SOMMAIRE DU N° 2
- Nomination au Frac-Auvergne : abus de pouvoir
- Le prétendu no man’s land de l’artiste non affilié. Comment exercer lorsque l’on n’est pas affilié à la Maison des Artistes ?
- ADAGP, mode d’emploi. Rôle et fonctionnement de la société de gestion des droits des auteurs plasticiens
- Le gouvernement préserve l’opacité. Impossible de contrôler les sociétés de gestion des droits d’auteurs, le gouvernement ferme les yeux. ..
- Bulletin d’adhésion
- Notre Guide
EDITO
TOURS : 900 professionnels réunis
Résultats mitigés du Congrès mais des intérêts communs à
défendre. Rendez-vous est pris pour 1998.
Les résultats du premier congrès interprofessionnel de l’art contemporain qui s’est déroulé à Tours les 30 et 31 octobre derniers nécessitent naturellement quelques commentaires. Nous avons pu prendre la parole durant quelques minutes à l’issue de la séance plénière, qui clôturait un après-midi de travail en tables rondes auxquelles nous n’avions pas été conviés (en effet, même si l’invitation à ce congrès apparaît comme une reconnaissance, nous étions absents des commissions professionnelles durant lesquelles les décisions se sont prises et auxquelles
n’a participé aucun artiste).
Simples observateurs, que nous étions de surcroît, nous nous sommes néanmoins permis à cette occasion de faire remarquer à plusieurs partenaires, notamment l’Etat, le Comité des galeriesd’art et la Chambre nationale des commissaires-priseurs que les mutations économiques auxquelles le marché de l’art était soumis depuis plusieurs années (libéralisme mondial et/ou nécessité d’une politique européenne cohérente) ne pouvaient pas tout justifier... Même si, selon M. Rizzardo (1), « les contradictions internes à ce milieu, qui tiennent au positionnement des divers acteurs (artistes, institutions publiques, marché), n’ont pas empêché que s’instaure un dialogue fructueux et porteur d’un rapprochement sur certains points entre le secteur privé et le secteur public. »
On ne peut, dans un premier temps, que constater et regretter l’absence des artistes eux-mêmes au sein de l’ensemble des commissions de travail (et également celle de certains partenaires tels que I’ADAGP(2) et la Maison des artistes). Cela illustre tout de même un problème pour le moins essentiel. En effet, durant des années, sur la base d’un accord de principe tacite, les artistes ont délégué la protection de leurs biens moraux et matériels à leurs partenaires, misant ainsi sur la capacité, le devoir et la pertinence de ceux-ci de défendre leurs intérêts. Or, les mutations et la crise du marché de l’art, dont les retombées ont rendu nécessaire ce congrès, impliquent de la même façon la reconnaissance et la nécessité pour les artistes eux-mêmes de se constituer en organisation professionnelle afin de pouvoir défendre leurs intérêts manifestement mis à mal et, parfois, sacrifiés par leurs partenaires sur l’autel de la nécessité économique.
Ainsi, par exemple, lorsque M. Rizzardo rend compte de la « nécessité de respecter les règles du jeu entre artistes et galeries », ou de « desserrer le “carcan” fiscal en appliquant une TVA plus favorable et en allégeant le droit de suite » (3). Il décrit ainsi, sans le vouloir, une malheureuse contradiction.
D’une part en assimilant le droit de suite à une taxe fiscale. N’en déplaise aux galeries d’art, aux commissaires-priseurs et même à l’État, ce droit n’est pas assimilable à une taxe fiscale, puisque, de droit, il revient aux artistes et aux artistes seuls.
Et non pas à l’État (en principe). D’autre part, les règles du jeu ne sont effectivement plus respectées puisque les galeries - et ce depuis de nombreuses années et bien avant qu’elles ne soient confrontées aux problèmes économiques actuels – ne les ont jamais appliqué (et l’État en est le complice en refusant de faire appliquer cette loi). En outre, les commissaires-priseurs n ’hésitent pas à aller négocier auprès des instances européennes ces droits qui certes les concernent mais ne leurs appartiennent pas.
Ce n’est que si l’ensemble des partenaires (artistes compris) proposent une solution globale et cohérente que nous parviendrons à respecter la propriété intellectuelle de l’artiste en tant qu’auteur en prenant mieux en compte l’urgence d’une harmonisation de la législation européenne en la matière et non pas en bradant au coup par coup et ouvertement les acquis des artistes.
Par ailleurs, les vœux pieux exprimés dans cette synthèse à propos de la nécessité de « considérer l’enseignement artistique comme un enjeu de société et travailler le rapport avec l’éducation nationale à partir de priorités clairement définies », de « souligner la prépondérance de la formation, celle qu’assure particulièrement les écoles d’art, lieux de médiation idéale avec la création contemporaine »et de « prendre en compte des besoins perçus parfois comme contradictoires et relatifs d’une part au statut des personnels et d’autre part à la nécessité, particulièrement dans les enseignements artistiques, de pouvoir recourir à « des procédures de recrutement souples » (3), nous apparaissent effectivement comme essentiels mais n’en demeurent pas moins lettre morte.
Le ministre de la Culture n’a pas jugé bon de revenir sur ces points lors de son discours de clôture, alors que nous sommes tous parfaitement conscients qu’aucune amélioration sérieuse concernant le marché de l’art ne pourra être envisagée tant qu’une réelle politique d’enseignement culturel ne sera mise en place, notamment dans les établissements du second et du troisième cycle de l’Éducation nationale.
Nous vous soumettons la conclusion de la synthèse réalisée par M. Rizzardo :
« Dans le contexte actuel de la décentralisation le rôle de l’Etat a été affirmé. Il lui revient de fixer les cadres de l’action, d’en définir les moyens, d’établir les supports juridiques des équipements d’art contemporain et d’élaborer une doctrine des services conformes aux besoins en mutation de ce secteur. Il incombe également à l’Etat d’affirmer des orientations fortes et des priorités comme :
• le soutien à la création,
• la détermination des règles du jeu en concertation avec les partenaires intéressés et la stigmatisation de leur non-respect [Frac Auvergne(4)],
• la transparence des décisions.
Les congressistes se sont aussi accordés sur l’idée que l’Etat doit, dans ce domaine particulier, veiller au respect des valeurs de la République. De ce point de vue, les collectivités territoriales ne doivent pas être laissées seules face au discours populiste tendant à élargir le fossé entre population et création. A cet égard, une ligne claire devrait être défendue. Elle consisterait par exemple à appuyer les élus les plus engagés dans le soutien à l’art contemporain, ou encore à affirmer la prééminence de l’expertise sur des décisions de compromis. Ce premier congrès interprofessionnel de l’art contemporain appelle des suites. Un bilan méthodologique de ces rencontres sera établi et devrait permettre de préparer le prochain congrès. »
L’ensemble des organismes professionnels se laissent deux ans pour travailler sur les différents points évoqués durant le Congrès et proposer, à partir de là, une « contre-politique ». Reste à définir le terme d’organisme professionnel... puisque nous ne semblons pas être associés à cette réflexion.