RETRAITE COMPLEMENTAIRE DES ARTISTES AUTEURS (16)

LE RAAP ZAPPE LA CONCERTATION ET PASSE EN FORCE. LA GRANDE MAJORITE DES ORGANISATIONS SYNDICALES S’OPPOSENT A « L’USINE A GAZ » INSPIREE DE LA CIPAV QUI A ETE VOTEE PAR LE RAAP LE 24 SEPTEMBRE

1/ La réunion du 4 septembre une réunion de "concertation" transformée en réunion de "présentation"

La convocation précisait effectivement "réunion de présentation" et non "réunion de concertation". Un signe avant-coureur plus que signifiant …

La lettre du 24 juillet 2015 (voir pdf 1 en fin d’article) des directeurs de cabinet des ministères de la culture et des affaires sociales précisait que le « calendrier … ne doit pas s’opposer » à « garantir une large acceptabilité ». Encore faut-il pour « garantir une large acceptabilité » que l’occasion soit donnée de discuter collectivement des paramètres de la réforme dans des réunions organisées à cet effet !

Les points qui auraient du faire débat portent notamment :

  • Sur le ou les taux (fixe ou variable par tranches de revenu)
  • Sur la durée de la période transitoire
  • Sur la faculté de cotisation volontaire complémentaire
  • Sur le seuil plancher de cotisation obligatoire
  • Sur le seuil plafond de cotisation obligatoire

Or plutôt que d’aborder ces points pour en débattre et rechercher un consensus, le 4 septembre, le CA du RAAP a fait pendant plus de deux heures la présentation d’une étude d’une vingtaine de pages (voir pdf 2 en fin d’article) qui - faute d’être basée sur une analyse sérieuse de la répartition du revenu des artistes-auteurs - fait des projections d’une fiabilité douteuse sur 30 ans avec des conclusions qui ne dépassent guère les lapalissades (plus on cotise, plus la pension est élevée, par exemple …). Une étude qui peine clairement à atteindre l’objectif fixé en sous-main par le RAAP : démontrer la "supériorité" du 8%.

Puis a été commandé un tour de table demandant à chacun se positionner - sans discussion préalable - sur la proposition du RAAP présentée le 20 juillet (voir pdf 2 en fin d’article) en l’absence de la majorité des syndicats. L’heure tournant, quand le dernier participant s’est exprimé une bonne partie des autres était déjà partie …

Malgré cette nouvelle manœuvre grossière, seule une infime minorité des présents, généralement membres du CA du RAAP, s’est déclarée favorable au « bricolage » du 20 juillet présenté comme une « alternative » à la proposition intersyndicale alors que cette dernière n’a pour sa part jamais été débattue ou analysée.

En l’absence évidente de blanc-seing sur cette proposition « alternative », à la question «  que votera le CA du RAAP le 24 septembre ? » Frédéric Buxin, Président du RAAP et de l’IRCEC a répondu "le CA du RAAP prendra ses responsabilités ! ".

2/ le CA du RAAP du 24 septembre décide – sans surprise – de passer en force

Au lieu de voter la poursuite de la concertation qui n’a commencé que le 1er juillet 2015, le conseil d’administration du RAAP a choisit la pire solution en votant le 24 septembre à l’unanimité moins une voix un taux uniforme à 8% par défaut. Avant le 1er juillet, le RAAP a reçu les structures une à une pour leur « vendre » le taux à 8%, donc sans possibilité d’échanges de points de vue, sans possibilité d’entendre d’autre « son de cloche » que celle du RAAP, notamment la proposition de l’intersyndicale qui au final à ce jour n’a jamais été présentée. La concertation avec le RAAP est donc ainsi close avant même d’avoir véritablement commencée, puisque la réunion du 1er juillet aura finalement été la première et la dernière réunion de concertation organisée par le RAAP.

Une réforme votée le matin et mise en ligne dès l’après-midi ! Autant dire que tout était joué d’avance. Sur son site l’IRCEC affiche comme un « compromis », le résultat d’une manipulation éhontée en guise de concertation. Un « compromis » nécessite l’accord des parties, la décision du RAAP est unilatérale.

Si les ministères entérinaient ce vote, la collecte passerait en 4 ans de 20 à 70 millions ! Et d’où viendraient les 40 millions de différence ? Essentiellement de la poche des auteurs d’arts visuels (seuls concernés par le taux plein de 8%) mais aussi des autres auteurs qui auraient également l’occasion de s’en mordre les doigts ...

3/ Le courrier des organisations professionnelles aux deux ministres (culture et affaires sociales)

Suite à ce vote scandaleux, les organisations professionnelles ont envoyé un courrier aux ministères en date du 26 septembre.

« Madame la Ministre,

Par un courrier du 24 juillet 2015 adressé au Président du RAAP et de l’IRCEC, Frédéric Buxin, vous avez enjoint le RAAP à «  finaliser cette réforme afin que le pouvoir réglementaire soit en mesure de la sécuriser pleinement sur le plan juridique par le biais des arrêtés nécessaires, et ce avant la fin de l’année 2015. Ce calendrier désormais extrêmement contraint ne doit toutefois pas s’opposer à ce que les réflexions mises en avant lors de la vaste concertation conduite récemment soient prises en compte dans la fixation des paramètres afin de garantir une large acceptabilité de la réforme.  »

Votre courrier nous a été communiqué par le RAAP le 31 août 2015.

Les termes de ce courrier appellent deux remarques de notre part.

S’agissant des délais pour prendre les mesures réglementaires découlant de la réforme, nous remarquons que votre courrier vient contredire la parole de Monsieur Lepetit, représentant de la Direction de la sécurité sociale présent à la première réunion de concertation du 1er juillet 2015, et qui avait précisé qu’il n’y avait pas de caractère impératif à faire des modifications réglementaires avant la fin de l’année 2015. De fait, qui pourrait croire que l’Europe est actuellement focalisée sur le caractère optionnel du régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs français au point qu’il faille prendre des mesures dans la précipitation et ce, au détriment de toute réflexion approfondie avec les acteurs concernés ? Nous avons donc été surpris de votre désaveu ainsi que de la tournure pressante et dramatisante de votre courrier.

Cependant et c’est heureux, vous avez précisé : «  Ce calendrier désormais extrêmement contraint ne doit toutefois pas s’opposer à ce que les réflexions mises en avant lors de la vaste concertation conduite récemment soient prises en compte dans la fixation des paramètres afin de garantir une large acceptabilité de la réforme. ». Nous prenons donc acte que vous avez en soin de conditionner la réforme et son calendrier à une large acceptabilité. Nous vous en remercions.

Par la présente, nous vous informons que les conditions d’une « large acceptabilité » de la réforme ne sont nullement réunies à ce jour.

Pour votre bonne information, une synthèse de la situation et de son historique récent nous semble aujourd’hui indispensable.

Après la première réunion de concertation du 1er juillet 2015 au cours de laquelle aucun consensus ne s’est dégagé, le RAAP a décidé de convoquer une seconde réunion le 20 juillet. Vingt organisations en ont demandé le report par courrier le 7 juillet, en vain. Cette réunion imposée dite de « synthèse » s’est tenue et le RAAP y a présenté une « alternative » à la « proposition intersyndicale », en l’absence des principaux concernés (les syndicats des arts visuels n’étant pas disponibles à cette période pour des raisons professionnelles connues de tous).

Une nouvelle réunion a été convoquée par le RAAP le 4 septembre 2015. Cette réunion, qui aurait dû être la seconde réunion de concertation, a été transformée en une réunion de présentation d’une étude actuarielle contestable faute de connaissance fine des revenus et fondée sur des hypothèses de modalités de cotisations non stabilisées puisqu’à ce stade aucune ne faisait l’objet d’un consensus. En effet, contrairement à ce qui a été demandé dans le courrier du 7 juillet par une large majorité des structures, les pistes envisagées le 1er juillet n’ont à ce jour jamais été approfondies par le RAAP en faisant varier les paramètres. Demande réitérée le 20 juillet notamment par le SELF, l’adaBD et l’AGRAF.

Il est toutefois ressorti de cette étude deux points notables. D’une part, en raison des 17 années de réserve accumulées par le RAAP, quel que soit le scénario retenu, aucun risque financier ne pèse à court terme sur le régime, et, d’autre part, le scénario soutenu par le RAAP vise à faire passer la collecte globale de 20 à 70 millions en 3 ou 4 ans.

Le RAAP a également présenté à cette réunion sa proposition « alternative » à celle de l’intersyndicale et demandé à chaque structure de se positionner sur cette « nouvelle » proposition. Quatre structures ont donné leur accord à cette « alternative » : un syndicat, l’AFD, représenté par la trésorière du Conseil d’administration du RAAP, deux associations, l’UPP et l’ATLF, également représentées par des membres du CA du RAAP, et une société d’auteurs, la SACD.

Les autres organisations ont, à part à peu près égale, soit réservé leur position dans l’attente d’en savoir plus sur la proposition « alternative » du RAAP et sur la proposition intersyndicale elle-même, soit se sont déclarées favorables au système de cotisation avec des taux progressifs par tranches de revenu avec des paramètres ouverts à la négociation pour aboutir à un consensus.

En ce début de concertation organisé par le RAAP, il est à la fois notable et regrettable que le principe soutenu par l’intersyndicale dès le 6 mars 2015 d’une cotisation avec des taux par tranches de revenu n’ait pas encore fait l’objet d’une présentation à tous. D’autant que spontanément certains représentants consultés confondent les pourcentages par tranches (donc qui s’appliquent à chaque tranche) avec l’application d’un pourcentage différent selon le niveau de revenu. Le second mode de calcul engendre des effets de seuil bien connus alors que le premier permet une progressivité du taux effectif.
Dans ce contexte, nous apprenons le 24 septembre 2015 que le CA du RAAP a voté sa proposition dite « alternative » ! Le projet de réforme voté est donc foncièrement identique à celui voté le 23 septembre 2013 : un taux uniforme de 8% à la charge des auteurs d’arts visuels (plasticiens, graphistes, photographes) et un taux uniforme réduit de 4% à la charge des auteurs des autres secteurs (livre, audiovisuel, musique), une période de transition déraisonnablement courte, comparée à ce qui a été adopté dans les autres régimes cités dans votre courrier (avocats, notaires, pharmaciens). Les quelques « aménagements » introduits à la marge ne changent rien à son caractère inacceptable.

Par la présente, les organisations signataires vous informent qu’elles sont fermement opposées aux modalités de réforme votées par le CA du RAAP le 24 septembre 2015. Inspirée par la CIPAV [1] , « l’usine à gaz » extrêmement contrainte votée par le RAAP ne répond pas du tout à la volonté majoritaire des auteurs et de leurs syndicats, tous secteurs confondus, de cotiser plus les bonnes années et moins les mauvaises avec un taux effectif progressif selon le revenu. En outre et en toute injustice, ces modalités portent plus particulièrement préjudice aux professionnels des arts visuels, seuls pleinement impactés par le taux uniforme à 8%.

Il n’est évidemment pas pensable que ceux qui représentent les auteurs ayant à leur charge un taux réduit de 4% puissent décider seuls et à la place de ceux qui représentent les auteurs qui auraient à leur charge un taux plein de 8% .

Non seulement la « large acceptabilité » à laquelle vous avez conditionné la promulgation des mesures réglementaires n’est pas garantie, mais le vote du CA du RAAP provoque aujourd’hui la vive colère de la grande majorité des syndicats d’artistes-auteurs, opposés à ce projet de réforme inique et irréfléchi.

C’est pourquoi nous vous demandons solennellement de respecter votre parole, donc de surseoir à toute disposition réglementaire et d’organiser vous-même en collaboration avec le ministère de la Culture une concertation digne de ce nom.

Les « aménagements » à la marge proposés par le RAAP ne sont pas le fruit d’un « compromis » mais le résultat d’une manipulation éhontée et d’un manque de réflexion.

Décidés dans la précipitation cet été, ces « aménagements » s’avèrent très rigides et posent de nombreux problèmes. Le plus surprenant est leur caractère optionnel. L’introduction d’une option à un taux réduit de 4% pour les artistes-auteurs ayant un revenu inférieur à un certain seuil est annoncée par le RAAP sur son site sans que soit précisée la durée de la période transitoire pendant laquelle l’option serait permise, ce qui peut laisser sous-entendre que cette option entre plusieurs taux serait permanente. Or, la suppression de tout caractère optionnel a été présentée par votre ministère comme une obligation juridique impérative et la cause même de la nécessité de réformer notre régime de retraite complémentaire en regard de la législation européenne.

Il a clairement été précisé à l’intersyndicale par le cabinet que la suppression de tout caractère optionnel était une condition sine qua non pour la légalité des futures modalités de cotisations. Nous avons pleinement tenu compte de cette contrainte première dans notre proposition intersyndicale. Et nous n’ignorons pas qu’aucun régime complémentaire, notamment « ceux des avocats, des notaires, ou encore des pharmaciens » cités en exemple dans votre courrier, n’a conservé d’option au-delà de la période transitoire.

Alors comment doit-on interpréter la présence à ce stade d’un choix optionnel entre deux taux (8 ou 4 %) dans « l’alternative » du RAAP à la proposition intersyndicale ? Cette option est-elle provisoire ou pérenne ? Les « règles du jeu » qui ont été données au RAAP et à l’intersyndicale sont-elles identiques ? Cette option récemment introduite par le RAAP et présentée comme pérenne, a-t-elle été approuvée par votre ministère ? La législation européenne permet-elle finalement une part d’optionnel dans les régimes de retraite complémentaire obligatoire de sécurité sociale ? Souffre-t-elle des exceptions dont nous n’aurions pas été informés au départ ? Le « risque juridique important » que vous mentionniez dans votre courrier peut-il s’avérer à ce stade négligeable devant l’urgence d’une réforme dont la cause s’avérerait finalement très relative ? Conserver des options permet-il ou non de «  sécuriser pleinement sur le plan juridique » notre unique régime de retraite complémentaire ?

Dans l’attente de vous lire prochainement, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération. »

Signataires :
AdaBD (Association des Auteurs de Bande Dessinée)
CAAP (Comité des Artistes Auteurs Plasticiens)
SELF (Syndicat des Ecrivains de Langue Française)
SMDA-CFDT (Solidarité Maison des Artistes)
SNAA-FO (Syndicat National des Artistes Auteurs)
SNAP-CGT (Syndicat National des Artistes Plasticiens)
SNP (Syndicat National des Photographes)
SNSP (Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens)
UNPI (Union Nationale des Peintres Illustrateurs)
USOPAV (Union des Syndicats et Organisations Professionnelles des Arts Visuels)

Documents à télécharger

pdf 1 Lettre ministère 2015-07-24
pdf 3 présentation réforme raap 4 septembre