FISCALITÉ DES AA : LA DÉROGATION « TS »

1/ La nature juridique des rémunérations des artistes-auteurs et autrices (AA)

«  Sont qualifiées de professions libérales, les professions dans lesquelles l’activité intellectuelle joue le principal rôle et qui consistent en la pratique personnelle d’une science ou d’un art.
Leurs titulaires exercent leur activité en toute indépendance – ce qui les distingue des salariés – et leurs biens et actes sont, en principe, régis par le droit civil, ce qui les distingue des commerçants.
… Sans que cette énumération puisse être considérée comme limitative, on peut citer au nombre des professions libérales celles de médecin, dentiste, chirurgien, vétérinaire, sage-femme, infirmière, masseur-kinésithérapeute, architecte, avocat, professeur libre, homme de lettres, artiste (peintre, sculpteur, compositeur, etc.), géomètre-expert, expert-comptable, ingénieur-conseil, mandataire agréé près les tribunaux de commerce, commissaire aux comptes
. » (cf BOI-BNC-CHAMP-10-10-10).
En conséquence, leurs rémunérations relèvent par nature de la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC).

Juridiquement, les rémunérations des AA sont par nature des revenus non commerciaux.

2/ La dérogation « TS »

« En principe, dès lors qu’ils relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux, les produits de droits d’auteur doivent être soumis à l’impôt sur le revenu selon les modalités d’imposition propres à ladite catégorie, c’est-à-dire selon les règles édictées par le 1 de l’article 93 du code général des impôts (CGI). » (cf BOI-BNC-SECT-20-10-10).

Les rémunérations des AA sont des BNC, par principe, ces rémunérations (droits d’auteur inclus) sont donc imposables dans la catégorie des BNC.

Toutefois, des dispositions particulières, dérogeant à ce principe, sont prévues au 1 quater de l’article 93 du CGI : certains BNC — les droits d’auteur déclarés aux impôts par les éditeurs, les producteurs et les OGC (EPO) — sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires (TS), sauf si l’AA opte pour déclarer ces droits d’auteur en BNC (donc opte pour le régime de droit commun applicable à la catégorie des revenus non commerciaux).

« Lorsqu’ils sont intégralement déclarés par les tiers, les produits de droits d’auteur, perçus par les auteurs d’œuvres de l’esprit mentionnées à l’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle, sont soumis à l’impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires.
En outre, ces mêmes produits, passibles de la TVA, relèvent de plein droit du régime de la retenue prévu par l’article 285 bis du CGI, sauf renoncement de leurs bénéficiaires à ce dispositif.
 » cf BOI-BNC-SECT-20-10-10 et cf BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-30).

Remarque : Même lorsqu’ils déclarés en TS, les droits d’auteurs conservent leur nature juridique de revenus non commerciaux (BNC).
« Les dispositions du 1 quater de l’article 93 du CGI ont pour objet de rapprocher les modalités d’imposition des revenus non salariaux (lorsque leur montant est connu avec certitude) de celles appliquées aux revenus salariaux.
Mais, ce rapprochement n’a nullement pour effet de conférer aux revenus en cause le caractère de salaires.
Aussi, nonobstant le régime fiscal auquel ils sont soumis, les produits de droits d’auteur perçus par les auteurs d’œuvres de l’esprit, conservent leur caractère de revenus non commerciaux
. » (cf BOI-BNC-SECT-20-10-10).

L’administration fiscale précise « les auteurs qui éditent eux-mêmes leurs propres œuvres sont, en tout état de cause, exclus du régime spécial (BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-20 au I-C-2 § 80). » Les produits de l’autoédition sont donc imposables en BNC, et non en TS.

Elle précise également que : « Le régime prévu au 1 quater de l’article 93 du CGI ne concerne qu’une catégorie précise de recettes : celles provenant de droits d’auteurs intégralement déclarés par des tiers. Les autres revenus demeurent imposables dans les conditions de droit commun… ».

Cette condition impérative exclut du régime spécial TS :

  • Toutes les rémunérations des AA qui ne sont pas juridiquement des droits d’auteur : produits des ventes d’œuvres originales, produits des ventes d’autoédition, bourses et aides, produits de financement participatifs, honoraires de création d’œuvres, honoraires relatifs aux ateliers de pratiques artistiques, etc.
  • Les droits d’auteurs versés par des débiteurs qui ne sont pas légalement tenus de déclarer intégralement ces montants aux impôts.

L’administration fiscale précise :

« Les produits de droits d’auteur comprennent, notamment :

  • les sommes perçues à l’occasion de la cession forfaitaire d’une œuvre ;
  • les produits, éventuellement proportionnels aux recettes, provenant de la vente ou de l’exploitation d’une œuvre ;
  • les primes d’inédit rémunérant un droit exclusif d’exploitation de l’œuvre ;
  • les prix académiques (cf. toutefois BOI-BNC-BASE-20-20-II-E-4-§740) ;
  • les avances forfaitaires (à valoir ou non sur les droits futurs) perçues des maisons d’éditions.
    Les avances consenties par un éditeur à un écrivain, lorsqu’elles ont, eu égard aux stipulations contractuelles, le caractère non pas de simples prêts, mais celui d’un paiement anticipé de droits d’auteur, constituent des recettes professionnelles imposables au titre de
    l’année au cours de laquelle elles ont été perçues.
     » (cf BOI-BNC-SECT-20-10-10).

3/ La condition sine qua non de la dérogation « TS »

L’objet de la dérogation TS dite « régime spécial » est « de rapprocher les modalités d’imposition des revenus non salariaux (lorsque leur montant est connu avec certitude) de celles appliquées aux revenus salariaux. »

L’administration fiscale précise : « Pratiquement, l’application du régime spécial implique donc :

  • que les débiteurs ou la partie versante soient légalement tenus de déclarer les droits en cause à l’administration fiscale ;
  • qu’ils aient effectivement satisfait à cette obligation.

En ce qui concerne la déclaration des droits par le débiteur ou la partie versante, il appartient au service de s’assurer que l’obligation légale est effectivement et exactement remplie. » (cf BOI-BNC-SECT-20-10-20).

Ainsi ne peuvent être déclarés en TS que les montants exacts déjà connus de l’administration fiscale via les tiers déclarants (EPO), à l’instar des salaires déjà déclarés par les employeurs.

La condition sine qua non de la dérogation TS est que les montants de droits d’auteur versés soit connus avec certitude et exactitude par les services des impôts.
Or, curieusement, aujourd’hui ces montants ne sont pas pré-remplis par l’administration fiscale dans la déclaration d’impôt comme le sont les salaires.

Dans un souci de simplification et de fiabilisation, nous demandons que les montants des droits d’auteur effectivement déclarés fiscalement par les tiers (EPO) soient pré-remplis dans le formulaire 2042 de déclaration d’impôts.

4/ Quelques incidences de la dérogation « TS »

Incidence du TS sur le montant des impôts des AA

L’imposition en TS permet de minorer les impôts des AA qui perçoivent de la part des EPO des droits d’auteur annuels supérieurs ou égaux à 72 600 € (seuil du micro-BNC). En effet, l’article 1 quater de l’article 93 du CGI précise : « La déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels, prévue au 3° de l’article 83, s’applique au montant brut des droits perçus diminué des cotisations payées au titre des régimes obligatoire et complémentaire obligatoire de sécurité sociale.  » En conséquence, dès lors que les recettes sont supérieures au seuil du micro-BNC avec des frais réels proportionnellement faibles, il est préférable de bénéficier de la déduction forfaitaire de 10 % offerte par le TS plutôt que de déclarer en BNC aux frais réels, le micro-BNC n’étant plus possible.

Mais un très faible nombre d’AA dépasse le seuil du micro-BNC (actuellement à 72 600 €).
Globalement on sait que moins de 10 % des AA perçoivent des revenus supérieurs au plafond annuel de sécurité sociale (actuellement à 41 136 €).

Ainsi, l’imposition en TS — plutôt qu’en micro-BNC (donc avec une déduction forfaitaire de 34 % pour frais professionnels) — est fiscalement et socialement désavantageuse pour l’immense majorité des AA.

Incidences du TS sur les obligations administratives des EPO

  • Les éditeurs, producteurs ou organismes de gestion collective (EPO) doivent déclarer à l’administration fiscale le montant exact des droits d’auteurs qu’ils versent aux AA, comme le font les employeurs pour les salariés ;
  • Les EPO doivent retenir la TVA à la source (article 285 bis du CGI), sauf renonciation formelle de l’AA ;
  • Les EPO doivent verser les droits d’auteur dus sans qu’il soit nécessaire pour les artistes-auteurs d’établir une facture (les EPO doivent fournir un relevé de droits d’auteur) ;
  • Les EPO doivent préciser sur leur relevé de droits annuel le montant imposable des droits d’auteur (ce montant est différent de la somme effectivement versée) ;
  • Les EPO doivent précompter les cotisations sociales des artistes-auteurs et les reverser à l’Urssaf Limousin (sauf si l’AA a opté pour une déclaration en BNC donc dispose d’une dispense de précompte) ;
  • Les EPO doivent fournir aux AA précomptés un certificat de précompte social (document opposable pour valider les droits sociaux comme l’est une fiche de paie)
  • Les éditeurs et les producteurs qui versent des droits d’auteur à titre commercial doivent payer la « contribution diffuseur » à l’Urssaf Limousin.

À ces conditions, les droits d’auteur versés par les EPO sont connus des impôts et peuvent être « rapprochés » des revenus salariaux donc imposables dans le « régime spécial » dérogatoire TS.

Les artistes-auteurs qui perçoivent exclusivement ce type de revenu sont dispensés d’avoir un numéro de SIRET donc ne peuvent pas établir de facture. La dispense de déclaration d’activité auprès du centre de formalité des entreprises est également une disposition dérogatoire.
NB : Toute rémunération qui nécessite une facture, donc un numéro de SIRET, est obligatoirement déclarée en BNC (micro-BNC ou déclaration contrôlée) par l’AA.