Exception de panorama : PÉNALISER L’ART PUBLIC ET LES ARTISTES UNE PRIORITÉ DES PARLEMENTAIRES ET DU GOUVERNEMENT ?

Cette pénalisation sans fondement résulte de la campagne de désinformation de Wikimédia et de son lobbying éhonté auprès des parlementaires.

C’est pourquoi fin janvier, l’Assemblée nationale a créé une " exception de panorama ", néanmoins strictement limitée aux « reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives ».

Avec ce texte les députés ont trouvé une solution acceptable par les artistes en ce sens qu’il permet de sécuriser les particuliers qui publient leurs photos sur internet sans affecter excessivement les droits des auteurs.

Le 4 avril, l’ensemble des acteurs des arts visuels, dont le CAAP, ont expressément demandé dans un communiqué public de ne pas élargir le champ et les bénéficiaires de l’exception (voir pdf 1).

Mais le 6 avril, les Sénateurs, réunis en commission, ont voté un amendement qui élargit cette exception ! Au final, le projet de texte, s’il exclut toujours les utilisations commerciales, étend néanmoins l’exception (qui ne concernait que les particuliers) à toutes associations de type loi 1901. C’est à cet élargissement abusif que réagit le communiqué de l’USOPAV dont le CAAP fait partie (voir pdf2). Le législateur n’est pas fondé à déséquilibrer les relations professionnelles entre l’artiste-auteur et ses diffuseurs en pénalisant la partie faible du contrat !

Le 22 avril un communiqué commun des sociétés d’auteurs, syndicats (dont le CAAP) et associations d’artistes affirment solennellement leur totale opposition à l’élargissement de cette exception (voir pdf 3).

Le vote du sénat en séance plénière aura lieu la semaine prochaine. Les sénateurs obstineront-ils à pénaliser l’art public et les artistes ?


COMMUNIQUÉ DE L’USOPAV

L’exception de panorama doit être strictement limitée aux particuliers pour leurs usages non commerciaux.

LE LÉGISLATEUR N’EST PAS FONDÉ À DÉSÉQUILIBRER LES RELATIONS PROFESSIONNELLES ENTRE L’ARTISTE-AUTEUR ET SES DIFFUSEURS EN PÉNALISANT LA PARTIE FAIBLE DU CONTRAT.

Le rôle du législateur est au contraire de favoriser l’application stricte des droits des auteurs par leurs diffuseurs. Les associations 1901 ne peuvent donc bénéficier de l’exception de panorama dont l’objectif est de sécuriser les nouveaux usages des particuliers sur Internet et non de remettre en cause les fondements mêmes du droit d’auteur !

L’article L122-5 du code de la propriété intellectuelle précise que « les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. ». Or l’élargissement de l’exception de panorama aux associations loi 1901 constituerait une violation de cette disposition en perturbant l’exploitation normale de l’oeuvre et en causant des préjudices conséquents et injustifiés aux intérêt légitimes des auteurs d’art visuel.

L’exploitation normale de l’oeuvre relève des diffuseurs, les associations loi 1901 en font partie. Contrairement aux particuliers, les associations loi 1901 font partie des partenaires professionnels des artistes-auteurs usuellement désignés sous le terme de « diffuseurs ». Les diffuseurs versent des rémunérations (droits d’auteurs et achats d’oeuvres originales) aux artistes-auteurs, socialement ils sont assimilés à des employeurs. Il s’agit des personnes physiques ou morales mentionnées aux articles L382-4 et R382-3 du code de la sécurité sociale. Qu’ils soient occasionnels
ou permanents, que leur activité soit commerciale ou non, tous les diffuseurs ont des obligations réglementaires dont sont en revanche exonérés les particuliers, ces derniers n’étant ni des professionnels, ni des personnes morales.

Exemples de diffuseurs permanents : agent d’art (personne physique), commerce d’art (entreprise), centre d’art (association 1901), musée d’art (institution).
De même qu’un employeur sous le statut juridique d’association loi 1901 ne peut s’exonérer d’appliquer le droit du travail, un diffuseur ne peut être exonéré d’appliquer le droit d’auteur sauf à perturber gravement l’exploitation normale de l’oeuvre et les relations professionnelles entre artistes-auteurs et diffuseurs.

Le nombre d’associations 1901 en France ne cesse de croître, il s’élève à plus de 1,3 millions aujourd’hui. L’exception de panorama abusivement élargie à ces associations
causerait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.

- Atteinte aux droits patrimoniaux

Le code de la propriété intellectuelle impose à juste titre aux diffuseurs, donc aux associations loi 1901, la conclusion d’un contrat écrit relatif aux droits d’exploitation (droits de reproduction, de présentation et de représentation publique) de l’oeuvre de l’auteur. Le diffuseur ne peut en aucun cas imposer à l’artiste-auteur une cession de ses droits patrimoniaux à titre gratuit. La cession à titre onéreux est la règle, la cession gratuite est une faculté exclusive de l’artiste-auteur lui-même.

Qu’une structure soit à but non-lucratif n’implique pas qu’elle puisse imposer aux
professionnels avec qui elle travaille de le faire gratuitement.

Imposer aux auteurs - par la loi - une cession gratuite de leurs droits au bénéfice d’une partie de leur diffuseurs (les associations loi 1901) constituerait un excès de pouvoir engendrant pour les auteurs un manque à gagner incontestable et injustifié.

- Atteinte au respect des droits moraux

Loin d’être sans incidence sur les droits moraux, une exception favorise, d’une part, la multiplication des transgressions (relatives notamment à la mention du nom de l’auteur et au respect de l’intégrité de l’oeuvre) et, d’autre part, l’incapacité de l’auteur à les faire respecter après coup. En effet, normalement l’artiste accorde une autorisation en amont, cet acte n’engendre aucun frais. En revanche, l’introduction d’une exception implique que le contrôle du respect des droits moraux n’est plus effectué a priori mais a posteriori avec pour conséquence des coûts considérables de procédures à la charge de l’artiste en cas d’abus. Une exception « touche » donc fortement le droit moral et ce, bien qu’il soit théoriquement « conservé » par l’auteur.

Compte tenu du nombre considérable et de l’extrême diversité des objets des associations 1901 en France, il est parfaitement inacceptable que les oeuvres des artistes puissent être instrumentalisées au profit de causes qu’ils ne partageraient pas.

Imposer aux auteurs - par la loi - qu’une partie de leur diffuseurs (les associations loi 1901) puissent utiliser leurs oeuvres sans accord préalable constituerait un excès de pouvoir engendrant une multiplication des atteintes à leur droits moraux dont les artistes ne pourraient obtenir réparation qu’au prix de procédures longues et coûteuses à leur propre charge !

Sécuriser juridiquement les partages de photos des particuliers sur Internet est un chose, s’attaquer au fondement même du droit d’auteur en est une autre.

LA PÉNALISATION SPÉCIFIQUE DE L’ART PUBLIC ET DES AUTEURS D’ARTS VISUELS EST SANS FONDEMENT

L’indépendance entre la propriété matérielle d’une oeuvre et sa propriété incorporelle est le fondement même du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle. Le propriétaire d’un livre n’a bien évidemment pas le droit de le reproduire (sauf copie privée des particuliers) et de l’éditer à son propre compte.
L’emplacement d’une oeuvre d’art ne peut avoir d’incidence sur l’applicabilité du droit d’auteur et l‘exploitation normale de l’oeuvre, sauf à vouloir spécifiquement pénaliser les auteurs d’arts visuels et plus particulièrement ceux qui interviennent dans l’espace public. Un spectacle (ou un film) diffusé gratuitement dans l’espace public implique-t-il la gratuité des droits d’auteurs et des droits voisins ainsi que le bénévolat des artistes-interprètes ? Non, bien évidemment !

Des milliers d’oeuvres d’art sont placées en permanence dans l’espace public, veut-on freiner ce mouvement ? Doit-on rappeler que les dégradations (volontaires ou naturelles) et les contraintes techniques sont nombreuses ? Doit-on préciser que leur financement public ou privé est trop souvent partiel et que la différence incombe aux artistes eux-mêmes ? Doit-on redire que la majorité des artistes-auteurs a des revenus inférieurs au seuil de pauvreté et qu’il ne faut pas confondre l’arbre et la forêt ?

À l’heure où chacun s’accorde à trouver bénéfique le développement de l’art public, absolument rien ne vient justifier une atteinte particulière aux droits des auteurs qui prennent le risque de faire le choix citoyen d’offrir leurs oeuvres à la vue de tous ! Ce caractère discriminatoire constituerait un excès de pouvoir au détriment des auteurs d’arts visuels.

Enfin que certains pays européens en adoptant une exception de panorama illimitée aient malheureusement choisi de ne plus accorder à leurs auteurs d’arts visuels une protection suffisante et efficace ne justifie aucunement que la France, berceau de la propriété littéraire et artistique, leur emboîte aveuglément le pas !

Documents à télécharger

pdf1_-_exception_de_panorama_-_un_equilibre_a_conserver
pdf3_-communique_-_tous_unis_contre_l_e_largissement_de_l_exception_de_panorama.pdf
pdf_2_communique_panorama_usopav.pdf