Suite à l’accord interministériel entre les trois ministères de tutelle de l’AGESSA et de la MDA-sécu (ministères chargés de la culture, des affaires sociales et des comptes publics), l’indispensable réforme de notre régime social est enfin en marche ! La nécessité d’améliorer, de simplifier, de moderniser le fonctionnement du régime et de sécuriser le système de protection sociale des artistes auteurs relève de l’évidence. Les points de la concertation qui font dès maintenant consensus et qui nécessitent une modification législative devraient faire l’objet d’un amendement gouvernemental dans le projet de loi liberté de création, architecture et patrimoine. C’est une première phase, vu l’ampleur de la tâche, la réforme s’étalera nécessairement sur plusieurs années… Encore fallait-il commencer !
1/ UN MEME SUJET, UN MEME ORDRE DU JOUR, UN MEME DOCUMENT DE TRAVAIL, UNE MEME POPULATION CONCERNEE MAIS DEUX REUNIONS DISTINCTES VIA DEUX DIRECTIONS DU MINISTERE…
Le 21 avril 2015 s’est tenue la réunion pilotée par la DGCA (Direction Générale de la Création Artistique) à laquelle étaient conviés les représentants des artistes auteurs d’œuvres musicales et chorégraphiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques. Le compte-rendu intégral établi par la DGCA est en fin d’article.
Le 18 mai 2015 s’est tenue la réunion pilotée par la DGMIC (Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles) à laquelle était conviés les représentants des artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, audiovisuelles et cinématographiques. A ce jour, aucun compte-rendu ne nous a été communiqué par la DGMIC.
Il semble que ce dédoublement aberrant ne se poursuivra pas. Les réunions suivantes devraient réunir les deux directions du ministères et l’ensemble des organisations professionnelles des artistes-auteurs. Tant mieux ! L’organisation interne du ministère (en plusieurs Directions) ne justifie évidemment pas d’alourdir, de perturber et de fausser le processus de consultation avec l’ensemble des représentants des artistes-auteurs.
En revanche le ministère persiste dans ses erreurs de « casting » : absence de certaines organisations syndicales d’artistes-auteurs et présence de structures non syndicales comme les SPRD qui n’ont pas de mandat sur ces questions … (Voir notre article précédent )
2/ LE POINT SUR LE PROJET DE LOI LIBERTE DE CREATION, ARCHITECTURE ET PATRIMOINE : LES ARTISTES TOUJOURS AUX OUBLIETTES
- Rien de prévu pour les artistes-auteurs !
La ministre de la culture Fleur Pellerin a envoyé au Conseil d’Etat et au Conseil économique, social et environnemental (CESE) le projet de loi sur la liberté de création, l’architecture et la patrimoine, qui devrait être présenté dans le courant du mois de juin en Conseil des ministres, avant un examen parlementaire prévu pour l’automne.
Le texte intégral est en fin d’article, il contient quelques dispositions pour les artistes-interprètes mais aucune mesure pour les artistes-auteurs qui sont pourtant les plus mal lotis de tout le secteur de la création ! La déconsidération du gouvernement à l’égard des auteurs d’arts visuels laisse pantois. Une loi sur la création qui ne se préoccupe nullement des créateurs est une erreur politique grave. En toute aberration, c’est le moteur, le cœur, la base même de la création qui est négligé, occulté, méprisé.
- Seuls des amendements pourront pallier cette grave lacune dans la LCAP !
La mise en place des réformes indispensables, d’un cadre régulateur et de rémunérations reflétant équitablement l’apport des artistes-auteurs à la culture et à la création de valeur ne pourra être intégrée à la loi qu’a posteriori sous forme d’amendements ...
« La DGCA est ouverte à toute demande de concertation, notamment sur des projets d’amendement portés par certaines organisations professionnelles. » précise le compte-rendu du 21 avril. Une première réunion de travail constructive s’est effectivement tenue le 26 mai avec les organisations professionnelles. Voir les 9 premières propositions d’amendements dans cet article.
3/ LES PREMIERS POINTS CONSENSUELS SUR LA REFORME
Le « document de concertation » est en pdf à la fin de notre article précédent)
- CONDITIONS D’AFFILIATION, COTISATIONS ET OUVERTURE DES DROITS
Améliorer et conforter notre régime dans le régime général ? ou rester à l’identique ?
Telles étaient en résumé les deux options du document de concertation en matière d’affiliation. Nul ne s’étonnera donc que « l’ensemble des acteurs s’accorde sur une préférence pour l’option 1, sous réserve que lui soient attachés une réelle amélioration des droits pour les artistes auteurs et le maintien des spécificités du régime ».
Une des particularités du régime social spécifique des artistes-auteurs est d’être assimilé au régime général. Le renforcement du régime des artistes-auteurs au sein du droit commun des régimes de sécurité sociale par une meilleure cohérence avec le régime général permet une simplification et une amélioration du régime des artistes-auteurs.
- TOUS AFFILIES sans condition de revenu. « Quel que soit le niveau de revenu, les artistes auteurs seront affiliés (au sens d’une immatriculation) et leurs revenus seront assujettis aux cotisations et contributions de sécurité sociale du régime général. » : il s’agit en fait d’un changement de vocabulaire et de la suppression d’une terminologie qui porte à confusion. Les notions « d’affilies » (sous condition de revenu) et « d’assujettis » (si le revenu est en dessous du seuil dit « d’affiliation ») constituent jusqu’à présent une particularité peu compréhensible du régime des artistes-auteurs, source de nombreux quiproquos. Dans le régime de droit commun « être affilié » signifie simplement « être immatriculé ». A l’avenir les mots « affiliés » et « assujettis » auront enfin le même sens que dans le régime général.
- OUVERTURE DES DROITS AUX MEMES CONDITIONS QUE DANS LE REGIME GENERAL donc ABAISSEMENT DU SEUIL ANNUEL DE 900 VHMS (Valeur Moyenne Horaire du SMIC) A 600 VHMS. Dans le régime général, le seuil qui permet de valider 4 trimestres de retraite et le droit aux indemnités journalières est de 600 heures par an (ou 150 heures par trimestre). Il n’y a aucune raison d’imposer aux artistes-auteurs un seuil particulier d’ouverture des droits aux IJSS à hauteur de 900 VMHS comme c’est actuellement le cas. Cette discrimination préjudiciable n’a pas lieu d’être.
- OUVERTURE DES DROITS AU PRORATA DU REVENU ARTISTIQUE ANNUEL (en BNC ou en TS [1], le revenu est l’assiette des cotisations sociales). Par exemple, pour la retraite : 600 VHMS -> 4 trimestres, 450 VHMS -> 3 trimestres, 300 VHMS -> 2 trimestres, 150 VHMS -> 1 trimestre. C’est actuellement le cas à la MDA-SS mais pas à l’AGESSA.
- POSSIBILITE POUR TOUS DE SURCOTISER SUR UN FORFAIT VOLONTAIRE POUR VALIDER DES DROITS (droit aux indemnités journalières, au congé maternité, validation de trimestres retraite). Cette disposition maintient et renforce une des spécificités fondamentales du régime des artistes-auteurs qui découle du caractère particulièrement irrégulier et dissocié des revenus artistiques, contrairement aux revenus des salariés et des professions appliquées de type classique. Cette disposition permet notamment à ceux dont l’activité artistique est l’activité principale de ne pas se retrouver, un jour ou l’autre, dans une situation d’insécurité sociale faute d’un revenu annuel suffisant. Le premier devoir de ce régime est de protéger socialement ceux qui n’ont pas ou peu d’autre couverture. Actuellement les artistes-auteurs dont le revenu annuel n’atteint pas 900 VHMS ont la possibilité de demander leur « affiliation à titre dérogatoire », la commission professionnelle après examen délibère sur ces demandes. A l’avenir, il suffira d’opter pour cotiser sur le forfait de 900 VHMS pour valider les droits sociaux afférents.
- PRISE EN CHARGE DES COTISATIONS PAR LA COMMISSION D’ACTION SOCIALE sous condition de ressource et de professionnalité. Actuellement la possibilité de prise en charge, partielle ou totale, des cotisations concerne les « affiliés à titre dérogatoire » dont les cotisations sont appelées sur une assiette forfaitaire supérieure à leur revenu effectif, 13% d’entre eux font appel à la commission d’action sociale.
- AGREGATION DES REVENUS ARTISTIQUES ET SALARIAUX POUR L’OUVERTURE DES DROITS A LA SECURITE SOCIALE (droits aux prestations en espèces et droit à la retraite).
- SUPPRESSION DES PRATIQUES ILLEGALES DE L’AGESSA RELATIVES AUX COTISATIONS VIEILLESSE. L’AGESSA n’appelle pas les cotisations vieillesse aux « assujettis non affiliés » (96% de ses ressortissants) et les cotisations prélevées par les diffuseurs ou les SPRD pour les « assujettis non affiliés » de l’AGESSA n’ouvrent aucun droit à ces derniers faute d’identification. Cette violation du code de sécurité sociale qui porte gravement préjudice aux artistes-auteurs devrait enfin cesser. TOUS LES ARTISTES-AUTEURS COTISERONT POUR LEUR RETRAITE. LA COTISATION VIEILLESSE SERA RECOUVREE PAR PRECOMPTE POUR LES DECLARANTS EN TS ET PAR APPEL POUR LES DECARANTS EN BNC. NB : Un précompte sans préjudice implique la mise en œuvre d’un remboursement rapide des éventuels trop-perçus et par un report au compte systématique.
- SIMPLICATION ET RATIONALISATION DES MODALITES DE COTISATION : APPEL DE COTISATION POUR LES BNC ET PRECOMPTE POUR LES TS. « Systématiser l’appel de cotisation pour les déclarants en BNC, et faire disparaître le précompte pour les déclarants en BNC dès la première année d’activité. » Le précompte est en effet parfaitement inadapté aux déclarants en BNC.
- SUPPRESSION DE LA MAJORATION DE L’ASSIETTE DE COTISATION SOCIALE AU PREJUDICE DES DECLARANTS EN BNC. Actuellement une majoration de 15% sans fondement est appliquée sur les BNC cependant que l’assiette de cotisation des TS est de 97% du revenu. Cette inégalité de traitement n’a pas lieu d’être.
4/ LES POINTS URGENTS SOULEVES MAIS NON SOLUTIONNES
- SUITE A L’INERTIE DES MINISTERES LA COMMISSION D’ACTION SOCIALE NE PEUT PLUS FONCTIONNER FAUTE DE FINANCEMENT. Le problème de sous-financement structurel de la CAS a été signalé aux ministères de tutelles depuis plus de 5 ans. Ces derniers ont laissé la situation se dégrader au point que le montant restant pour 2015 ne permettra même plus de faire face aux procédures simplifiées. Pour 2014, l’administrateur provisoire a validé les procédures simplifiées, en revanche la quasi-totalité des demandes d’aide qui sont normalement examinées par les membres de la commission ont reçu un refus. Pour ce faire, il a dû ponctionner le montant destiné à l’aide sociale de 2015 ! La suppression de l’aide sociale aux artistes-auteurs pour l’année 2015 est aussi inacceptable que scandaleuse. Le CAAP demande l’allocation d’un budget exceptionnel en attendant la résolution pérenne du problème. Au cours la réunion du 21 avril la DSS s’est engagée à trouver une solution. Qui survivra, verra …
- L’AGRAVATION DE LA SPOLIATION DES NON AFFILIES DE L’AGESSA EN BNC. En toute illégalité, l’AGESSA continue de refuser la dispense de précompte à ses « assujettis non affiliés ». Ce faisant elle aggrave chaque jour leur situation.
- L’ABSURDITE DU PRECOMPTE DES BNC LA PREMIERE ANNEE CONTINUE A LA MDA-sécu. Le précompte est non seulement imposé aux BNC la 1ère année mais aussi ré-imposé aux micro-BNC qui n’ont pas eu de recette une année et aux déficitaires en activité. La Direction de la MDA-sécu confond de plus en plus les non-cotisants ponctuels et les « cessations d’activité ». Elle expurge de ses fichiers les artistes-auteurs ayant des difficultés économiques et leur impose à nouveau le précompte quand ils redeviennent cotisants. En attendant ces non cotisants ponctuels ne reçoivent ni dispense de précompte, ni dossier annuel d’activité, ni attestation d’assujettissement annuel. Non seulement ils sont écartés de leur propre régime mais encore ces pratiques malveillantes les empêchent de postuler aux appels d’offre qui pourraient leur permettre de sortir de leur mauvaise passe (une attestation de l’organisme social est un prérequis normal des appels d’offre).
- LA REPARATION DES PREJUDICES CAUSES AUX ARTISTES-AUTEURS PAR L’AGESSA SOUS LA RESPONSABILITE DE L’ETAT EST TOUJOURS EN SUSPENS. Ce problème très grave est abordé dans le compte-rendu du 21 avril sous le doux euphémisme de « régularisation des cotisations prescrites ». Il appartient à l’Etat de prendre les mesures nécessaires à la réparation des préjudices subis sous sa responsabilité. Toujours aucune décision des cabinets à ce jour ! Le CAAP demande justice pour les « assujettis non affiliés » de l’AGESSA depuis des années. Voir notre dernier article à ce sujet. IL CONVIENT D’APURER LE PASSIF DE L’AGESSA AVANT LA CREATION D’UN NOUVEL ORGANISME COMMUN : LES CONDITIONS DE RACHAT DE TRIMESTRES RETRAITE ET DE REMBOURSEMENT DES TROP-PERCUS POUR LES DECLARANTS EN BNC DOIVENT ETRE NEGOCIER ENTRE L’ETAT ET LES ORGANISATIONS SYNDICALES DE TOUTE URGENCE.
5/ LES POINTS REPORTES DU DOCUMENT DE CONCERTATION
- La question du droit à la couverture « ACCIDENT DU TRAVAIL / MALADIE PROFESSIONNELLE » (AT/MP) reste entier, les artistes-auteurs en sont abusivement exclus en regard du régime général. Envisager qu’une telle couverture soit à la charge des artistes-auteurs eux-mêmes dans le contexte de précarité actuelle est écarté par les organisations professionnelles d’artistes-auteurs.
- LE CHAMP D’APPLICATION DU REGIME actuellement incohérent et insatisfaisant nécessite une vraie réflexion qui n’a pas été menée au sein du rapport sur le régime. Il en est de même des ACTIVITES DITES « ACCESSOIRES » qui sont de fait des ACTIVITES CONNEXES aux activités artistiques. La dernière circulaire n’est pas satisfaisante. Une réunion spécifique sur ces sujets est prévue le 10 juin. En revanche, l’élargissement du champ des diffuseurs prévu par la réforme fait d’emblée l’unanimité.
- Les ROLES respectifs à l’avenir de la COMMISSION D’ACTION SOCIALE et des COMMISSIONS PROFESSIONNELLES n’ont pas été clarifiés.
- LA MODERNISATION ET L’AMELIORATION DE LA GESTION ET DU SERVICE RENDU AUX ARTISTES-AUTEURS. La marge de progression existante est d’évidence énorme ! Quiconque a tenté de joindre par téléphone l’un des deux organismes le sait. Une réunion de présentation d’un schéma d’ordonnancement de la réforme et du nouveau système de gestion envisagé est prévue le 24 juin.