STATUTS SSAA : UNE ATTEINTE À LA LIBERTÉ ASSOCIATIVE ET UNE GOUVERNANCE BICÉPHALE ABERRANTE

1/ Une convocation à l’AG reçue par tous les membres du CA

Pour mémoire, « l’assemblée générale » de l’AGESSA était composée de 8 « membres fondateurs et actifs » : SGDL, SACD, SACEM, SNE, UPC, Radio France, SNAC et UPP. Les statuts de la SSAA signés le 15 décembre 2022 (voir pdf ci-dessous) sont ceux de l’AGESSA sous son nouveau nom (SSAA), ils ont été modifiés et votés uniquement par ces 8 entités…

Le 2 novembre 2023, les membres du conseil d’administration de la SSAA reçoivent un mail de convocation à l’assemblée générale de la SSAA fixée au 28 novembre 2023.

SSAA-convocation-AG-28-11-2023

Cette convocation découle des articles 6 et 8 des statuts de l’association SSAA (anciennement dénommée AGESSA) :

« Article 8 : composition de l’assemblée générale
Tous les membres de l’Association participent à l’Assemblée générale avec voix délibératives à l’exception des personnes invitées avec voix consultative au Conseil. Ces dernières sont également invitées à l’Assemblée générale mais ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et ne participent pas aux votes.
Toute personne morale souhaitant être membre de l’Assemblée générale doit en faire la demande écrite au Président.
Cette demande devra être présentée en séance et pour être acceptée, devra recueillir la majorité des deux-tiers des membres présents ou représentés de l’Assemblée.
 »

« Article 6 : membres de l’association
Sont membres de l’Association :
1. Les membres suivants, fondateurs et actifs de l’association au 31/12/21 : la Société des Gens de Lettres (S.G.D.L), la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (S.A.C.D), la Société des Auteurs Compositeurs et Éditeurs de Musique (S.A.C.E.M), Le Syndicat National de L’Edition (S.N.E), la Fédération de la Production Cinématographique Française (F.N.C.F) devenue L’Union des Producteurs de Cinéma (UPC) ; Radio France, Le Syndicat National des Auteurs et des compositeurs (SNAC), l’Union des Photographes créateurs (UPC) devenue L’Union des Photographes Professionnels (UPP).

2. Les membres du Conseil d’Administration ayant voix délibérative, désignés par arrêté conjoint du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de la sécurité sociale en application de l’article R382-8 du Code de la sécurité sociale ou tout autre texte qui se substituerait à, ou compléterait cet article.
3. Toute personne morale dont la demande d’admission aura été acceptée selon Les dispositions prévues à l’article 8.
Étant entendu qu’un membre appartenant à La catégorie de membres fondateurs et actifs de l’Association et à la catégorie de membres du Conseil d’administration désignés par arrêté conjoint du ministre chargé de La culture et du ministre chargé de la sécurité sociale, dispose d’une seule voix en Assemblée générale.
 »

2/ Des dispositions qui violent la liberté d’association

Ces dispositions, décidées par 2 OGC (SACEM ET SACD), 3 « diffuseurs » (exploitants des œuvres) et 3 organisations d’artistes-auteurs (SGDL, UPP et SNAC) dont un seul syndicat (le SNAC), violent la liberté associative à un double titre.

D’une part, ces statuts imposent aux organisations membres du conseil d’administration de l’organisme agréé d’être « membres de l’association » SSAA (ex-AGESSA) et, par ricochet, d’être convoqués à l’AG de la SSAA. Or cette adhésion obligatoire à la SSAA méconnaît le principe de la liberté d’association, qui implique la liberté de ne pas s’associer ; principe garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Nul ne peut contraindre une personne morale ou physique à adhérer à une association, l’adhésion par définition est nécessairement un acte volontaire de la personne concernée.

D’autre part, ces statuts portent atteinte à la liberté et à l’indépendance de l’association SSAA elle-même en imposant d’inviter à son assemblée générale des représentants de l’État, notamment les ministères de tutelle qui ont agréé et qui financent l’organisme, ainsi que des salariés de l’organisme, agréé pour gérer la protection sociale des artistes-auteurs et autrices. La présence de salariés payés par le budget de la sécurité sociale relève d’une forme de détournement de fonds. La présence des représentants de l’État dans l’AG d’une association 1901 constitue une ingérence et une atteinte à la liberté de l’association. Peu importe que ces personnes, objectivement extérieures à l’association, assistent sans voix délibérative à l’AG de l’association. Leur simple présence constitue une ingérence abusive.

Soyons clairs : le CAAP n’a jamais adhéré à l’association AGESSA (aujourd’hui SSAA) et ne le fera pas. Nous refusons de faire « comme si » nous avions « adhéré » à l’AGESSA (qui a fait subir tant de graves préjudices aux artistes-auteurs et autrices pendant plus de 40 ans).
Par conséquent et par cohérence, le CAAP n’assiste pas aux assemblées générales de l’association SSAA.

3/ Le « relevé de décision » de l’AG du 2 novembre 2023

Les services administratifs de l’organisme agréé ont adressé le « relevé de décisions » de l’AG le 19 décembre 2023 (voir pdf ci-dessous).

Relevé-Décisions-AG-28-11-2023_signé

Commentaires :

Cependant que le CA, seule instance décisionnaire en ce qui concerne la protection sociale des artistes-auteurs et autrices, a passé plus d’un an à ne faire que s’auto-distribuer des postes, l’AG est visiblement dans le même état d’esprit : il s’agissait principalement d’élire la présidence.
Le président précédent (de la SACEM) de l’association AGESSA introduit la séance d’AG en se réjouissant qu’elle « marque la mise en place de la nouvelle configuration des instances de gouvernance du nouvel organisme de sécurité sociale des artistes-auteurs  » et remercie les ministères de tutelles de leur « soutien tout au long de cette opération de rapprochement de l’AGESSA et de la MDA ».
Ce storytelling made in AGESSA relève des fakenews. Comme nous l’avons déjà vu précédemment, en réalité, il n’y a pas de « nouvel organisme », ni de « rapprochement entre l’AGESSA et la MDA », la SSAA est simplement l’AGESSA sous un nouveau nom.

En toute confusion, le directeur de l’organisme agréé, dont ce n’est nullement le travail, participe activement à l’organisation du vote pour élire la présidence de l’AG. L’unique candidate, ô surprise, est élue …

Ensuite l’AG « vote sur la candidature de la maison des artistes en qualité de membre de l’assemblée générale » et décide de refuser à la MDA de siéger dans l’AG de la SSAA… qui est supposée découler d’un « rapprochement de l’AGESSA et de la MDA ». Aucune motivation du vote n’est précisée. La lettre de candidature n’est pas jointe au relevé de décision.
Ainsi le storytelling made in AGESSA a ses limites. Dans ce grand bal des dupes, il est exclu de faire une place à l’association MDA.

Enfin, dans les « questions diverses », confondant les deux « instances de gouvernance » de la SSAA (AG et CA), le représentant de la Ligue des auteurs professionnels propose la création d’un « observatoire de la santé et du moral des artistes-auteurs ». La présidente de l’AG « indique que cette question est tout à fait importante », cependant que le président du CA «  indique par ailleurs qu’elle figure à l’ordre du jour du prochain conseil prévu le 14/12/2023 ».

4/ Une gouvernance bicéphale aberrante

Deux « instances de gouvernance », deux présidences, la confusion bat son plein à la SSAA !

Aux termes des articles R. 382-8 à R. 382-15 du code de la sécurité sociale et de l’article L382-1 du même code (« Chaque organisme agréé est administré par un conseil d’administration comprenant des représentants des artistes-auteurs affiliés et des représentants des diffuseurs ainsi que des représentants de l’État »), le conseil d’administration est la seule instance légitime en matière de sécurité sociale notamment depuis la réforme du régime par la loi du 18 janvier 1994.

L’association MDA, qui était agréée jusqu’en décembre 2022, avait dû revoir son mode de fonctionnement suite à la réforme de 1994 donnant exclusivement au CA la compétence en matière de sécurité sociale des artistes-auteurs et autrices (au CA, et non à l’AG, ni au bureau). Ainsi, au final, la gestion relative à la sécurité sociale des artistes-auteurs (CA) et la gestion des activités associatives (AG) ont été clairement dissociées à la MDA.

Bien que les dispositions légales aient toujours été exactement identiques pour les deux organismes agréés (AGESSA et MDA), les ministères de tutelles n’ont jamais veillé à ce que l’AGESSA applique le code de la sécurité sociale.

Ainsi à la SSAA (alias l’AGESSA) l’ingérence de l’AG en matière de sécurité sociale est une vieille habitude de violation de la loi qui perdure depuis longtemps. La « séparation de l’église et de l’État », si on peut dire, n’a pas eu lieu à l’AGESSA. Les statuts de l’association SSAA ne respectent pas le code de la sécurité sociale.

À l’AGESSA, il y a toujours eu deux présidents, l’un de l’AG, l’autre du CA.
Les auteurs du rapport IGAS-IGAS de 2013 constataient déjà : « De toute évidence, deux légitimités, deux structures, deux présidents… ne sont pas une source d’efficacité, mais génèrent un risque de conflits et de contestations permanents au sein d’un même organisme ».

Pour que l’organisme soit fonctionnel, les prérogatives de ces deux instances de gouvernance, CA et AG, devraient être parfaitement distinctes. Or, cela n’a jamais été le cas, elles se chevauchent. Elles sont en concurrence de légitimité. Par exemple, l’approbation des comptes annuels de l’organisme de sécurité sociale et le montant des budgets prévisionnels de fonctionnement entièrement financés sur le budget de la sécurité sociale, relèvent exclusivement du CA et du droit de la sécurité sociale. Mais les statuts de la SSAA — d’hier et d’aujourd’hui — attribuent aussi cette compétence à l’AG. Ainsi l’AG de l’association « entend » les rapports du CA (comme si ce dernier lui était subordonné) et approuve les comptes… spécifiquement dédiés à la gestion relative à la sécurité sociale. Le budget de l’association de droit privé n’est pas distinct de celui attribué au CA par la sécurité sociale. Les statuts de 2005 prévoyaient la résolution des conflits contenus en germe entre AG et CA, ce n’est même plus le cas dans les statuts actuels. Que se passe-t-il si une instance approuve les comptes et l’autre non ?
Cette vieille organisation bicéphale est aussi illicite qu’irrationnelle.