L’info Noir/blanc n° 11

SOMMAIRE DU N° 11

  • Comité des galeries d’art. Un code de déontologie, monument de non-dits et d’approximations, et leur conception du statut de l’artiste.
  • Génération-artiste : Qui sommes-nous et comment nous voient-ils ? Quelques perles en provenance directe de l’ANPE et de l’ANCE.
  • ASS : les rappels nécessaires. Des précisions ... et nos lettres adressées à Martine Aubry, ministre du Travail et de la solidarité ainsi qu’au directeur général de l’Unedic, M. Chertier.
  • Les sociétés de portage Une solution provisoire ?
  • Épinglages
  • Les écoles d’art. Suite … Un petit retour sur la commission Imbert et l’école de Cambrai.
  • Le Caap. Organisation professionnelle ! Fac·similé d’une lettre de Monsieur David Cameo.

EDITO

La grande vadrouille

Ce sont de petits morceaux qui, mis bout à bout nous permettent de constituer une belle histoire. un scénario au conditionnel, comme il se doit une pure fiction, il va de soi…

Acte 1 - L’Aile ou la cuisse

Supposons, par exemple, qu’en 1997 la commission de l’une des Directions régionales des affaires culturelles (Drac), n’ait pas accordé d’aide à la création. Non pas par manque de crédits ou à cause d’un défaut de fonctionnement administratif, mais parce qu’elle en aurait pris la décision, tout simplement, en arguant du fait qu’aucun des projets qui lui étaient présentés ne méritait d’être soutenu. Le fait serait déjà suffisamment rare, sinon unique, pour mériter notre attention.

À priori, on pourrait naturellement regretter que l’argent qui était destiné à aider des artistes n’ait pas été distribué. On le regretterait d’autant plus que l’on sait parfaitement à quel point il est difficile pour beaucoup d’entre eux de réunir les fonds nécessaires à la réalisation de leurs projets. Néanmoins, une fois dépassé le stade de la lamentation et de la critique acerbe, certes légitime mais toutefois très convenue aujourd’hui vis-à-vis de l’Institution, il est fort rassurant de constater qu’à travers une telle décision, ces commissions soient encore capables d’émettre un véritable jugement critique et de l’assumer. Ce serait en fait leur légitimité qu’elles affirmeraient ainsi, et cela serait d’autant plus remarquable que l’ensemble de la politique de soutien aux artistes est régulièrement remis en question de manière particulièrement démagogique par divers courants réactionnaires.

Donc, d’un côté, l’amer constat que des moyens pourtant nécessaires n’aient pas été attribués, ce qui est par principe toujours regrettable ; de l’autre, la satisfaction de voir que ces commissions, quoi qu’en disent certains, sont encore capables de discernement et demeurent souveraines ce qui, au fond, est plutôt rassurant ...

Acte II - le Troisième homme

À présent, faisons intervenir un nouveau personnage. Il s’agirait de l’un des artistes postulant, par ailleurs grand pourfendeur de l’Institution sur la place de Paris (mais le milieu de l’art n’en serait pas a une contradiction près ?!) qui, n’appréciant pas du tout d’être recalé au premier tour, déciderait d’attaquer l’Institution devant les tribunaux.

Pour cela, rien de plus simple, car notre Institution a une caractéristique originale, qui finira probablement par lui être fatale un jour si elle n’y prend pas garde, c’est une propension à tendre volontiers le bâton avec lequel elle va se faire battre. Je m’explique.

Le règlement prévoit qu’en cas de non attribution des sommes allouées, soit organisé un nouvel appel à candidature, ce que l’Institution se serait abstenue de faire.

Découvrant ce vice de forme dans les procédures, l’artiste, un tantinet revanchard, déciderait alors de s’y engouffrer et d’attaquer l’Institution devant les tribunaux administratifs.

Acte III - L’Impasse

La question qui se pose à présent est la suivante : Le tribunal n’étant pas compétent pour juger de la bonne ou de la mauvaise qualité d’un projet ou d’un travail plastique, on voit mal comment il pourrait condamner l’Institution à attribuer une bourse à cet artiste. Tout au plus peut-on imaginer que parmi les sanctions prononcées figure l’obligation d’organiser un second appel à candidature. Mais dans ce cas, l’artiste en question serait bien naïf de penser que la commission va lui attribuer une aide (pour service rendu peut être ?).

Acte IV- L’Arnaque

Où l’on apprendrait que cet artiste aurait, entre temps, fait une autre demande d’aide auprès du ministère de la Culture. On devinerait alors aisément la nature des négociations auxquelles se prêteraient nos protagonistes. L’Institution emmêlée dans ses contradictions et l’artiste fort ambitieux et opportuniste négociant l’attribution d’une aide en échange du retrait de la plainte auprès du tribunal administratif.

Epilogue - La migration des lemmings

Si l’on pouvait appliquer au milieu de l’art un principe qui consisterait à évaluer la maturité d’un système biologique à sa capacité de générer des réactions aberrantes lorsqu’il se trouve en danger, nul doute que l’on constaterait aujourd’hui que le milieu de l’art est parvenu à son âge de raison.

(Naturellement toute ressemblance avec des personnes ou des faits existants ou ayant existé serait une pure coïncidence.)