RÉFORME DU RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE DES ARTISTES AUTEURS

2ème épisode saison 1 : régime fiscal et régime social, état des lieux

1/ La législation en vigueur

Régime fiscal

La déclaration en Bénéfices Non Commerciaux (BNC) est le régime de droit commun applicable aux rémunérations artistiques.
Fiscalement, les professions dans lesquelles l’activité intellectuelle joue le principal rôle et qui consistent en la pratique personnelle d’un art sont qualifiées de professions libérales. Les artistes auteurs exercent leur activité en toute indépendance – ce qui les distingue des salariés – et leurs activités sont régis par le droit civil, ce qui les distingue des commerçants. C’est pourquoi les revenus provenant d’une activité artistique perçus par des personnes physiques sont imposés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux prévue à l’article 92 et suivants du CGI. La déclaration en BNC est le droit commun applicable aux rémunérations artistiques : cessions d’œuvres d’art originales (ventes d’œuvre) et exploitations des droits patrimoniaux (droits d’auteur).

Par dérogation à ce droit commun, l’article 93 -1 quater du code général des impôts impose la déclaration en traitements et salaires aux artistes auteurs dont les revenus sont exclusivement constitués de droits d’auteurs à condition que ces revenus soient aussi intégralement déclarés par des tiers (éditeurs, sociétés de perception et de répartition de droits et producteurs). L’artiste auteur concerné peut toutefois expressément opter pour le régime de droit commun : la déclaration en BNC.
Les cessions d’œuvres d’art originales (ventes d’œuvre) ne sont nullement visé par cet article. Les artistes auteurs qui vendent des œuvres originales restent soumis à l’impôt selon les règles prévues pour les revenus non commerciaux (BNC).
Pour plus de précisions cf article

Régime social

Les revenus servant de base au calcul des cotisations sociales dues au titre du régime des artistes auteurs sont constitués du montant brut des droits d’auteur lorsque ces derniers sont assimilés fiscalement à des traitements et salaires par le 1 quater de l’article 93 du code général des impôts. Ils sont constitués du montant des revenus imposables au titre des bénéfices non commerciaux majorés de 15 % lorsque cette assimilation n’est pas applicable.

Le revenu - donc l’assiette sociale - des artistes auteurs déclarés fiscalement en BNC est leur bénéfice et non le montant de leur chiffre d’affaire (montant des recettes).
Il en résulte clairement que le précompte (prélèvement à la source des cotisations sociales sur les recettes) est inadapté au cas des artistes auteurs en BNC. Le précompte d’un artiste auteur en BNC induit systématiquement « de manière provisionnelle » un montant qui doit être régularisé ultérieurement.

La législation en vigueur tient compte de cette évidence.

l’article R. 382-27 du code de la sécurité sociale : lien

L’arrêté du 17 mars 1995 pris en application de l’article R. 382-27 du code de la sécurité sociale et relatif aux revenus artistiques imposables au titre des bénéfices non commerciaux : lien

2/ Les pratiques actuelles dans les deux organismes

A la MDA-SS, les artistes auteurs sont précomptés (à l’exclusion de la cotisation vieillesse de 6,75%) la 1ère année en début d’activité quel que soit leur régime fiscal, ceux qui sont en BNC obtiennent théoriquement leur dispense de précompte l’année suivante dès réception par l’organisme d’une copie de leur avis d’imposition.

Dans la pratique, il arrive que la dispense de précompte ne soit fournie pour la 1ère fois à l’artiste auteur que plusieurs années après son début d’activité. Par ailleurs, chaque année des artistes auteurs ont les plus grandes difficultés à obtenir cette dispense de l’organisme malgré l’envoi de la copie de leur avis d’imposition. Cette application défaillante de la législation relève de l’anomalie.

Les inconvénients du précompte la première année :

  • Ce système freine les déclarations de début d’activité par ses complications inutiles. Bien souvent l’artiste est obligé d’expliquer à son diffuseur les causes et modalités du précompte alors qu’il est lui même novice. Certains diffuseurs sont particulièrement réticents et ne comprennent pas dans quel « engrenage » ils mettent le doigt. Cette double difficulté encourage le « travail au noir » (la non déclaration). Les revenus artistiques non cotisés socialement par des artistes auteurs et/ou des diffuseurs restent considérables, une simplification des déclarations de début d’activité est à envisager pour lever ce frein.
  • Ce système implique une avance de trésorerie de la part de l’artiste alors qu’il est en début d’activité donc à une période qui nécessite par nature des investissements pour le développement de son activité.
  • Ce système engendre une complexité et des coûts de gestion inutiles pour l’organisme collecteur qui doit régulariser le compte de l’artiste et appeler la cotisation vieillesse ultérieurement. Cette régularisation n’est pas simple, sachant que les revenus d’un artiste sont souvent « mixtes », certains revenus peuvent être précomptés, d’autres non. Par exemple, les particuliers qui achètent des œuvres sont nécessairement exonérés de précompte. Concrètement seuls une partie des diffuseurs ont l’obligation d’effectuer le précompte la 1ère année.
  • Le précompte ne s’applique pas :
    • en cas de rémunération versée par un particulier,

    • en cas d’honoraires rétrocédés par un confrère ou une consœur,
    • 
en cas de rémunération versée par un commerce d’art (galerie par exemple),

    • en cas de rémunération versée par une société résidant à l’étranger.
  • La régularisation implique que l’artiste auteur soit bien informé et fournisse l’année suivante à la MDA-SS l’original des certifications de précompte qui lui sont normalement remis par les « précompteurs ». Dans la pratique, les diffuseurs ne fournissent pas systématiquement le certificat de précompte nécessaire à cette régularisation. Or face à un refus, l’artiste auteur n’est pas en position d’obliger le diffuseur à lui fournir le certificat, sauf à être adhérent d’une organisation professionnelle bien informée [1] et sauf à entrer dans une relation conflictuelle avec le diffuseur, ce qui peut compromettre toute future collaboration. Les cas d’artistes auteurs ayant des difficultés à récupérer leurs certificats de précompte sont très courants.
  • L’artiste auteur doit penser à vérifier que le montant précompté a bien été déduit des cotisations qui lui sont appelées… 2 ans après. Sinon il lui appartient d’en faire la demande auprès de l’organisme voire de se déplacer sur place avec ses certificats pour régulariser la situation. Or chacun connaît les difficultés à joindre l’organisme par téléphone et le temps d’attente quand il doit se déplacer à Paris en désespoir de cause…
  • Ainsi l’artiste auteur paie automatiquement un montant de cotisations « à l’insu de son plein gré », en revanche la prise en considération du montant qui lui a été précompté n’est nullement automatique. La lourdeur des démarches pour obtenir gain de cause a posteriori porte exclusivement sur l’artiste auteur. A lui d’aller « à la pêche » aux certificats de précompte, etc.

A l’Agessa, les artistes auteurs affiliés en BNC sont dispensés de précompte dans les mêmes conditions que les cotisants de la MDA-SS. Les inconvénients et les difficultés attenantes à la régularisation du précompte effectué la 1ère année sont similaires.

Sachant que c’est le même organisme (MDA-SS ou Agessa) qui perçoit le montant précompté pour le compte de l’artiste auteur et qui appelle ultérieurement les cotisations sur la base du BNC réel, le fait que ces informations ne soient pas croisées pour donner lieu à un crédit automatique dénote une déficience du système en vigueur. A la MDA-SS, il est particulièrement incompréhensible que les déclarations trimestrielles des diffuseurs ne soient pas nominatives, les noms des artistes auteurs précomptés ne sont mentionnés mais sur un autre document : l’attestation annuelle récapitulative, attestation qui n’est pas systématiquement renvoyée par les diffuseurs, ni réclamée par l’organisme… En revanche, la procédure de l’Agessa est plus pertinente car les déclarations trimestrielles des diffuseurs doivent être accompagnées de la liste nominative des artistes auteurs précomptés. Néanmoins, l’Agessa ne croise pas non plus ses fichiers puisqu’elle exige aussi des artistes auteurs les certificats de précompte pour déduire les montants précomptés.

Les artistes auteurs non affilés de l’Agessa, pour leur part, sont systématiquement et éternellement précomptés (maladie, CSG, CRDS) quel que soit leur régime fiscal. Cela ne leur ouvre aucun droits sociaux. Ceux qui sont en BNC n’obtiennent pas de dispense de précompte en violation des dispositions du code de la sécurité sociale et de l’arrêté du 17 mars 1995 sus-mentionnées. La situation des assujettis précomptés en BNC n’est pas régularisée et les sommes versées à titre provisionnelle ne sont jamais régularisées.

Ainsi le précompte est indûment imposé aux cotisants non affiliés en BNC de l’Agessa, les trop perçus ne sont jamais remboursés.

3/ l’amélioration du régime

Ces difficultés ou dysfonctionnements devraient pouvoir être levés dans le cadre de la réforme du régime des artistes auteurs.

Pour cela le futur dispositif devra satisfaire à plusieurs exigences :

  • n’introduire aucune régression sociale donc ne porter préjudice à aucune catégorie d’artistes auteurs de la MDA-SS ou de l’Agessa
  • remédier aux dysfonctionnements de l’Agessa (notamment le problème des non cotisations vieillesse et celui des trop perçus des précomptés en BNC)
  • renforcer la cohérence entre régime fiscal et régime social
  • limiter les trop-perçus
  • croiser les comptes des diffuseurs et ceux des artistes auteurs
  • simplifier les démarches de début d’activité et les relations avec l’organisme
  • clarifier les règles de fonctionnement du régime
  • simplifier ce qui est inutilement compliqué dans le dispositif
  • rationnaliser les coûts de gestion notamment en minimisant les cas de régularisations (qui en matière de cotisations sociales doivent être l’exception et non la règle).