L’info Noir/blanc n° 17

SOMMAIRE DU N° 17

  • Palais de Tokyo - Une réponse de N. Bourriaud et J. Sans sur la participation des artistes ...
  • Précisions sur le rendez-vous au ministère d’une délégation d’artistes à propos de la nomination d’un directeur pour le centre de la jeune création.
  • Dossier : droit d’auteur. M.-L Binoux, avocat à la Cour, nous propose :
  • une analyse de l’évolution du « droit au respect des œuvres ».
  • des suggestions pour la rédaction d’un contrat et les démarches en cas de litige.
  • Revue de presse
  • Télé Internet. Le CAAP lance une émission bimensuelle, « Artiste, dites-vous ? » sur Canal Web.net.

EDITO

Amende honorable

Les artistes contestent et se manifestent. Je veux parler des réalisateurs de cinéma, qui font valoir leur colère et leur détresse. Le débat existe, il s’installe, s’étale, de-ci, de-là. tranquille, d’une semaine l’autre. Un coup Le Monde, un coup Libé. Ça s’efface un peu, puis revient sur Télérama ... Pour autant que j’ai pu en juger, ce conflit est poli, et même si parfois on sent bien poindre quelques agacements et impatiences qui pourraient le faire basculer dans un violent mépris, il est, me semble-t-il, d’une relative sérénité ... Ils en ont de la chance ces réalisateurs ! Sans rire, moi ça me laisse rêveur un débat comme celui·là ... j’ai beau savoir qu’il s’agit d’un véritable appel aux secours, que c’est sérieux, j’ai beau en saisir les terribles enjeux et entendre les arguments et les positions, en approuver certains et en condamner d’autres, je suis aux anges, très rassuré même par la simple existence de sa qualité, toute relative soit-elle.

C’est vrai quoi, imaginez un peu, pauvres plasticiens que nous sommes, les deux derniers phénomènes comparables que nous ayons connu, reposaient, un, sur le principe des anciens et des modernes (mais si, mais si, il opposait Dagen-Millet à Clair-Fumaroli), et je n’en ai retenu, personnellement que l’intervention, non souhaitée de Thierry De Duve ; et le second, récent, sous la forme d’une pétition (qui, en fait, n’en serait pas une ?!) abordait le sujet de la représentativité des artistes dans les institutions ...

Naturellement, d’entrée, la forme de la pétition (qui en fait, ne serait pas une pétition, mais simplement une lettre), a laissé à désirer ; malgré cela, nous espérions encore que cette initiative, courageuse et volontaire de la part d’artistes intéressés, déboucherait sur des prises de positions claires, tangibles et probantes de la part de l’ensemble des acteurs impliqués. Que neni ! Nous publions des extraits d’un entretien que nous avons obtenu avec deux des artistes reçus au cabinet du Ministre de la Culture (voir page 7). Nous laissons à chacun le soin de se faire une idée des propos et des motivations de ces protagonistes. Pour notre part, à part un sentiment de déjà vu et bien entendu, nous demeurons perplexe à la lecture de l’ensemble qui, au fil des lignes, hésite, avance et recule, se cherche, aimerait bien mais ne peut point. ..

Certes, à la suite de cette pétition (qui en fait, ne serait pas une pétition mais simplement une lettre avec des noms dessus), une grappe d’artistes-acteurs a bien été reçue au Ministère de la Culture, mais, bien qu’ils se soient considéré comme un « mouvement synergique », ont hésité longtemps à faire une communication au sujet de cet entretien. Sans doute manquaient-ils de moyens pour ça. Il est en effet toujours plus facile de trouver une plume attentive dans les colonnes d’un quotidien
pour commenter de façon très approximative un « événement », que pour en analyser convenablement les résultats et en faire une synthèse. En parallèle, et hors texte, on reproche volontiers au Caap d’avoir tenu des propos désagréables quant à la façon dont s’est déroulée cette pétition (qui en fait, ne serait pas une pétition mais simplement une lettre avec des noms dessus mais qui ne serait pas signée). Comme on reproche au Caap une multitude de choses, surtout le fait d’être réellement sur le terrain, de ne pas constituer ni se fondre dans un réseau, et surtout d’avoir été capable de demeurer tout à fait indépendant et non inféodé à l’institution, contrairement à ce que se plaisent à répandre certains. On demande au Caap, on me demande, à la suite de l’édito du n° 15, de faire amende honorable. Et bien mon honneur à moi, mes convictions m’invitent plutôt, au contraire, à persister. Je persiste et je signe, moi !

C’est dommage, certes, mais très honnêtement. je n’ai guère le temps d’en tenir rigueur au mythomane du groupe ni le loisir de faire du prosélytisme auprès de certains d’entre eux qui se complaisent dans une naïveté confortable en lui prêtant une oreille attentive. Ayant, bien entendu, plusieurs cordes à notre arc (pardon), nous avons également sollicité auprès des nouveaux directeurs du Palais de Tokyo, quelques explications concernant la façon dont ils envisageaient la mise en place de la collaboration avec les artistes (voir page 6, questions, réponses et lettre de mission), une demande comparable à également été faite auprès de Monsieur Zacharopoulos (nous attendons toujours sa réponse).

Certes, dans un premier temps, à la lecture des réponses de Nicolas Bourriaud et de Jérôme Sans, nous constatons, un peu déçus, une approche difficile du verbe, une rédaction molle et approximative voir d’une affligeante médiocrité à laquelle leurs plumes respectives ne nous avaient pas habitués. Mais rapidement le sens s’impose et nous pouvons ainsi être rassurés (sans rire), d’apprendre qu’ils n’ont pas vocation à sauver du désœuvrement tous les artistes qui se présenteront avenue du Président Wilson et que, par conséquent, leur légitimité ainsi préservée (aurait-elle été remise en question ?) ils auront tout loisir de s’entourer de collaborateurs zélés, susceptibles de leurs apporter des éléments de réflexions auxquels ils seront particulièrement sensibles et attentifs, d’artistes avec lesquels ils partageront un maximum de points de vue.

Et là. ensuite, c’est de la joie ! De la joie pure ! C’est le génial dérapage, l’allégresse suprême de la glisse ! La récurrence du bonheur qui se présente en travers, lorsqu’on nous précise bien maladroitement que cela ne signifie naturellement pas que ce seront forcément des artistes avec lesquels ils auront précédemment travaillé, et attendez, le sommet est encore à venir, Oh Dieu de la « culminence », de l’exaltation et de la frénésie grotesque ! Grande incarnation du délire des hautes cimes ! Ils ont l’intention (si, si) d’associer des artistes à leurs expositions et événements. C’est un soulagement.

Soyez soulagés également Monsieur Bourriaud et Monsieur Sans, effectivement il n’y a aucun doute, à la lecture de votre réponse et de ses maladresses, vous faites bien partie de cette « communauté artistique ».

Jacques Farine