1/ En théorie les artistes-auteurs ont droit aux indemnités journalières de sécurité sociale et sont éligibles à l’arrêt de travail pour garde d’enfants dans le cadre de la crise sanitaire.
- Le régime social des artistes-auteurs est rattaché au régime général.
Les artistes-auteurs ont droit au versement d’indemnités journalières dès lors qu’ils cotisent à hauteur du seuil d’ouverture de tous les droits sociaux (900 SMIC horaire). Le calcul est effectué sur la dernière assiette sociale connue (2018). Les artistes-auteurs malades de la covid-19 auraient dû en bénéficier. La réalité est tout autre.
- Dans le cadre de la crise sanitaire et suite à la fermeture des écoles, le gouvernement a permis des arrêts de travail dérogatoires pour garde d’enfants.
Les indemnités journalières sont normalement versées par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) sans délai de carence, c’est-à-dire, à compter du 1er jour de l’arrêt (au lieu des 3 jours de carence applicables habituellement).
NB : Certaines crèches et établissements scolaires ont rouvert leurs portes à partir du 11 mai 2020. Il est laissé le choix aux parents de remettre ou non leurs enfants à l’école. La ministre du travail a annoncé lundi 4 mai 2020 qu’un parent qui ne veut pas remettre son enfant à l’école au mois de mai pourra continuer à bénéficier de l’arrêt de travail pour garde d’enfant.
Les artistes-auteurs ont droit à l’arrêt de travail pour garder leurs enfants.
Et, ô miracle ! une case « artiste-auteur » est même apparue dans le menu déroulant du formulaire du site ameli. Nous pouvions donc espérer que les sempiternels dialogues de sourds entre les artistes-auteurs et les CPAM prendraient fin. Que nenni !
2/ En pratique, une écrasante majorité des artistes-auteurs n’a pas perçu d’indemnités journalières !
Les témoignages des artistes-auteurs sont accablants. Ils ont affaire soit à l’incompétence de la grande majorité des CPAM, soit à la défaillance de l’Agessa qui ne répond pas à la CPAM.
Les artistes-auteurs atteints de la Covid-19 ont, pour la plupart, renoncé à demander les indemnités journalières auxquelles ils pouvaient prétendre. Pour faire valoir ses droits quand on est artiste-auteur, il faut en avoir la force et être pugnace car c’est un parcours du combattant. |
Ceux qui ont demandé à bénéficier de l’arrêt de travail dérogatoire pour garde d’enfants sont, dans leur immense majorité, confrontés à des difficultés sans fin :
— « J’ai déposé ma première demande le 16 mars… Après sept messages envoyés via le site ameli (parce qu’on m’a demandé deux fois une attestation de mon employeur pour ensuite me laisser sans réponse), l’administration m’a écrit ceci : "il nous manque à ce jour l’attestation de l’Agessa (la demande est en cours) pour pouvoir calculer le montant de vos indemnités." Donc j’ai envoyé un message à l’Agessa pour mendier cette attestation, au cas où la mystérieuse demande en cours se serait perdue. Je continue de croiser les doigts, même si je commence à trouver ça douloureux, depuis le temps. »
— « … aucune avancée depuis ma demande faite le 09 avril, juste un message m’informant que mon "dossier a été envoyé au service concerné" »
— « Déclaration facile, dès le 16 mars, prise en compte, mais pas d’autre réaction de leur part ensuite, et bien sûr, pas de versement des IJ. J’ai envoyé trois mails successifs, à quinze jours d’intervalle, précisant que j’étais artiste-auteur et demandant ce que je devais joindre comme justificatifs, et à qui. Trois personnes différentes m’ont répondu. Les deux premières que mon dossier était transmis au service compétent, et la troisième, que je devais demander à mon employeur de déclarer mes salaires sur net-entreprises. Je craque un peu. »
— « Pour ma part, ils me parlent du service expert... La question, c’est expert en quoi ?! »
— « Je suis affiliée à l’Agessa depuis longtemps. Je n’ai toujours aucune réponse, c’est à l’étude, ils attendent que l’Agessa veuille bien leur répondre, tout ça (demande faite le 16 mars, des échanges ubuesques, saisie de médiatrices 5 fois etc). Et, pour une autre période, j’ai alterné avec mon époux qui est travailleur indépendant, or il a reçu une réponse positive très rapidement (même leur façon de lui écrire a l’air plus gentille et respectueuse qu’avec moi). Et l’argent vient d’être viré sur le compte. Question : est-ce que la gentille CPAM (en se cachant derrière l’Agessa-notre-amour) ne prendrait tout simplement pas les AA pour des buses ? »
— « Aucune aide. Je leur écris 2 fois par semaine depuis mars. Ils mettent chaque fois 2 semaines pour me répondre... à côté de la plaque ! »
— « Demande faite dès le 17 mars, trois déclarations jusqu’au 18 mai. Des réponses ubuesques de la CPAM de Nice. J’ai envoyé mes trois derniers bilans, mes attestations, pas de réponses. J’ai saisi, grâce aux conseils du CAAP, la médiatrice, pas de réponse, relance, pas de réponse. Bon courage à tous ! Nous ne sommes pas des oubliés nous sommes des invisibles ! Prenez soin de vous et de votre créativité ! Tout ceci est humiliant ! »
— « Deux arrêts de travail déposés en ligne et aucune nouvelle ! »
— « Demande faite pour le 16/03 au 5/04, une notification "nous avons bien reçu votre arrêt de travail pour cette période", pas de suite... »
— « Une première demande le 9 avril, aucune réponse pertinente depuis... »
— « Aucune réponse concluante ni aucune IJ depuis le 16 mars... j’envoie des mails, j’appelle et rien n’avance. »
— « Plusieurs demandes effectuées depuis le 17 mars mais je ne vois toujours rien venir... »
— « On m’a demandé 7 fois mes fiches de paie : jamais le même interlocuteur. Je suis passée par le médiateur : aucune nouvelle. »
— « Aucune nouvelle, aucun message de confirmation après la démarche assez simple... J’ai appelé, ils n’avaient aucune trace de mes demandes. Ils doivent me rappeler depuis le 5 mai, j’attends toujours… »
— « La demande a été effectuée mi-avril, malgré mes nombreuses relances, toujours rien. »
— « Demande faite depuis le 17 mars et réitérée tous les 21 jours sans résultat. Je devais fournir des documents type bulletin de salaires mais étant artiste MDA je leur ai posé la question des documents à leur fournir n’ayant pas de bulletin et je n’ai aucune réponse. »
— « Déclaration envoyée le 18 mars. Plusieurs échanges de mails (6 aller-retour) me demandant une attestation de salaire par l’employeur. J’explique chaque fois que je ne suis pas salariée mais artiste-auteur, la même demande "absurde " m’est retournée chaque fois. Je commence à hausser le ton. »
— « Aucune nouvelle, aucun accusé de réception après la démarche assez simple... En bas du formulaire, une note précisant que les indemnités seraient versées après avoir envoyé les salaires (ou factures) à la CPAM, mais aucune possibilité , aucun moyen d’envoyer lesdites factures. »
— « Aucun retour depuis le 16/03/2020 - Jamais perçu d’indemnité, les arrêts sont bien enregistrés et notifiés sur mon compte ameli. Mais a priori nous n’avons le droit QUE de cotiser, pas d’avoir de l’aide. »
— « Première demande le 17 mars, reçu accusé de réception et transmission au service concerné. Puis plus rien. Nouvel arrêt déclaré le 1er mai, aucun écho. »
— « Pour ma part, je sature... Demande faite le 09 avril pour mon mari et malgré nos relances expliquant sa situation, ils nous renvoient sans cesse le même message demandant de se rapprocher de son employeur pour avoir une attestation de salaire. C’est la troisième fois qu’on leur explique qu’il n’a pas d’employeur. Ça me fatigue...
J’ai fait deux autres demandes pour lui et moi il y a quelques jours, j’ai bien peur qu’il se passe la même chose...
Pour info, mon mari avait touché son congé paternité un an et demi après sa déclaration ! Il a fallu s’énerver et menacer de saisir le médiateur pour que la situation se débloque. »
— « Demande faite le 23 mars. Accusé réception sur le compte ameli mais aucun message, ni courrier depuis. Pour faire avancer, j’ai envoyé la semaine dernière les copies de mes revenus des 18 derniers mois à la CPAM. »
— « J’ai fait une demande en mars à la CPAM (IJ pour maintien à domicile car seule avec enfants) pour laquelle je n’ai rien obtenu. Je n’avais jamais demandé d’arrêt maladie jusqu’alors et je réalise que c’est une chance de n’avoir jamais eu à le faire... »
Etc. Etc. Ce n’est qu’un début, l’incurie continue…
Seules deux exceptions confirment la règle d’incurie généralisée à l’égard des artistes-auteurs et artistes-autrices.
— « … ça a pris beaucoup de temps. En gros le dernier jour de l’arrêt, on m’a dit qu’il me fallait un justificatif. La MDA l’a fourni en quelques heures (demande par mail)... par contre le temps de traitement du courrier, ça a pris un mois de plus... »
— « Demandé le 16 mars. Après un message de relance, reçu l’aide début avril. Puis de nouveau, demande mi-avril et reçu l’aide début mai. Deux autres demandes dans les tuyaux, en attente de paiement. Pour moi, ça a marché. CPAM Bobigny 93. »
3/ l’insécurité sociale et économique des artistes-auteurs ne peut plus durer !
Le secteur de la création est éternellement laissé en friche par les gouvernements qui se succèdent. En fait, le secteur des artistes-auteurs n’est même pas clairement identifié !
La crise économico-sanitaire fait ressortir tous les travers que nous dénonçons depuis des années sans que des mesures sérieuses ne soient jamais envisagées.
Aujourd’hui encore, aucune mesure efficace n’a été prise. Aux artistes-auteurs, le gouvernement distribue des seaux de plage disséminés dans un jeu de piste humiliant, alors que la situation nécessite un Canadair !
Les artistes-auteurs sont face à une magistrale incurie qui les conduit massivement vers le RSA et pour certains à l’aide alimentaire.
Les défaillances criantes de notre protection sociale ne peuvent plus durer, le mépris envers les artistes-auteurs et leurs représentants non plus.