1/ La composition actuelle des Conseils d’Administration de la MDA-SS et de l’AGESSA
En application de l’article R382-8 du code de la sécurité sociale (lien), le conseil d’administration de chaque organisme social comprend :
- 10 représentants des artistes auteurs affiliés qui ont voix délibérative,
- 4 représentants des diffuseurs qui ont voix délibérative,
- 2 personnalités qualifiées nommées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la culture sur proposition des administrateurs élus. Ces personnalités ont voix délibérative. Soit un total de 16 administrateurs avec voix délibératives.
Siègent également au conseil avec voix consultative :
- 2 représentants de l’Etat, désignés respectivement par le ministre chargé de la sécurité sociale et le ministre chargé de la culture,
- 1 représentant de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie,
- 1 représentant de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale.
A l’AGESSA, siègent en plus au conseil avec voix consultative 3 personnalités qualifiées représentant les Sociétés de Perception et de Répartition des Droits d’auteurs (SPRD ) en tant que tiers habilités par les artistes auteurs à percevoir pour leur compte des droits d’auteur, tiers avec lesquels l’organisme agréé a conclu des conventions. Cf article R382-19 du code de la sécurité sociale (lien)
Des salariés des services administratifs assistent également au conseil sans voix délibérative :
le directeur, l’agent comptable, l’assistant de direction et souvent 1 à 3 autres personnes.
Au final le nombre de personnes présentes pendant les conseils varie de 26 à 32 dont seulement 12 représentants des artistes auteurs (10 élus + 2 personnalités qualifiées).
2/ Les disproportions actuelles dans la représentation au Conseil
- Un nombre trop élevé de voix consultatives
On constate que le nombre de personnes sans voix délibérative est particulièrement élevé en regard des 16 administrateurs qui délibèrent. Les débats s’en trouvent alourdis voire altérés.
- Des diffuseurs sur-représentés en regard de leur contribution
total encaissement | contribution diffuseur | % | |
2011 | 227 371 521 € | 24 585 540 € | 10,8% |
2012 | 241 679 755 € | 26 388 719 € | 10,9% |
Parmi les 16 membres ayant voix délibérative, 4 membres représentent les diffuseurs soit une représentation de 25% au sein du conseil. Or la contribution au régime des diffuseurs ne s’élève qu’à environ 10%. Ce pourcentage sera encore plus faible dès lors que la contribution vieillesse sera recouvré auprès des 191 075 artistes-auteurs précomptés qui actuellement ne sont pas identifiés par l’AGESSA. Les diffuseurs sont donc actuellement nettement sur-représentés au sein des conseils d’administration du régime des artistes auteurs.
3/ La position des rapporteurs IGAS/IGAAC en 2013 pour la caisse commune
Recommandation N° 24 : composer un conseil d’administration de 27 à 34 membres, dont 15 à 20 représentants d’artistes auteurs, 8 à 10 représentants des diffuseurs, et quatre personnes qualifiées, ainsi que quatre SPRD avec voix consultatives.
« S’agissant de la composition du conseil d’administration, il est proposé de maintenir une majorité aux organisations d’artistes auteurs, leurs représentants étant désignés par une élection comme aujourd’hui, afin d’assurer la légitimité et la représentativité des organisations. Les diffuseurs seraient, en proportion, légèrement plus nombreux qu’actuellement, notamment pour intégrer un représentant des établissements publics assurant de la diffusion d’oeuvres et un représentant de l’association des maires de France. Les représentants des diffuseurs seraient désignés par arrêté. »
Ainsi dans le conseil d’administration de la nouvelle caisse, les rapporteurs proposent d’aggraver la sous-représentation des artistes-auteurs au sein de leur propre régime (autofinancé à 90%). Une telle régression serait parfaitement inacceptable.
De plus, la parité entre les deux organismes au sein du conseil a été écarté d’un revers de main. Pourtant cette « question a été posée par certaines organisations, de l’AGESSA comme de la MdA, pour des raisons de craintes symétriques. » mais « la mission estime que la création de cette nouvelle caisse, dès lors que l’on souhaite le système électif, doit aller au bout de la logique et donc respecter le principe un homme-une voix dès le début. » Dans l’état actuel des choses, cette « logique » conduirait à une absorption de la MDA-SS par l’AGESSA.
4/ La position des rapporteurs IGAS/IGAAC en 2005 pour la caisse commune
« L’équilibre entre branches artistiques : la logique pourrait être de laisser libre la représentation élective, selon les effectifs des branches artistiques ; toutefois, les pratiques administratives, comme on l’a vu plus haut, ne sont pas identiques entre Maison des Artistes et AGESSA, et les effectifs d’artistes de chaque branche pourraient évoluer. Par ailleurs, il est souhaitable que les deux organismes actuels s’y retrouvent dans la nouvelle structure.
Aussi la mission suggère-t-elle une parité, au moins pour quelques années, entre les représentants des arts graphiques et plastiques d’une part, et ceux des autres branches issues de l’AGESSA. »
Par exemple, si l’on retenait un conseil d’administration de 20 personnes (ce chiffre peut être modulé), il pourrait y a avoir 12 ou 14 artistes, 4 à 6 diffuseurs et 2 personnes qualifiées. Compte tenu de la réunion de deux organismes et de la multiplicité des organisations, un conseil d’administration légèrement plus étoffé serait peut-être nécessaire. »
Dans le rapport de 2013, aucun argument ne vient sérieusement étayer le changement de position des rapporteurs en ce qui concerne la parité entre les deux organismes à la création de la caisse.
Il est vrai qu’en 2005 les rapporteurs s’étaient penchés sur l’hypothèse d’une « fusion-absorption » par l’AGESSA et avaient conclu : « il paraît donc très difficile de trouver même un relatif consensus ; aussi la mission émet-elle des réserves sur sa faisabilité réelle. » Ils notaient également : « On rappellera qu’une telle fusion avait été prévue par la loi du 27 janvier 1993. A la suite de diverses protestations et manifestations des artistes, la loi du 18 janvier 1994 est revenue sur cette disposition. »
Dans le rapport de 2005, la parité faisait clairement partie des « conditions de la création réussie de la caisse nationale des artistes auteurs » ; les rapporteurs n’ignoraient pas qu’une « fusion-aborption » de la MDA par l’AGESSA n’était pas acceptable, il en est toujours de même !
5/ La position du CAAP concernant la composition du conseil de la nouvelle caisse
- Une diminution du nombre des membres permanents avec voix consultative
Nous avons vu qu’actuellement au sein des conseils d’administration des organismes sociaux les personnes qui assistent au conseil sans voix délibérative sont presque aussi nombreuses que les membres délibératifs, ce qui introduit une lourdeur dans le fonctionnement et dans les débats. Il convient que leur nombre permanent soit limité. En revanche, le Conseil d’administration devrait pouvoir entendre à titre consultatif toute structure utile à son action ou toute personne compétente sur un ou plusieurs points inscrits à l’ordre du jour. In fine et en toute logique, le nombre de personnes consultées s’établirait selon les besoins et les travaux du Conseil.
Les membres permanents avec voix consultative pourrait s’élever à 6 :
Les deux représentants de l’Etat, le directeur, un représentant des salariés, un secrétaire de séance, une SPRD.
S’agissant des représentants de l’Etat, nous approuvons la préconisation des rapporteurs : « Les deux ministères, des Affaires sociales, et de la Culture et de la Communication, disposeraient chacun d’un commissaire du gouvernement et non d’un siège, afin de séparer les rôles d’administration et de tutelle. »
La tutelle de l’Etat constitue la contrepartie de l’autonomie de gestion accordée aux organismes de sécurité sociale. L’Etat doit faire respecter les lois qu’il a posées et les respecter lui-même : c’est la notion d’Etat de droit.
Ainsi la tutelle publique est soumise au principe de légalité et le droit d’opposition est une compétence instituée et encadrée par le droit. Cette compétence ne doit pas se confondre avec une ingérence dans l’administration de l’organisme : il appartient au conseil d’administration de « régler par ses délibérations les affaires de l’organisme » cf article L121-1 (lien)
Des représentants de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie ou de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale pourraient être conviés selon les besoins dès lors que leur présence apparaîtrait utile aux débats du Conseil.
S’agissant des services administratifs, l’agent comptable ou toute autre personne des services serait également conviés dès lors que leur présence apparaîtrait utile aux débats du Conseil. La présence du directeur et d’un secrétaire de séance sont d’évidence une nécessité permanente. Il en est de même d’un représentant des salariés de l’organisme. Actuellement aucun représentant des salariés n’est convié au Conseil. Le directeur est seul en charge de la gestion du personnel mais cette prérogative ne lui confère nullement une légitimité à s’exprimer au nom des salariés. Bien que directeur du personnel et représentant du personnel ne puissent être confondus, actuellement le directeur s’exprime au nom des salariés au sein du Conseil, de cette anomalie découle un déficit d’information des administrateurs.
S’agissant des tiers avec lesquels l’organisme conclut des conventions et plus particulièrement les SPRD, six sont susceptibles de prélever à la source les cotisations sociales dues par les artistes-auteurs donc de conclure des conventions avec la nouvelle caisse. Les SPRD ne contribuent pas financièrement au régime des artistes-auteurs. En tant qu’intermédiaires collecteurs, les SPDR pourraient disposer d’un siège consultatif permanent.
- Un nombre raisonnable de membres délibératifs
L’expérience au sein du conseil de gestion du fonds de formation continue des artistes-auteurs montre qu’un grand nombre de membres, en l’occurrence 32 avec voix délibérative, peut conduire à une lourdeur dans les réunions et occasionne des frais de fonctionnement proportionnels. Simultanément le nombre actuel (16) de membres au sein des conseils d’administration des organismes sociaux ne permettrait pas une représentation suffisante des différentes catégories professionnelles d’artistes-auteurs.
- Une bipolarité historique
Un peu d’histoire :
1965 : La MDA est agréée par l’Etat pour mettre en application les dispositions de la loi n° 64-1338 du 26 décembre 1964 instituant le régime d’assurance maladie, maternité, décès des artistes professionnels peintres, sculpteurs, graveurs.
1975 : le régime qui ne concerne que certaines catégories de créateurs fait l’objet d’une étude qui aboutit à la loi n°75-1348 du 31 décembre 1975 instituant le régime de sécurité sociale des artistes-auteurs, mis en application en 1977.
1977 : Deux arrêtés du Ministère chargé de la Sécurité Sociale agréent les organismes investis de la mission de gérer ce régime : la MDA pour les auteurs d’œuvres graphiques et plastiques et l’AGESSA pour les auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques ainsi que photographiques.
2015 : La fusion en une même caisse des deux organismes est programmée.
L’AGESSA a succédé à la Caisse Nationale des Lettres (CNL) qui gérait entre 1956 et 1976 le régime de sécurité sociale des écrivains non salariés. La MDA s’est succédée à elle-même.
Chaque organisme est administré par un Conseil d’Administration comprenant des représentants élus des artistes-auteurs affiliés et des représentants élus des diffuseurs.
Ainsi curieusement l’unification du régime s’est soldé par l’agrément de deux organismes distincts mais (théoriquement) régis par les mêmes règles législatives.
En plus d’un demi-siècle d’existence parallèle, la MDA-SS et l’AGESSA ont adopté des modus vivendi sensiblement divergents. Des pratiques et des cultures différentes se sont développées de part et d’autre. D’autant que les populations concernées ont des pratiques différentes concernant la gestion de leur exercice professionnel.
La figure emblématique de la MDA-SS est « L’Artiste », il vit notoirement de la vente de ses œuvres et de la perception de ses droits d’auteur. Il déclare ses revenus en BNC, ses cotisations sociales lui sont appelés trimestriellement par l’organisme.
43 % des cotisants de la MDA-SS sont affiliés.
La plupart des cotisants déclarent leur revenu en BNC ; très peu sont précomptés.
Les non affiliés (57 %) sont identifiés et s’ouvrent des droits à la retraite.
La figure emblématique de l’AGESSA est « L’Auteur », et plus particulièrement « L’Ecrivain », il vit notoirement de la perception de ses droits d’auteur. Il déclare ses revenus en TS (Traitement et Salaires), ses cotisations sociales lui sont précomptées sur ses rémunérations par les diffuseurs (éditeur par exemple) ou par les SPRD. Le montant de ce prélèvement à la source est versé par ces tiers à l’organisme.
6 % des cotisants de l’AGESSA sont affiliés.
La plupart des cotisants sont précomptés et déclarent leur revenu en traitement et salaires.
Les non affiliés (94 %) ne sont pas identifiés et ne s’ouvrent aucun droit à la retraite.
Ces problématiques sensiblement différentes des deux organismes devront pouvoir être gérées en bonne intelligence dans la nouvelle caisse commune.
- Dans le cadre d’une fusion respectueuse de chacun des deux organismes sociaux, une représentation à parité de l’AGESSA et la MDA-SS est une nécessité absolue
A la création de la nouvelle caisse, l‘un des deux organismes ne doit pas l’emporter sur l’autre dans la gouvernance.
On ne peut pas - sans préjudice grave - rayer d’un coup de baguette technocratique plus d’un demi siècle d’histoire divergente dans chaque organisme.
Le respect de chaque identité structurelle passe par une représentation égale des deux organismes sociaux historiques. C’est une condition sine qua non d’une fusion réussie. Dans le cas contraire, nous assisterions à une annexion engendrant inévitablement une domination d’un organisme par l’autre, et ce, aux dépens d’une des deux populations d’artistes-auteurs concernées.
La création d’une nouvelle structure commune à l’ensemble des artiste-auteurs s’accompagnera de la construction au fil du temps d’une nouvelle culture, elle aussi, commune à l’ensemble des artistes-auteurs. Une telle construction nécessite du temps. Si l’un des deux organismes l’emportait sur l’autre au démarrage de la caisse commune, aucune culture commune ne pourrait se développer, c’est la culture pré-existante de l’un des deux organismes qui s’imposerait et dominerait.
Ceux qui oublient que les « artistes » sont aussi des « auteurs » auront à apprendre à mieux connaître leurs « nouveaux collègues ». Ceux qui oublient que les « auteurs » sont aussi des « artistes » auront à apprendre à mieux connaître leurs « nouveaux collègues ».
Depuis 1977, socialement les uns et les autres sont auteurs d’œuvres artistiques : ils sont artistes-auteurs et bénéficient du même régime social. cf article L382-1 du code de la sécurité sociale (lien)
Des exemples signifiants
Actuellement dans le code de la sécurité sociale, la Commission d’Action Sociale est la seule instance décisionnaire commune aux deux organismes. Etant composée d’un nombre égal de représentants de l’AGESSA et de la MDA-SS, elle fonctionne sans tension interne : aucun groupement professionnel ne peut agir au détriment d’un autre, l’intérêt général prime sur les intérêts particuliers des uns et des autres.
A contrario, le conseil de gestion du fonds de formation continue des artistes-auteurs est particulièrement déséquilibré : les représentants de l’AGESSA, tous collèges confondus, bénéficient d’un excès de pouvoir permanent ; de facto ils décident seuls des orientations ; quel qu’il soit, le vote des représentants de la MDA-SS est sans incidence sur les décisions finales prises par ce conseil. Cette hégémonie découle de l’arrêté du Ministère de la culture qui a attribué 68% des sièges aux uns et 32 % aux autres. Un tel déséquilibre engendre inévitablement des tensions, il est source d’inégalités de traitement entre populations d’artistes-auteurs. L’intérêt général a été sacrifié sur l’autel du lobbying des industries culturelles et de leurs SPRD. Faute d’être une industrie culturelle, les arts visuels sont de fait largement sous-représentés au sein de ce conseil.
6/ La proposition concrète du CAAP concernant la composition du futur conseil
Notre proposition rejoint fondamentalement la préconisation du rapport de 2005 : deux corps électoraux avec chacun une représentation égale au sein du conseil, et ce, au moins pour la première mandature de la nouvelle caisse.
Plus précisément , nous proposons 26 membres délibératifs :
- 20 représentants des organisations professionnelles d’artistes-auteurs (dont 10 élus par les cotisants de l’AGESSA et 10 élus par les cotisants de la MDA-SS)
- 4 représentants des organisations professionnelles de diffuseurs (dont 2 relatives à l’AGESSA et 2 relatives à la MDA-SS)
- 2 personnalités qualifiées (une pour l’AGESSA, une pour la MDA-SS)
Les diffuseurs seraient toujours sur-représentés (4/26 = 15 % en regard d’une contribution inférieure à 10% ) mais moins fortement qu’actuellement (25%).
A ces membres délibératifs s’ajouteraient 6 membres avec voix consultative :
- 2 représentants de l’Etat
- le futur directeur de la nouvelle caisse
- 1 représentant des salariés de la nouvelle caisse
- 1 secrétaire de séance
- 1 SPRD
Ainsi le conseil d’administration de la nouvelle caisse serait constitué de 26 administrateurs avec voix délibérative et 32 personnes assisteraient aux réunions de ce conseil.