NON A L’AUGMENTATION DU TAUX DE TVA SUR LES ARTISTES AUTEURS !

Les artistes auteurs deviendront-ils les seuls surtaxés du secteur de la création ?

Les incidences de cette augmentation sur les revenus des artistes auteurs.

Le principe de base de la TVA

La TVA est un impôt indirect sur le « consommateur final ». Elle s’applique à toute activité économique à titre onéreux. Elle constitue en France la plus importante recette du budget général de l’État.

La personne physique ou morale assujettie à la TVA va :

  • percevoir la TVA en majorant si possible ses prix de vente hors-taxe du taux légal de la taxe sur la valeur ajoutée ;
  • reverser à l’État la différence entre le total de la TVA perçue lors de ses ventes et le total de la TVA qu’elles ont elles-mêmes déjà payées lors de leurs achats.

Les assujettis à la TVA jouent auprès de leurs clients le rôle de collecteur d’impôt pour le compte de l’État, cette charge n’est pas supposée les toucher personnellement (neutralité).

C’est l’impôt le plus injuste car il n’est pas proportionnel aux revenus. C’est aussi le plus « sournois » car nul ne fait le calcul du montant de TVA qu’il paie par an …

Cependant il est possible pour l’État de moduler cette pression fiscale à l’aide de quelques paramètres (taux d’imposition, assiette déductible, etc.). Par ses choix politiques, l’Etat peut influencer la consommation en changeant la catégorie fiscale d’un groupe de produits, il peut modifier le champ des taux de TVA applicables à un ou à plusieurs secteurs d’activité particuliers.

Les artistes auteurs seuls surtaxés du secteur de la création

Dans la loi de finances pour 2014, les députés ont accordé - à juste titre - un taux de TVA réduit à 5,5% sur les ventes de livres, les importations d’œuvres d’art et la billetterie du spectacle vivant et du cinéma.

Mais ceux sans qui il n’y aurait ni expositions, ni livres, ni spectacles, ni films ; ceux dont les revenus sont les plus précaires : les artistes auteurs seront, eux, taxés à hauteur de 10% ! Les droits d’auteurs, déjà trop souvent sous appliqués, voire contournés, et les livraisons d’œuvres par leur auteur seraient donc désormais les seuls surtaxés dans le secteur de la création.

Les recettes escomptées par l’Etat via cette augmentation de la TVA viendront amenuiser les revenus déjà très précaires des artistes auteurs, une telle décision budgétaire est en parfaite contradiction avec les discours sur l’exception culturelle et le soutien à la création affichées par la gouvernement. Or c’est bien à l’aune des actes, non des discours, qu’une politique s’apprécie.

La TVA des artistes auteurs : qui paient quoi et comment ?

Les artistes auteurs ne sont pas toujours conscients de la TVA à leur charge dans leur activité professionnelle. Qu’en est-il concrètement ?

Indépendamment du mode de déclaration fiscale des revenus (en bénéfices non commerciaux ou en traitements et salaires), on peut distinguer trois cas pour les artistes auteurs, ceux qui sont en franchise de base, ceux qui sont assujettis de façon usuelle à la TVA et les assujettis dont la TVA est retenue à la source.





1/ La TVA à la charge de ceux qui sont en franchise (article 293 B du Code Général des Impôts )

Il existe un dispositif appelé « franchise en base de TVA » qui dispense les personnes physiques ou morales de la déclaration et du paiement de la TVA sur les prestations ou ventes qu’elles réalisent à condition d’être en dessous d’un certain montant de recettes annuelles (actuellement 42 300€).

Ceux qui sont en franchise croient parfois ne pas payer de TVA. C’est inexact car cette franchise implique qu’ils ne peuvent pas récupérer la TVA sur leurs dépenses. Ils paient donc au trésor public la TVA sur leurs dépenses (comme un « consommateur final »). Ce montant vient en déduction de leur bénéfice.

Remarque : Ceux dont les recettes sont inférieurs au plafond légal peuvent être en franchise mais ce n’est pas une obligation. Il est possible d’opter pour l’assujettissement à la TVA quel que soit le montant annuel des recettes.



2/ La TVA à la charge de ceux qui sont assujettis à la TVA de façon usuelle soit sur option, soit obligatoirement (si le montant de leurs recettes dépasse le plafond).

La TVA nette due au trésor public par l’artiste auteur est égal à la différence entre la TVA perçue sur les recettes et la TVA payée sur les dépenses. Si la TVA payée sur les dépenses est supérieure à celle perçue sur les recettes, le trésor public rembourse le trop perçu à l’artiste auteur.

Appliquer une TVA sur les recettes permet de la récupérer sur les dépenses. Plus les dépenses incluant de la TVA déductible sont importantes, plus il est pertinent d’opter pour la TVA.

Ce dispositif est a priori le moins pénalisant économiquement mais il implique des formalités et des compétences de gestion (déclaration de TVA, tenue d’une comptabilité).

En franchise, pas de formalités contraignantes mais les dépenses sont majorées par la TVA, le bénéfice est souvent plus faible (ou le déficit plus important).

Les artistes auteurs qui gèrent leur TVA sont généralement les plus conscients des incidences des variations de leur taux de TVA sur leur rémunération et leur activité professionnelle. Les conséquences sont pour eux immédiatement perceptibles.

D’autant que, contrairement à la théorie de la neutralité de la TVA pour l’assujetti, l’artiste auteur n’est généralement pas en mesure de répercuter la TVA sur ses clients ou sur ses commanditaires.

C’est une évidence en ce qui concerne la vente d’œuvres d’art par l’auteur. Toute majoration du taux de TVA est entièrement supportée par les artistes auteurs eux-mêmes. La cote d’un artiste, le montant qu’un collectionneur est prêt à consentir pour l’achat d’une œuvre est parfaitement indépendante du taux de TVA applicable à l’artiste, il en est de même du montant des achats publics d’œuvres comme le 1%. Ainsi un taux de TVA aggravé induit mécaniquement une baisse de revenu pour l’artiste dont le taux de TVA est un pourcentage « en dedans », jamais répercutable sur le “consommateur”.



3/ La TVA à la charge de ceux qui sont assujettis à la TVA par une retenue à la source

Selon ce dispositif, les éditeurs, les sociétés de perception et de répartition de droits et les producteurs opèrent sur les droits versés aux auteurs une retenue de la TVA due par l’auteur. La TVA acquittée pour le compte de l’auteur par ces personnes n’est pas prise en compte pour la détermination de leur propre pourcentage de déduction de TVA (article 285bis du CGI).

Remarque : Ce dispositif constitue le droit commun pour ces opérations. L’auteur peut toutefois y renoncer. Ainsi il est possible de renoncer expressément à la retenue à la source et d’opter soit pour la TVA usuelle, soit pour la franchise si les recettes de l’auteur sont inférieurs au plafond légal.

Le montant de la TVA du par l’auteur est ainsi versé par les éditeurs, les producteurs et les SPRD. Conjointement et pour compenser la déduction de la TVA sur dépenses réelles (cas usuel), l’administration fiscale accorde un droit de déduction à hauteur de 0,8%.
L’auteur perçoit in fine ses droits d’auteurs hors taxe majorés de cette déduction.

Les relevés de droits fournis aux auteurs sont tenus de spécifier le montant de TVA acquitté pour le compte de l’auteur au trésor public.

Néanmoins ce dispositif évitant aux auteurs de payer directement leur TVA au trésor public, ils peuvent avoir l’illusion de ne pas en payer, voir même que le dispositif leur « rapporte » en raison du petit remboursement au titre de la déduction forfaitaire sur dépenses qui s’ajoute aux droits d’auteur hors taxe. Dans la pratique ce qui s’ajoute à leur rémunération hors taxe est clairement perceptible contrairement à ce qui leur a été retiré à la source sur le TTC. Confronté à un manque à gagner quasi invisible et faute d’habitude du mécanisme de la TVA, les auteurs dans ce dispositif ont tendance à oublier que le montant normalement perçu est le montant TTC.

Par exemple, les SPRD, d’une part, facturent et encaissent le montant des droits d’auteurs dus en TTC et, d’autre part, reversent à l’auteur un montant HT majoré de la déduction forfaitaire de 0,8% qui s’élève à 80€ pour une recette de 10 000€ dans l’exemple ci dessous.





Le montant de TVA à la charge de l ‘auteur augmente mais l’auteur a tendance à ne pas s’en rendre compte car ce n’est pas lui qui la règle directement au trésor public et que ce qu’il touche est hors taxe donc stable. Autrement dit ce qui est encaissé pour l’auteur augmente mais sa rémunération finale ne bouge pas. La déduction forfaitaire, pour sa part, est de plus en plus faible proportionnellement au taux de TVA …

Pour en savoir plus : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/381-PGP.html

Toute augmentation du taux de TVA sur les ventes d’œuvres par l’auteur et sur les droits d’auteurs pénalise les revenus des artistes auteurs donc le cœur de la création artistique elle même.

Par nature non répercutable sur le ”consommateur”, toute majoration du taux de TVA des artistes auteurs est in fine supportée par les artistes auteurs eux-mêmes.
Les recettes attendues par le gouvernement viendront mécaniquement en déduction de leurs rémunérations qui sont déjà nettement inférieures à la moyenne nationale.

Exemple : soit une commande publique de 30 000€ TTC et un montant de dépenses de 20 000 € TTC, la TVA sur dépenses déductibles pour la réalisation de l’œuvre s’élevant à 2000€.

Assujetti à la TVA, l’artiste touchera donc 30 000€ TTC de recette.





Dans le premier cas (taux à 5,5%), le bénéfice de l’artiste est de 10 436,02 € et le trésor public lui reverse un trop perçu de 436,02 €. Dans le second cas (taux à 10%), le bénéfice de l’artiste est de 9 272,73 € et il doit reverser au trésor public un impôt indirect de 727,27€.

Ainsi la marge de l’artiste sera d’autant plus faible que le taux de TVA qui lui est appliqué est fort. Le solde du au trésor public sera d’autant plus élevé que le taux de TVA qui lui est appliqué est fort.

L’impact d’une augmentation du taux de TVA sur la livraison d’une œuvre par son auteur est donc extrêmement préjudiciable à l’artiste, une telle augmentation s’impute entièrement sur ses revenus. Les recettes que l’Etat veut récupérer par ce biais sont donc pris directement dans la « poche » de l’artiste.

C’est pourquoi nous demandons que dans la loi de finance 2014, l’article 278 septies du Code Général des Impôts soit amendé et fixe à 5,5% le taux de TVA sur les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leur auteur.

En ce qui concerne les droits d’auteur, la situation n’est guère plus brillante. Extrêmement peu d’artistes auteurs sont en position d’imposer une rémunération équitable et comprennent le mécanisme de la TVA, l’artiste auteur est généralement la partie faible du contrat, sa rémunération tient systématiquement lieu de variable d’ajustement dans une économie de la création souvent opaque. Les « filières sont de plus en plus dominées par l’aval, au sein desquelles les auteurs apparaissent en position de faiblesse dans le partage de la valeur ajoutée. ». « Alors que les auteurs doivent, en principe, avoir une idée précise des bases à partir desquelles est fixée leur rémunération, une partie des recettes leur est inconnue et ces bases, de plus en plus diversifiées, peuvent être manipulées par les acteurs en aval de la filière, créant ainsi des problèmes d’aléa moral ». (cf Etude du DEPS en pdf jointe).

C’est pourquoi nous demandons que dans la loi de finance 2014, l’article 279-g du Code Général des Impôts soit amendé et fixe à 5,5% le taux de TVA sur les cessions des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des œuvres de l’esprit.

Document à télécharger

deps - économie des droits d’auteur.pdf