RETRAITE COMPLEMENTAIRE DES ARTISTES AUTEURS (7)

8% non merci. Une autre réforme est possible et nécessaire !

LA CONTRE-PROPOSITION DES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES

Une recommandation des organisations professionnelles qui ne lèse personne : plusieurs organisations professionnelles se sont réunies pour co-construire une proposition commune qui permet de passer, sans heurt, ni préjudice, d’un mode de cotisation à l’autre. Cette proposition a été envoyée aux deux ministères de tutelle ainsi qu’aux administrateurs du RAAP.

NOTE DÉTAILLÉE
RELATIVE AU PROJET DE COTISATION PROPORTIONNELLE AUX REVENUS EN SUS ET PLACE DU DISPOSITIF ACTUEL DE COTISATIONS PAR CLASSES OPTIONNELLES.

• LES CAUSES DE L’OPPOSITION A L’APPLICATION D’UN TAUX UNIFORME DE 8% EN UN AN

Adopter un taux unique à 8%, c’est omettre de tenir compte des capacités contributives très variables des actifs.
Pour de nombreux artistes auteurs, cette modification pourrait engendrer une majoration importante selon leur situation et une perte de ressources conséquente selon leur revenu annuel. Les artistes auteurs ont parfaitement compris que cette modification aurait une incidence considérable sur leurs cotisations sociales obligatoires, en effet nous passerions soudainement d’une diversité de contributions individuelles (incalculables) à un taux obligatoire unique fixe qui viendrait majorer le taux du régime de base : de 16,25 % à 24,25 % en un an. L’impact de cette majoration n’a de toute évidence pas les mêmes incidences humaines si elle se rapporte à un revenu annuel de 10000 euros ou à un revenu annuel de 40000 euros.

Dans un contexte d’appauvrissement et de précarisation des artistes auteurs, envisager une telle mesure est malvenu, elle mettrait en péril de nombreux professionnels, les encourageant à cesser leur activité, à l’exercer au noir ou à se dispenser de cotisation les années où leur revenu passe en dessous du seuil… Cette mesure aboutirait donc à un résultat inverse de ce qui est souhaitable.

Selon le RAAP, le montant moyen annuel des pensions actuellement versées est de 1500€ par an (compte tenu de la répartition très inégalitaire des revenus des artistes auteurs, il serait plus pertinent de préciser la médiane).

L’insuffisance des pensions actuellement versées par le RAAP tient à des facteurs très différents :

  • problème A > la faiblesse des revenus de nombreux artistes auteurs (les faibles revenus n’ont d’autre choix que d’opter pour la classe la plus basse).
  • problème B > la faible durée de cotisation (la plupart des artistes auteurs ont découvert leur régime de retraite complémentaire obligatoire il y a moins de 10 ans alors qu’il existe depuis 1962)
  • problème C > la faculté de sous-cotiser en raison du dispositif de classes optionnelles (les moyens et hauts revenus optent souvent pour une classe basse)
  • problème D > l’absence de contribution des diffuseurs au régime complémentaire.

C’est à l’ensemble de ces problèmes qu’il convient de remédier pour augmenter la pension moyenne versée.

La garantie affichée par le RAAP d’une « pension décente » grâce à un taux unique à 8% n’a été corroborée par aucune étude actuarielle. En fait l’impact d’un taux à 8% du revenu est actuellement incalculable. Le RAAP ne connaît pas les revenus de ses cotisants. Récemment le recouvrement forcé par huissier de sommes indues l’a fâcheusement illustré. Faute de connaissance des revenus nominatifs des cotisants de la MDA-sécurité sociale et de l’AGESSA, le RAAP est dans l’incapacité de savoir qui paiera plus, qui paiera moins, qui paie volontairement, qui paie obligatoirement, qui ne cotise pas au régime de base et a fortiori qui percevra combien au moment de sa retraite. L’AGESSA n’est elle-même pas en mesure de fournir un fichier nominatif des non affiliés (or parmi eux certains cotisent au RAAP volontairement, d’autres – environ 10% – devraient obligatoirement cotiser mais ne le font pas…).

En l’absence de données fiables et d’étude actuarielles, passer brusquement en 2016 d’une cotisation optionnelle par classes à une cotisation proportionnelle à 8% (taux supérieur à celui de la cotisation vieillesse de base) n’est pas envisageable.

Les conditions matérielles d’une mise en application sont-elles réunies ? Qu’en est-il de relations fiabilisées entre le RAAP et les organismes sociaux ? Ces derniers sont-ils en capacité de collecter cette nouvelle cotisation ? À quel coût ? En 2012, les frais de mise en œuvre de la collecte pour le fonds de formation continue des artistes auteurs se sont élevés pour l’AGESSA à plus de 300 000 euros soit 19,78% de sa propre collecte (prix exorbitant de l’inadaptabilité structurelle du système informatique de l’AGESSA). Une refonte informatique des organismes sociaux est engagée, où en est-elle ? prévoit-elle cette nouvelle mission ? La refonte informatique sera-t-elle terminée au 1er janvier 2016 ? De la réponse à ces questions dépend la fixation d’un calendrier pour la mise en œuvre d’une cotisation proportionnelle au revenu au sein du RAAP. Le choix d’une date est ici techniquement contraint. Une décision politique qui n’en tiendrait pas compte constituerait une erreur manifeste d’appréciation.

• PROPOSITIONS POUR PASSER SANS HEURT NI PREJUDICE D’UN MODE DE COTISATION
PAR CLASSES OPTIONNELLES À UN MODE DE COTISATION PROPORTIONNELLE AU REVENU

Les organisations signataires ne contestent pas la pertinence de l’introduction d’une cotisation proportionnelle au revenu dans leur régime de retraite complémentaire obligatoire. Elles l’estiment socialement plus juste, ce dispositif rend notamment impossible la sous-cotisation (problème C). Mais cette introduction doit impérativement être souple, progressive et fondée sur une étude fiable de son impact. Le taux applicable doit être modulé dans le temps et selon les revenus.

Les conditions préalables à la réforme sont pour nous les suivantes :

La communication préalable d’une étude actuarielle sérieuse. La collecte et le traitement de données fiables doivent permettre de mesurer l’impact à court et long terme de l’introduction d’une cotisation proportionnelle.

La garantie préalable de l’efficience (du ou) des systèmes informatiques de l’AGESSA et de la MDA-sécurité sociale. Le calcul et la communication du coût prévisionnel des frais de mise en œuvre et le plafonnement réglementaire des frais de gestion.

La garantie préalable de la fiabilité du système informatique de l’IRCEC et de son adaptation à l’évolution du système de cotisation.

Nos propositions sont les suivantes :

. La nécessité d’un principe de progressivité et de flexibilité pendant une phase transitoire de 10 ans

  • Il est indispensable de maintenir une forme de flexibilité des cotisations en même temps que l’introduction de la cotisation proportionnelle afin que chacun ait le temps de s’adapter au nouveau mode sans préjudice personnel. Il ne faut ni étrangler ceux qui ont les revenus les plus faibles, ni empêcher ceux qui le souhaitent de cotiser plus que le montant induit par le taux de la cotisation proportionnelle instaurée progressivement.
  • La programmation d’une phase transitoire de 10 ans qui aboutit à l’adoption des taux proportionnels de droits communs dans le régime de retraite complémentaire obligatoire. Une faculté de sur-cotisation encadrée doit être préservée pour éviter tout préjudice personnel et pour aider les artistes auteurs à pallier les années de cotisation manquantes en raison d’un défaut institutionnel d’information et d’application du régime complémentaire obligatoire (problème B).

. Un seuil de cotisation obligatoire identique au seuil dit « d’affiliation » du régime de base
Le maintien d’un seuil de cotisation obligatoire – fixé réglementairement – à hauteur du seuil de validation de 4 trimestres retraite dans le régime de base du régime des artistes auteurs. Actuellement le CA du RAAP a le pouvoir de fixer lui-même ce seuil donc de le faire varier, éventuellement en toute incohérence avec le régime de base. Cette latitude introduit une forme d’insécurité sociale qui inquiète à juste titre les artistes auteurs.

. Un plancher forfaitaire d’un montant de 4% du seuil dit « d’affiliation » du régime de base
L’adoption d’un montant forfaitaire minimum dû par les cotisants obligatoires établi à 4% du montant du seuil de validation de 4 trimestres retraite dans le régime de base. Cette disposition vise à maintenir un effort contributif minimum similaire à l’effort actuellement consenti. Ce montant forfaitaire annulerait et remplacerait la cotisation en « classe spéciale » actuelle.

. Un régime ouvert à tous les cotisants du régime de base
Le maintien de la faculté de cotiser volontairement au régime complémentaire pour les artistes auteurs dont les revenus sont inférieurs au seuil de cotisation obligatoire.

. Un taux de cotisation modulé selon les revenus à l’instar du régime général
L’introduction progressive et programmée réglementairement d’un taux de cotisation proportionnel aux revenus en cohérence avec la spécificité du régime social des artistes auteurs donc au final identique aux taux de droit commun à la charge des salariés.

Nous proposons :

Un doublement du taux s’effectue en 10 ans ce qui constitue une forte progression que nous espérons néanmoins supportable par les cotisants.

. La disparition progressive des classes
Le maintien pendant la phase transitoire de 10 ans des classes de cotisation optionnelles à leur montant actuel (classes A, B, C ou D) en complément facultatif du montant de la cotisation proportionnelle. En l’absence de majoration, l’impact sera décroissant dans le temps. Cette disposition est concomitante du passage progressif d’un mode de cotisation à l’autre. En fin de phase transitoire, les classes optionnelles sont supprimées.

. La faculté d’achat de points supplémentaires
Une variante de cette disposition pourrait être plus simplement d’ouvrir la possibilité d’achat de points supplémentaires limitée à 48 points (comme c’est actuellement le cas).

. La recherche de financements complémentaires à celui des artistes auteurs
Simultanément à l’introduction de la cotisation proportionnelle des artistes auteurs, introduction progressive et programmée réglementairement d’un taux de contribution des diffuseurs (même champ et même assiette que dans le régime de base). Il est à noter que les producteurs participent à hauteur de 2% dans le RACD. Il n’est pas juste, ni cohérent que la majorité des diffuseurs soient exonérés de toute contribution au régime complémentaire obligatoire des artistes auteurs (problème D). Cette contribution des diffuseurs pourrait venir notamment en complément des cotisations de la tranche A et servir à majorer les plus faibles pensions (problème A).

Il convient d’accompagner cette phase transitoire par la production régulière de statistiques et d’études actuarielles.

. Remédier au problème de gouvernance du RAAP pour les prochaines élections
Le conseil d’administration du RAAP n’est pas composé des partenaires sociaux que sont les organisations professionnelles des artistes auteurs. La crise suscitée par la décision d’un conseil d’administration composé d’auteurs élus en leur nom propre met en évidence un problème de gouvernance. En 1962, date du dernier décret relatif au régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes auteurs, la structuration professionnelle des artistes auteurs n’avait probablement pas atteint la maturité actuelle. La situation a changé. Partout ailleurs, les assurés sociaux sont représentés par les partenaires sociaux, il convient qu’il en soit de même dans le régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes auteurs.

. Pour mémoire, le dispositif actuel

Voir ci-après des exemples d’application de notre proposition, les cotisations proportionnelles augmentent progressivement en 10 ans jusqu’à leur doublement environ (taux de droit commun).

EXEMPLES DE COTISATION EN FONCTION DU MONTANT DU REVENU ANNUEL

1/ REVENU < seuil d’affiliation

Artistes auteurs ayant des revenus inférieurs au seuil de validation de 4 trimestres retraite dans le régime de base du régime des artistes auteurs (« seuil d’affiliation ») :
Le montant de la cotisation obligatoire est égal à 0
cotisation facultative :

  • possibilité d’opter pour une cotisation volontaire dans le régime de retraite complémentaire comprise entre le plancher forfaitaire à 4% du seuil et le plafond correspondant à 48 points
Revenu < 8 649 € (seuil 2015)
Cotisation obligatoire RAAP = 0 €
345,96 € (4% du seuil) < Cotisation facultative < 3 504 € (48 x valeur du point)

2/ Seuil d’affiliation < REVENU < plafond SS (tranche A)

Artistes auteurs ayant des revenus supérieurs au seuil et inférieurs au plafond de la sécurité sociale :

  • cotisation proportionnelle obligatoire dans le régime de retraite complémentaire avec un plancher forfaitaire minimum à 4% du seuil d’affiliation.
  • possibilité d’opter pour une cotisation volontaire complémentaire dans la limite du plafond correspondant à 48 points.
8 649 € < Revenu < 38 040 € (références 2015)
Cotisation obligatoire RAAP (1ère année de changement) = 345,96 € (4% du seuil) ou 2% du revenu
Si R = 10 000 €, 2% de 10 000 = 200 < 345,96€, le montant dû est le montant forfaitaire de 345,96€.
Si R = 20 000 €, 2% de 20 000 = 400 > 345,96€, le montant dû est le montant proportionnel de 400€.
Si R = 30 000 €, 2% de 30 000 = 600 > 345,96€, le montant dû est le montant proportionnel de 600€.
La dernière année de la phase transitoire la cotisation obligatoire est doublée.
Cotisation facultative complémentaire < 3 504 € (48 x valeur du point)

3/ 1 plafond SS < REVENU < 4 plafonds SS (tranche B)

Artistes auteurs ayant des revenus compris entre le plafond de la sécurité sociale et 4 fois ce plafond :

  • cotisation proportionnelle obligatoire dans le régime de retraite complémentaire.
  • possibilité d’opter pour une cotisation volontaire complémentaire dans la limite du plafond correspondant à 48 points.
38 040 € < Revenu < 152 160 € (références 2015)
Cotisation RAAP (1ère année de changement) = 2% sur tranche A et 4% sur tranche B
Si R = 100 000 €, le montant proportionné dû est : (38 040 x 2%) + (61 960 x 4%) soit 3 239,20 €.
La dernière année de la phase transitoire la cotisation obligatoire est doublée.
Cotisation facultative complémentaire < 3 504 € (48 x valeur du point)

4/ 4 plafonds SS < REVENU < 8 plafonds SS (tranche C)

Artistes auteurs ayant des revenus compris entre 4 et 8 fois le plafond de la sécurité sociale :

  • cotisation proportionnelle obligatoire dans le régime de retraite complémentaire.
  • possibilité d’opter pour une cotisation volontaire complémentaire dans la limite du plafond correspondant à 48 points réglée
152 160 € < Revenu < 304 320€ (références 2015)
Cotisation RAAP (1ère année de changement) 2% sur tranche A, 4% sur tranche B et 10% sur tranche C
Si R = 200 000 €, le montant proportionnel dû est : (38 040 x 2%) + (118 120 x 4%)+ (47 840 x 10%) soit 10 109,60 €.
La dernière année de la phase transitoire, la cotisation obligatoire est doublée.
Cotisation facultative complémentaire < 3 504 € (48 x valeur du point)

Nota Bene : le revenu est ici entendu comme le revenu réel de l’artiste-auteur, notamment pour les déclarants en BNC, l’assiette de cotisation au RAAP doit être le BNC effectif (et non un BNC majoré).

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