels à la retraite découle d’une défaillance dans la gestion de la transition 2019.
3/ Transition 2020 : l’incidence du changement de système d’appel de cotisations des revenus en BNC
Dans l’ancien système (jusqu’en 2019 inclus) :
Le 1er appel de cotisation de l’année N portait sur le revenu de l’année N-2.
Le 2ème appel de cotisation de l’année N portait sur le revenu de l’année N-2.
Le 3ème appel de cotisation de l’année N portait sur le revenu de l’année N-1.
Le 4ème appel de cotisation de l’année N portait sur le revenu de l’année N-1.
Ainsi en 2019, les deux premiers appels de cotisations (T1 et T2) étaient basés sur le BNC+15% de l’année 2017 et les deux derniers appels (T3 et T4) étaient basés sur le BNC+15% de l’année 2018.
Si rien n’avait changé, en 2020, les deux premiers appels de cotisations (T1 et T2) auraient été basés sur le BNC+15% de l’année 2018 et les deux derniers appels (T3 et T4) auraient été basés sur le BNC+15% de l’année 2019.
Dans le nouveau système (à partir du 1er janvier 2020) : les appels de cotisations de l’année N sont des acomptes provisionnels, une fois que l’assiette sociale (BNC+15%) de l’année N est connue (en N+1), le compte est régularisé, l’année N est validée à hauteur de l’assiette sociale de l’année.
Les appels de cotisation en 2020 seront des acomptes provisionnels dont le montant global sera régularisé quand le BNC+15% de l’année 2020 sera connu. Si les acomptes étaient trop faibles, un complément sera appelé ; s’ils étaient trop élevés un remboursement sera effectué.
| Donc les revenus en BNC de l’année 2019 et pour moitié ceux de l’année 2018 ne seront jamais cotisés. |
• Le passage d’un système à l’autre n’est pas neutre
Exemple :
Assiette sociale de 5000€ en 2017
Assiette sociale de 15000€ en 2018
Assiette sociale de 7000€ en 2019
Assiette sociale de 3000€ en 2020
Dans l’ancien système, l’assiette sociale validée à la CNAV en 2019 porte sur 2017 et 2018 :
[(5000 + 15000) : 2] = 10000€
Dans l’ancien système, l’assiette sociale validée à la CNAV en 2020 aurait portée sur 2018 et 2019 :
[(15000 + 7000) : 2] = 11000€
Dans le nouveau système l’assiette sociale validée à la CNAV en 2020 portera sur l’assiette sociale 2020 : 3000€
L’assiette sociale validée à la CNAV est différente dans le nouveau système et dans l’ancien système.
Plus la différence est importante entre l’assiette sociale 2020 (nouveau système) et la moitié de la somme des assiette sociales 2018 et 2019 (ancien système) plus les droits individuels à la retraite en seront affectés (dans notre exemple 3000€ validés versus 11000€).
NB : le même raisonnement peut être tenu pour les revenus déclarés en TS en 2019. La cotisation vieillesse n’a pas été appelée en 2019 sur la base de l’exercice social 2017-18 (ancien système) et certains artistes-auteurs ont pu être pénalisés par la prise en compte en 2019 de leur assiette sociale de 2019 (éventuellement plus faible que celle de l’exercice social 2017-18).
| —> Le CAAP préconise que ceux qui verraient leurs droits à la retraite amoindris en raison du changement de système puissent opter — lors de la régularisation de l’année 2020 courant 2021 — soit pour l’assiette sociale de l’ancien système, soit pour l’assiette sociale de 2019 (et non que leur soit systématiquement imposé l’assiette sociale de 2020). |
4/ Le nouveau système instauré en 2019-2020 doit permettre de solder sur option les trimestres manquants de l’ancien système
- Nous avons, d’une part, en début d’activité des années d’activité cotisées à retardement donc non validées à la CNAV.
Dans l’ancien système, la carrière de l’ensemble des cotisants du régime social des artistes-auteurs est incomplète en raison d’un versement des cotisations, décalé d’un an et demi (voir notre article)
La première année validée à la CNAV est l’année N sur la base des années d’exercice N-2 et N-1. Dans la pratique, les artistes-auteurs découvrent au moment où ils prennent leur retraite qu’il leur manque entre une et deux années d’exercice dans leur relevé de carrière.
- Nous avons, d’autre part, des années d’exercice qui ne seront pas cotisées en raison du changement de système d’appel de cotisation en 2019-2020.
| —> Le CAAP préconise que les artistes-auteurs puissent combler la période manquante (de leur début d’activité) en réglant — sur option volontaire — une cotisation vieillesse plafonnée basée sur la « période blanche » induite par le changement de système. |
- Déclarations en TS —> la période blanche est 2018 et la moitié 2017 en raison de l’instauration en 2019 du précompte de la cotisation vieillesse.
- Déclarations en BNC —> la période blanche est 2019 et la moitié de 2018 en raison de l’instauration du nouveau système d’appel de cotisation des BNC en 2020.
Ainsi la cotisation volontaire de la cotisation vieillesse plafonnée sur les récentes périodes blanches validerait les droits à la retraite de la période manquante de début d’activité.
Résoudre le problème du décalage entre perception du revenu et cotisation pour les nouveaux entrants est une bonne chose mais il convient simultanément de permettre de régler ce même problème pour les anciens cotisants et non de l’occulter.
Les changements de système dans les appels de cotisation en 2019-2020 induisent des périodes blanches qui donnent l’opportunité en les cotisant pour la vieillesse plafonnée, de pouvoir rattraper le décalage initial et la perte de plus d’années d’exercice et de droits à la retraite dans le relevé de carrière de tous les artistes-auteurs.
Cette opportunité doit être effectivement donnée aux artistes-auteurs.
L’article R382-23 du code de la sécurité sociale actuellement en vigueur précise : « Les artistes-auteurs dont le revenu ne fait pas l’objet d’un précompte... peuvent, sur demande, avant une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2021, cotiser aux taux en vigueur sur la moitié de leurs revenus artistiques perçus en 2018 et sur leurs revenus artistiques perçus en 2019, lorsque ces revenus n’ont pas fait l’objet d’appel de cotisations du fait de l’entrée en vigueur… du présent décret. »
Cette disposition qui permet seulement de majorer l’assiette sociale mais nullement de valider les trimestres manquants n’a pas fait l’objet de discussions au sein des réunions de concertation. Elle doit être revue et complétée.