L’info Noir/blanc n° 1

SOMMAIRE DU N° 1

  • Premier pas. Le congrès interprofessionnel de l’art contemporain : la première occasion pour l’association d’intervenir.
  • Droits d’auteur : un droit financier mais aussi moral
  • Maison des artistes, mode d’emploi
  • Le nécessaire soutien : création du CAAP
  • Notre guide

EDITO 

État des lieux

Censure, démission des pouvoirs publics, précarité et autres choses agréables…

Au lendemain des années 80, les artistes plasticiens doivent faire face à une situation quelque peu difficile. Les problématiques sont multiples et apparaissent parfois sous des aspects paradoxaux. Ainsi, certaines lois concernant les artistes et régissant le marché de l’art contemporain ne sont, ou ne peuvent pas, être appliquées. Une situation qui suscite d’importants conflits entre les artistes et leurs partenaires commerciaux, en général, et leurs galeries, en particulier.

Les organismes officiels chargés de veiller au respect de ces lois n’ont pas ou plus les moyens de faire leur travail convenablement, par manque d’outils juridiques ou simplement parce qu’elles sont en faillite (la Spadem, par exemple).

De la même façon, la Maison des artistes dont le rôle se voulait multiple (?), se cantonne à proposer une protection sociale sur des bases pour le moins contestables.

L’État semble se soustraire (par manque de moyen ou par choix politique) à ses responsabilités :
·
• En acceptant la destruction d’œuvres de commandes publiques et la remise en question des principes démocratiques des bibliothèques.

• En menant une politique à court terme, mettant en péril la pérennité de nombreux projets : « On est en train de détruire ce qui a été construit dans les dix dernières années. Nous avions trente ans de retard sur l’art contemporain, nous venions de le rattraper. » (Alain Julien Lafferrière - La Tribune Desfossés, juin 1996.) « ( ... ) Mais toute la chaine économique est touchée, les artistes, les galeries, les imprimeurs » (Ami Barak, La Tribune Desfossés, juin 1996.) La création de lieux d’expositions, et des projets conséquents ont en outre été remis en question, à Montpellier, à Sète …

• En exerçant une politique de vases communicants avec le budget de la culture, donnant aux uns ce qu’il a pris aux autres.

• En se soumettant à la pression des marchands et des galeries, qui savent se réunir en comité pour défendre leurs intérêts, s’agissant de l’application des droits de suite aux galeries (lire article page 3).

• En ajournant l’application de textes tels que ceux concernant les droits de suite, par exemple, sous prétexte qu’une législation européenne est en cours d’élaboration.

L’impasse, une profession aphone

À aucun moment, en aucun lieu de décision concernant ces points et bien d’autres, les artistes plasticiens ne sont représentés.

Contrairement à l’ensemble des métiers de l’art qui sont tous parvenus à se fédérer et à faire valoir leurs droits (parfois au détriment des autres), il n’existe aucune personne (physique ou morale), pour faire valoir et défendre les intérêts des artistes plasticiens, ni même pour les informer.

« Mon objectif est de définir une politique nationale de la culture et de travailler en étroite concertation avec nos nombreux partenaires : les régions, les départements, les associations, mais aussi les grandes institutions. » (quid des opérationnels ?). « J’ai installé dans ce but la Commission de réflexion pour une refondation (?) de la politique culturelle, dont j’ai confié la présidence à Jacques Rigaud (entrepreneur). Cette commission doit me remettre pour cet été ses propositions qui constitueront la base de la politique culturelle de l’Etat dans les années à venir. » (Entretien avec Philippe Douste-Blazy, ArteMédia , juin 1996.)

Par défaut, les organismes publics travaillant sur la politique culturelle française consultent les experts et les. représentants du « patrimoine " et du marché de l’art. Peu de place, voire aucune n’est laissée à « l’art vivant » ni à la production contemporaine. Il parait important aujourd’hui de pouvoir participer activement à ces débats.

L’Alternative : un comité professionnel

Face à cette impasse, il s’agit à présent de fédérer les quelque milliers d’artistes plasticiens pour créer une véritable force de proposition, défendre ses intérêts communs, participer aux décisions à l’échelle nationale et européenne, et mettre en place un pôle permanent d’information et de réflexion.

Désormais, il s’agit de rassembler, de fédérer et de mobiliser la profession, ce qui ne semble pas acquis :
« Les artistes ne sont pas organisateurs. Ils détestent la bureaucratie, les réunions, ça les ennuie. Et il leur manque la patience nécessaire pour mettre en place une structure de défense permanente. »(Hans Haacke)

« Ils sont très difficiles à mobiliser ( ... ) D’abord, bien souvent, ils n’ont pas conscience d’avoir des intérêts communs et ils s’attachent à défendre des intérêts particuliers qui sont concurrents avec ceux des autres. Il faut des situations comme celles que vous évoquez, (défense de la liberté d’expression) où les intérêts collectifs sont réellement menacés pour qu’ils comprennent. " (Pierre Bourdieu, in Libre échange, Entretien de Hans Haacke et Pierre Bourdieu, Édition du Seuil, 1993.)