L’info Noir/blanc n° 3

SOMMAIRE DU N° 3

CENSURES :

  • « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ». Destruction d’ une sculpture de René Guiffrey à Toulon.
  • La veuve noire. La censure de la « Table de Reddition » de Christian Lapie fait jurisprudence.
  • Mister Oream dérange… Expulsion à Orly d’une sculpture de Bruno Hadjadj. Motif : « incitation à la débauche ».
  • L’ Illégitimité de la censure. Le droit moral de l’artiste décrypté par Agnès Tricoire, avocate à la cour.
  • Europe : attention danger ! Copyright contre droit d’auteur sur le ring européen.
  • 1% pour une œuvre. Le principe du 1 % est louable, son application semble contestable.
  • Bulletin d’ adhésion / Notre guide

EDITO

De l’incompétence à l’inconsistance, grave

La législation européenne prévaut (sauf exception) sur les droits nationaux. C’est le principe même de l’Europe. Avez-vous la moindre idée de ce qui se trame, se discute et se négocie, se raconte et se « pourparle » réellement à Bruxelles ou à Strasbourg ? Savez-vous de quoi il s’agit, de quoi il en retourne quotidiennement, avez-vous une véritable idée des enjeux et des sujets, des principes, des propos et des mesures ... ? Naturellement parce qu’il vous faudrait pour cela pouvoir l’entendre et le lire, le voir et le sentir et que personne ne vous le propose, ni quotidien, ni hebdomadaire (sauf peut-être le Canard enchaîné), ni mensuel (sauf peut-être le Monde diplomatique}, pas plus que les chaines de télévision ou de radio.

C’est quasiment le désolant désert sur lequel n’apparaissent que quelques informations éparses, surgissant ponctuellement de-ci, de-là, bourgeonnant au gré d’un amendement passé ou d’un sujet populaire, en attendant je ne sais quelle pluie pour s’épanouir, et de toute façon trop tard pour intervenir... En d’autres termes, de cette Europe qui justifie tout, ou presque, qui demeure plus que jamais nécessaire mais qui chaque jour semble s’éloigner à grands pas vers le but opposé à atteindre, on ne sait rien ou pas grand-chose. Alors il se pourrait bien qu’on se réveille un matin, assis sur un trottoir, aussi cons et gentiment abrutis que des poulets naissants, en constatant que de nouvelles directives européennes nous ont ôté tout recours possible face à la bêtise et à l’incompétence ... (Voir l’article consacré au copyright et au droit moral, page 8).

Loin du remue-ménage, du reste légitime, causé par actes de censure que NTM ou Karl Zéro ont eu à subir, ceux qui ont atteint le monde de l’art contemporain n’en sont pas moins graves et plus nombreux et le fait qu’ils soient effectivement le fait du despotisme latent et de l’incompétence, de la radicalisation du discours politique et de sa voisine, la bêtise, ne les rend pas moins inquiétants. Et comme la retenue, dans ce cas, est soeur de la lâcheté, il est curieusement inquiétant de constater le silence qui depuis des années maintenant accompagne systématiquement ce genre d’événement s malheureux. Certains peuvent toujours s’efforcer de les justifier dans le cadre de journaux d’information généraliste en invoquant le peu d’audience que l’art contemporain trouve auprès du public, ce qui est déjà très grave. Mais je reste pour le moins consterné, atterré par la faiblesse des réactions d’une grande partie de la presse spécialisée et des professionnels de l’art contemporain. À croire que décidément, les limbes de la culture et les partis pris esthétiques ne peuvent s’accommoder d’aucune réaction de contestation sérieuse, sans doute parce que la simple ombre d’une attitude politique fait décidément bien peur.

La peur se trouve aussi ailleurs. Soulevée par l’attitude d’une partie des journalistes et par Claude Sarraute en particulier, qui, journaliste au Monde et sur France Inter (service public}, se permet de dire en substance que lorsque l’on est une « fan » de Brigitte Bardot (comme elle et comme beaucoup d’autres), on n’a que faire des amitiés que celle-ci entretient avec M. Le Pen… Nous ne sommes plus ici dans le cadre du consensus mou, déjà assez désagréablement poisseux, mais carrément dans les prémisses de la collaboration !

Nous consacrons une partie importante de ce numéro aux problèmes liés à la censure. Nous avons invité trois artistes qui ont eu à la subir - Christian Lapie, Bruno Hadjadj et René Guiffrey - à exprimer dans ces pages leurs réactions et leurs histoires respectives. Maître Agnès Tricoire, avocate de J.-M. Bustamante, s’exprime également à ce propos. Ces quatre cas ne sont malheureusement pas isolés et d’autres personnes auraient pu intervenir (je pense notamment à Thierry Mouillé) : nos colonnes leurs sont grandes ouvertes.

On vous salue bien, et bonne année !

J.F.