LA FRANCE EST LE PAYS AU MONDE QUI SOUTIENT LE MOINS SA PROPRE SCÈNE ARTISTIQUE

(2ème partie)

La commission Culture du Sénat a proposé au CAAP de contribuer à la table ronde "Attractivité et compétitivité juridiques du marché de l’art français" qui s’est tenue le 7 mars 2018. En effet, en matière d’art parmi les représentants des professionnels, il importe tout particulièrement que ceux qui s’occupent de l’art n’occultent jamais ceux qui le font. Le compte-rendu de la table ronde et la contribution écrite du CAAP sont en ligne sur le site du Sénat.

Nota bene :

  • Par "art contemporain", nous entendons les œuvres produites par les artistes vivants.
  • Par "scène artistique française", nous entendons l’ensemble des artistes qui vivent et travaillent en France, quels que soient leur pays d’origine, leur sexe, leur médium de prédilection. Les artistes-auteurs concernés sont ceux des arts visuels (arts plastiques, graphiques, photographiques...).

• LA FRANCE EST LE PAYS AU MONDE QUI SOUTIENT LE MOINS SA PROPRE SCÈNE ARTISTIQUE

Dès lors comment s’étonner que les autres pays ne s’intéressent guère à des artistes et des œuvres que leur propre pays ne juge pas bon de valoriser lui-même ? Pour ne prendre qu’un exemple d’actualité, la rétrospective actuelle à Beaubourg de César (1921-1998), célèbre à 35 ans, intervient 20 ans après sa mort tandis qu’un artiste américain comme Franck Stella a bénéficié d’une rétrospective au MOMA à l’âge de trente ans...

La France est un pays qui se voudrait exportateur mais qui ne soutient pas ses producteurs. Or il est certain que la défense des artistes de son propre pays passe tout d’abord par la valorisation et la présentation qui est faite de leur œuvre au niveau national.

Quelle place les institutions culturelles françaises accordent-elles dans leurs expositions à la scène artistique française ? Quelle part d’œuvres issues de la scène artistique française dans les collections des "gros collectionneurs" français, comme messieurs Pinault et Arnault ? Dans les galeries françaises ? Dans les ventes aux enchères des opérateurs français ? Combien d’œuvres produites en France dans le Fonds national d’art contemporain ?

D’une manière générale, les politiques publiques de monstration et d’acquisition (FNAC, FRAC, Musées, etc.) s’enorgueillissent de leur grande ouverture à la scène artistique internationale. Ce qui signifie en l’occurrence consacrer une part conséquente de leurs budgets à la monstration ou à l’achat d’œuvres mainstream produites hors de France. Ce faisant, ces politiques publiques confortent elles-mêmes une forme de hiérarchisation internationale dans laquelle la France est marginalisée.

Réciproquement quelles institutions culturelles étrangères achètent des œuvres produites par des artistes qui travaillent en France ? Quelles institutions culturelles étrangères invitent des artistes de la scène française ? Quelles institutions culturelles étrangères présentent des œuvres de la scène française ?

Que fait la France pour favoriser la mobilité internationale des artistes qui vivent en France et/ou des œuvres produites en France ? Quasiment rien, contrairement aux autres pays qui aident les artistes à sortir de leurs frontières et à exporter leurs œuvres. Et pourtant la France dispose de réseaux culturels bien ancrés partout dans le monde.

Le CNAP (centre national des arts plastiques) veille à traduire ses ressources en anglais mais ne recherche, ni ne traduit les appels d’offres internationaux qui pourraient intéresser les artistes qui vivent en France.

En matière de politique internationale, finalement, la France se focalise sur une politique à sens unique de monstration et d’importation d’œuvres venues d’ailleurs, nullement compensée par une politique volontariste d’exportation. Ce faisant, elle se contente le plus souvent d’entériner passivement les hiérarchies du marché spéculatif international (qui par nature est suiveur, non novateur) ; au lieu de veiller à redevenir un berceau novateur de l’art, donc un terreau fertile pour la création, un vivier créatif recherché.

Car un pays qui a l’ambition d’être exportateur doit d’abord être producteur. Or force est de constater que la France n’est plus le pays d’accueil des artistes qu’elle a été au siècle dernier, elle fait de moins en moins partie de la carte des destinations de prédilection des artistes. Il convient d’interroger cette perte d’attractivité fondamentale, si l’on veut réellement que la France retrouve une place motrice dans la dynamique de l’histoire de l’art d’aujourd’hui.

Comment un pays qui "se tire constamment une balle dans le pied" peut-il s’étonner de ne pas briller internationalement ? Il conviendrait de relancer en France l’offre intérieure d’art contemporain et d’en développer l’exportation.

• LA FRANCE, UN PAYS QUI MÉCONNAIT ET NE SOUTIENT PAS SES "PETITS" COLLECTIONNEURS.

Nous nous étonnons que Régine Hatchondo, Cheffe de la DGCA ait pu affirmer le 7 mars : "En France, nous avons plutôt de très gros collectionneurs, qui ont de très grosses fondations ...", cependant qu’il y aurait en Belgique "de nombreux petits collectionneurs, qui aiment acquérir pour de petits montants des œuvres d’artistes belges qu’ils exposent chez eux". Confondre inexistence et invisibilité faute d’observation et de données chiffrées est un travers récurrent des décideurs publics.

Seuls producteurs, les artistes vivants sont aussi les premiers vendeurs du marché de l’art. Les ventes directes des artistes - en France mais aussi à l’étranger, à des particuliers mais aussi à des personnes morales publiques ou privées - sont les plus nombreuses mais aussi les plus invisibles du marché faute d’observation ou d’étude. Pourtant, la première source de revenu d’un plasticien est bien le produit de la vente de ses œuvres et ses revenus sont déclarés socialement et fiscalement chaque année. Des ressources existent donc pour construire des données.

Quels sont en France le nombre et le montant annuel des transactions faites par les artistes eux-mêmes ? Quelle répartition dans le revenu d’un artiste entre ventes à particuliers, achats publics et ventes via un intermédiaire professionnel ? Quelle répartition entre ventes de peintures, sculptures, vidéos, installations, photos, illustrations, planches originales de BD, etc. ? Quels pourcentages d’artistes passent par des intermédiaires pour la commercialisation de leurs œuvres et dans quelle proportion ? Parmi les dizaines de milliers d’artistes qui travaillent en France, combien collaborent avec des galeries ? Quels sont les taux de commissions pratiqués ? Combien d’artistes voient certaines de leurs œuvres passer en ventes aux enchères ? Etc.

En l’absence de données, on sait toutefois qu’en regard du nombre d’artistes (entre 60.000 et 100.000), les galeries en France sont peu nombreuses (quelques centaines) et qu’elles sont essentiellement concentrées en région parisienne. Les ventes directes ne sont nullement négligeables si l’on s’intéresse à l’exhaustivité du marché de l’art en France.

En France, comme ailleurs, il existe des amateurs d’art qui achètent directement aux artistes. Plutôt que de préjuger de l’inexistence des "petits collectionneurs", il conviendrait de favoriser leur essor, de les encourager, y compris fiscalement, à condition toutefois de fixer un plafond, le but n’étant pas à nos yeux de favoriser les achats spéculatifs, ni la défiscalisation des personnes les plus fortunées.

"Normalement" le gain attendu de l’achat d’une œuvre d’art est une satisfaction esthétique. De la fréquentation quotidienne d’une œuvre résulte des bénéfices que la finance ignore.

Par ailleurs qu’est-ce qu’un "petit montant" ? Quels sont en France aujourd’hui le prix moyen et le prix médian des œuvres d’art qui se vendent effectivement ? Selon toutes probabilités, on observerait certainement, à l’instar des revenus des artistes, une répartition asymétrique et des écarts importants, mais au final la moyenne, et plus encore la médiane, sont certainement nettement inférieures à 10.000€ (donc sous le seuil du droit de suite qu’il conviendrait de revoir...). Mais là non plus, pas d’observation, ni d’étude qui corrigeraient dans l’esprit du quidam les effets illusoires, voire pervers, des records de prix de vente sans cesse affichés par les médias. "Une œuvre d’art, c’est cher", voilà une idée reçue, qui entretient un entre soi sociologique préjudiciable tant à la création qu’au marché de l’art non spéculatif.

L’art, ce n’est pas du luxe ! Laisser croire encore et toujours que seules des personnes fortunées achètent de l’art n’est pas seulement une erreur d’analyse mais une faute politique conséquente. La grande majorité des œuvres d’art contemporaines se vendent quelques milliers d’euros. Le frein à l’achat d’une œuvre est plus psychologique que financier. En réalité il n’existe pas un "marché de l’art" mais bien plusieurs dont les enjeux et les règles n’ont pas de commune mesure.

Il conviendrait de relancer en France la demande intérieure d’art contemporain en réorientant la politique de défiscalisation vers le plus grand nombre plutôt que vers quelques milliardaires et entreprises qui multiplient les montages sophistiqués pour minimiser leurs impôts (entre 2004 et 2017, l’exonération fiscale attribuée aux "entreprises mécènes" est passée de 90 à 990 millions d’euros, cette politique publique coûte cher au contribuable sans effet notoire pour la scène artistique française).

• IL MANQUE EN FRANCE UN GRAND FESTIVAL INTERNATIONAL D’ART CONTEMPORAIN

Alors qu’il existe des rendez-vous annuels attendus et populaires comme le Festival international de la Bande Dessinée à Angoulême ou les Rencontres internationale de la photo à Arles, il n’existe aucune manifestation équivalente spécifique aux arts plastiques. Les foires commerciales, comme la FIAC, exposent des marchands, elles ne jouent pas ce rôle. La plupart des salons d’artistes ont périclité, alors qu’ils tenaient un rôle central dans la capitale au siècle dernier. Le Palais de Tokyo [1] et/ou une ville de région pourrait accueillir une telle manifestation intergénérationnelle qui serait, elle aussi, susceptible de relancer la demande intérieure et extérieure de la scène française d’art contemporain.

Il manque aussi en France une base de donnée publique en ligne qui constituerait un répertoire complet des artistes de la scène français.

• UNE POLITIQUE PUBLIQUE DES ARTS VISUELS A REPENSER ET A RELANCER

Quel soutien les pouvoirs publics accordent-ils réellement aux arts plastiques ? Ce domaine fait-il l’objet d’une attention, d’une analyse et d’un soutien marqué ? La faiblesse de l’attention et du soutien accordé aux arts visuels par rapport aux autres secteurs artistiques existe dans l’action de la France à l’étranger, mais aussi dans notre pays même : il suffit de regarder chaque année la répartition du budget de la Culture. Le manque d’études, d’analyses et de données chiffrées dans ce domaine constitue un sérieux handicap pour toute politique publique.

Quid du rapport sur la situation des arts visuels prévu par loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine promulguée le 7 juillet 2016 ? L’article 45 de la LCAP dispose : « Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur la situation des arts visuels en termes d’économie, d’emploi, de structuration et de dialogue social ». À notre connaissance, début 2017, un rapport a bien été produit par la DGCA et transmis au gouvernement. Mais à ce jour, il n’a été communiqué ni aux parlementaires, ni aux professionnels (i.e. les représentants des auteurs des arts visuels et les représentants des diffuseurs d’art visuels qui, de surcroît, n’ont pas été consultés en amont de sa rédaction). Pourquoi cette rétention d’information ?

Il y a presque 40 ans, partant de deux constats : "la déconsidération généralisée à l’égard des arts plastiques, y compris par rapport aux autres secteurs culturels" et "les arts plastiques sont le secteur culturel où la décentralisation et la régionalisation sont les moins avancées" et de deux écueils : " l’officialité et le corporatisme", l’objectif affiché de la politique publique menée dans les années 80 était “de favoriser un développement plus libre de l’activité artistique, de préparer aussi bien les meilleures conditions d’une liberté de création pour les artistes que celles d’une meilleure liberté d’appréciation pour le public.” selon les mots de Michel Troche [2]. Jack Lang estimait au cours d’une conférence de presse [3] : "les arts plastiques constituent le secteur culturel le plus sinistré" . Un plan de relance fût mis en œuvre. Un important dispositif institutionnel déconcentré en matière d’art contemporain (FRAC, DRAC, etc.) a effectivement été mis en place à cette époque qui a également vu la création de la Délégation aux Arts Plastiques [4].

Cette politique des années 80 a considérablement modifié le paysage artistique en France, notamment en termes de nouveaux intermédiaires institutionnels. Mais elle n’a jamais été évaluée, ni surtout réactualisée à l’aune de ses ambitions initiales qui concernaient à la fois les artistes, l’incitation à la création, la formation, la diffusion, les relations avec le public, la recherche...

Aujourd’hui, force est de constater que la déconsidération généralisée des arts plastiques est toujours d’actualité et qu’in fine les deux écueils mentionnés dans les années 80 ont été pleinement atteints contrairement aux objectifs. Le secteur des arts plastiques est toujours le secteur culturel le plus sinistré et l’éternel parent pauvre des politiques culturelles publiques (internationale, nationale et régionale).

À cet égard, les discours d’autosatisfaction régulièrement tenus par les représentants du ministère de la culture qui se succèdent sont éminemment contre-productifs (pourquoi améliorer ce qui serait déjà parfait ?)

À propos "d’officialité", que Mme Régine Hatchondo, cheffe de la Direction générale de la création artistique (DGCA), ait évoqué lors de la table ronde des "commandes d’œuvres auprès d’artistes labellisés par l’État" est à la fois signifiant et consternant. Faut-il rappeler ici que la réputation d’un art officiel en France est un facteur aggravant pour sa propre scène notamment sur le marché international ? Faut-il rappeler aussi qu’en art, il n’appartient pas à l’État d’avoir la prétention de discerner "le bon grain de l’ivraie", ni "d’arbitrer les élégances esthétiques" mais de créer les conditions d’un environnement économique, social et juridique propice au développement de la création artistique dans toute sa diversité ainsi qu’à sa réception par un large public ?

Le domaine des arts visuels est de facto laissé en jachère par la puissance publique, le peu de mesures prises ces dernières décennies (dont l’évaluation fait toujours défaut) constituent l’exception qui confirme la règle. Les arts visuels restent un impensé et un angle mort de politiques publiques.

Force est de constater que les choix politiques du passé n’ont pas permis l’émergence, ni la mise en lumière de la richesse et de la diversité de la création en France, c’est-à-dire de la diversité des artistes, des parcours artistiques et des œuvres ; ni de la diversification des publics ; ni d’une dynamisation de son marché de l’art ; ni d’un développement de données, d’analyses et d’évaluations qui nourriraient une recherche pourtant indispensable à toute décision politique conséquente.

• UN PAYS QUI NE MANQUE PAS D’ATOUTS MAJEURS MAIS QUI PEINE A LES FAIRE PROSPERER

  • Un dispositif institutionnel unique au monde (DRAC, FRAC, etc.) à préserver mais à réorienter. Il convient de mieux penser le rôle de l’État en matière de création artistique. En particulier et pour ne plus alimenter la suspicion d’art officiel, il convient que les agents de l’État (inspecteurs à la création, conseillers arts plastiques, etc.) cessent réellement de peser sur les choix artistiques et se recentrent sur leurs missions de service public : favoriser la création dans sa diversité, faciliter la mise en œuvre les droits culturels, œuvrer à la diversification des publics, favoriser l’accès du plus grand nombre aux œuvres, accompagner la structuration et la mise en réseaux des acteurs professionnels (notamment artistes et diffuseurs), etc. Les agents de l’État n’ont pas vocation à se substituer aux professionnels, ni à jouer les "experts en art" mais à se positionner en facilitateurs. À ce sujet, il conviendrait de revoir la composition et les modalités de désignation de l’ensemble des commissions décisionnaires.
  • Un pays riche en collectifs d’artistes actifs et innovants
    L’auto-organisation des artistes en vue d’exposer leurs œuvres au public relève d’une longue tradition qui remonte à la création en 1648 du Salon (de l’Académie royale de peinture et de sculpture devenu Salon de l’Académie des Beaux-Arts à la révolution française) puis à l’histoire mouvementée des divers Salons autonomes créés par les artistes à partir de 1881.

Aujourd’hui de nombreux collectifs, associations d’artistes, pépinières, galeries associatives, friches et autres "lieux intermédiaires" organisent des expositions un peu partout en France. Premiers diffuseurs de l’art en France, ils irriguent l’ensemble du territoire, ils forgent la richesse et la diversité de l’art. Les amateurs d’art fréquentent ces lieux conviviaux dans lesquels ils découvrent des artistes et achètent - souvent pour la première fois - des œuvres.
Ces collectifs d’artistes créent et gèrent également des ateliers, des espaces coopératifs, des lieux mutualisés de production, d’édition, de résidences, etc. Dans ces lieux, hors des sentiers battus, s’inventent au quotidien des formes d’art, de diffusion de l’art, de médiation de l’art, de transmission de l’art...
Leurs initiatives novatrices et expérimentales n’ont cessé de se multiplier depuis plus de 20 ans, mais ces acteurs essentiels restent sous-médiatisés, sous-financés, sous-étudiés... À ce jour ils ne sont même pas répertoriés par les pouvoirs publics. Si leur fédération (la FRAAP) est aujourd’hui un interlocuteur incontournable des pouvoirs publics, les associations et collectifs d’artistes qu’elle représente n’en demeurent pas moins dans des situations de précarité préjudiciables à la création elle-même. En revanche à Berlin, Bruxelles ou Québec, les espaces gérés par des collectifs d’artistes sont soutenus et valorisés.

  • Vitaliser le marché de l’art, c’est nécessairement agir pour dynamiser l’offre (des artistes) et la demande (des amateurs d’art).
    Or par un étrange paradigme, les pouvoirs publics s’imaginent depuis longtemps faire "d’une pierre deux coups" en privilégiant exclusivement le soutien aux intermédiaires.
    Comme si favoriser les diffuseurs et les commerçants favorisaient les producteurs.
    Comme si favoriser les gros collectionneurs favorisait les petits.
    Dans tous les PLF annuels plus de 95% du budget des arts visuels est dédié aux diffuseurs, publics ou privés, tandis que l’aide aux artistes représente annuellement 0,65% des crédits déconcentrés du secteur.

Il conviendrait donc non seulement d’augmenter significativement le budget public dédié aux arts visuels mais aussi de revoir la répartition des crédits alloués respectivement aux artistes et aux diffuseurs.

• L’URGENTE NÉCESSITÉ DE LA CRÉATION DU CONSEIL NATIONAL DES PROFESSIONS DES ARTS VISUELS (CNPAV)

Nous remercions Marion Papillon, d’avoir rappelé au cours des échanges du 7 mars 2018 que "nous sommes nombreux à souhaiter, depuis de longues années, la création d’un Conseil national des arts visuels". Au nom des artistes, nous confirmons ce souhait partagé.

L’absence d’une instance de dialogue avec l’ensemble des professionnels, notamment les artistes-auteurs et leurs diffuseurs est en soi significative du peu d’importance accordée aux arts visuels par les gouvernements français. Un secteur qui n’est pas une "industrie culturelle" comme le livre ou le cinéma mais qui, selon le dernier panorama de l’économie de la culture et de la création en France, arrive en tête des secteurs culturels en termes de revenus générés dans l’économie française (21,4 milliards) et en termes d’emplois (313.800 emplois générés). « La création contemporaine, dans le secteur des arts visuels, représente un secteur économique à forte valeur ajoutée, porteur d’innovations, de créativité, d’emplois et d’attractivité. De surcroît, la création est un vecteur essentiel d’émancipation individuelle et collective, et de cohésion sociale. » affirme à juste titre le ministère de la culture dans le dernier PLF. Mais au-delà des mots, force est de constater que nul ne tire réellement les conséquences de l’importance des arts visuels en France, ni de ses premiers professionnels que sont les artistes eux-mêmes. Toute l’économie de l’art se fait à la fois grâce et au détriment des artistes. À ce jour rien ne vient enrayer le sous-financement chronique du secteur, le manque de données, la carence de régulation, le partage inéquitable de la valeur au sein de l’économie de l’art, etc.

Agir pour que la France redevienne un pays où il fait bon créer est un vaste programme qui reste à co-construire. Car envisager un véritable plan de relance et de soutien aux arts visuels est finalement la seule solution pour enrayer le déficit d’attractivité de la France en matière artistique qui préoccupe à juste titre le Sénat.