SOMMAIRE DU N° 32
- Rapport sur le droit de suite et la protection sociale des artistes plasticiens :
- dispositif actuel du droit de suite ;
- le flou total du marché de l’art ;
- les données chiffrées du régime social des artistes ;
- les données chiffrées de l‘application du droit de suite ;
- Les positions du CAAP sur le droit de suite.
- Comprendre la politique du ministère : extrait de rapport sur le CICV.
- OUF ! La situation de l’association La Maison des Artistes.
EDITO
DROIT DE SUITE
Le rapport sur « le droit de suite et la protection sociale des artistes plasticiens » de M. Serge Kancel et de M. Michel Raymond s’ouvre sur le rappel de « l’image fondatrice : ce dessin de Forain représentant deux enfants miséreux contemplant un tableau exposé à la salle des ventes et s’écriant : « tiens, un tableau de papa ! ». Ou encore sur la citation du marchand Ambroise Vollard se félicitant d’avoir « fait fortune en dormant ». Il rappelle ainsi la vocation sociale de ce droit afin que les plasticiens – et pas seulement leurs ayants droits – tirent profit des ventes successives de leurs œuvres.
Associant un droit d’auteur et la protection sociale des artistes, ce rapport déborde largement la mise en œuvre de la directive européenne « relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre originale ». Il met au jour une somme de non dits, aussi bien sur l’opacité du marché de l’art que sur les dysfonctionnements de la protection sociale des artistes ou encore sur des dossiers, tel que celui de la formation continue, sur lesquels la délégation aux arts
plastiques s’est assoupie.
Le rapport répète ainsi plusieurs fois qu’il n’y a pas « de données fiables » sur le chiffre
d’affaires des galeries d’art en France et que « le marché de l’art est probablement le sous-secteur de la culture qui est le moins connu économiquement » – à tel point qu’on peut se demander sur quelles bases une sociologue comme Raymonde Moulin, citée dans le milieu de l’art contemporain en permanence comme référence, puisse progresser dans ses brillantes analyses du marché ! Un marché opaque, pour lequel, dit la mission, il n’existe « aucune étude exhaustive et aucun système d’indicateurs ». Il faut espérer que l’application du droit de suite, en donnant une visibilité au parcours marchand des œuvres, permette d’évaluer avec plus de précision le poids économique de ce marché.
La mission recommande d’ailleurs de lancer « un véritable travail d’étude économique sur ce secteur ». Etude qui devrait être également menée sur la situation des artistes, dont le marché trop souvent médiatisé cache la précarité. Elle reprendrait ainsi la tentative avortée à cause de l’absence de volonté politique de la Délégation aux Arts Plastiques d’une étude qui devait être effectuée il y a plusieurs années à la demande des organisations professionnelles des artistes.
Sur la protection sociale des plasticiens, le rapport pointe un certain nombre de dysfonctionnements, et particulièrement les effets négatifs du décalage de 18 mois entre la perception des revenus et le versement des cotisations dues au titre de ces revenus. Ce décalage provoque l’absence de couverture sociale la première année d’activité, puis en cours de carrière des difficultés de paiement des cotisations dues aux variations brutales des revenus, et enfin une absence de validation des dernières cotisations versées (jusqu’à 6 trimestres) pour le calcul des retraites. Il rappelle aussi l’absence de couverture pour les maladies professionnelles et les accidents du travail.
C’est d’ailleurs à ce propos qu’il plaide pour qu’une part collective du droit de suite soit perçue dans le cadre d’une mutualisation financière au profit de l’extension de la couverture sociale des artistes et/ ou pour financer la formation continue.
Si le droit de suite à une vocation sociale, il faut rappeler que cette vocation ne sera réalisée que si les héritiers (ayant droits) acceptent de céder une part du droit de suite pour financer des avancées sociales pour les artistes vivants. Autrement, on sera face à cette figure obscène que résumait lapidairement une artiste : « cela ne coûte rien d’aider les morts ! ».
Le CAAP