Les « Livraisons de biens » des artistes-auteurs et autrices

Selon la nature fiscale du versement à l’artiste-auteur ou autrice (AA), les obligations fiscales et sociales diffèrent.

Les versements avec contrepartie entrent dans le champ d’application de la TVA, donc nécessitent une facture.

1/ rappel généralités

Obligation de facturation

L’obligation de facturation s’impose à tous les assujettis à la TVA, « c’est-à-dire aux personnes qui réalisent une activité économique à titre indépendant (CGI, art. 256 A) », y compris les artistes-auteurs, même en franchise en base de TVA. Ainsi l’administration fiscale précise : « Le fait que les opérations réalisées ne soient pas effectivement soumises à la TVA en application de dispositions spécifiques d’exonération ou des dispositions de l’article 293 B du CGI (franchise en base) n’a pas pour effet de dispenser l’assujetti de l’obligation de facturation à laquelle il est soumis. »

Entre un artiste-auteur et un autre professionnel, la facturation d’une opération avec contrepartie est obligatoire. Dès lors que l’opération est réalisée entre deux professionnels, l’émission d’une facture est obligatoire. Cette facture doit être délivrée par l’AA au moment de la livraison pour les ventes ou à la fin de l’exécution de la prestation de services.

Sur sa facture, la mention « entrepreneur individuel » ou E.I. doit suivre le nom et le prénom de l’artiste-auteur ou autrice.

Exception au droit commun : aucune facture n’est à émettre par un AA pour percevoir les redevances de droits d’auteur versées par un éditeur, un producteur ou un OGC (organisme de gestion collective), sauf renonciation au prélèvement à la source de la TVA.

Depuis 1er janvier 2020, la transmission des factures sous forme dématérialisée sur le portail Chorus Pro est obligatoire pour les très petites entreprises (moins de 10 salariés) qui sont fournisseurs du secteur public (État, collectivités locales, hôpitaux, établissements publics, etc.).
Cela concerne notamment les artistes-auteurs et autrices qui interviennent dans les établissements scolaires, les musées publics, qui vendent des œuvres ou des prestations à des mairies, communautés de communes, départements ou régions, des hôpitaux et tout autre service public, qu’il soit local ou d’État.
En savoir plus sur Chorus pro.

• L’administration fiscale distingue uniquement deux types de contrepartie : les « livraisons de biens » et les « prestations de service ».

Fiscalement les ventes d’œuvres d’art originales sont assimilées à des «  livraisons de biens  ». En revanche, les cessions de droits d’auteur sont assimilées à des «  prestations de service  ». Les taux de TVA applicables différent : 5,5 % pour les ventes ; 10 % pour les redevances de droits d’auteur ; 20 % pour la plupart des autres opérations.

Attention le décret n° 2022-1299 du 7 octobre 2022 prévoit de nouvelles mentions obligatoires à faire figurer sur les factures, notamment le type d’opération facturée : livraison de biens, prestation de services ou opération mixte. Ainsi l’information selon laquelle les opérations donnant lieu à une facture sont constituées exclusivement de livraisons de biens ou de prestations de services ou sont constituées de ces deux catégories d’opérations devra obligatoirement figurer sur les factures de l’AA.

Voir les mentions obligatoires d’une facture.

2/ Les « livraisons de bien » des AA

• Définition

Parmi les versements avec contrepartie pris en compte dans le régime social des AA, Il convient donc de savoir distinguer les « livraisons de bien » au sens de l’administration fiscale : Est considéré comme livraison d’un bien « le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire » en vertu de l’article 256 du code général des impôts.
Il s’agit des ventes qui donnent lieu à un transfert de propriété matérielle, le montant facturé comprend le prix du bien et les frais accessoires à sa livraison. « Le transfert de toutes les prérogatives d’un propriétaire (droit d’user, de jouir et de disposer de la chose) constitue en droit français le transfert de propriété. » précise le bulletin officiel des finances publiques.

NB : ne pas confondre propriété matérielle d’une œuvre et propriété intellectuelle d’une œuvre. En vertu de l’article L111-3 du code de la propriété intellectuelle, la propriété de l’objet matériel (le support matériel de l’œuvre) est indépendante de la propriété intellectuelle attachée à l’œuvre (les droits d’auteur). Ainsi, l’acquéreur d’une œuvre ne dispose, du fait de cette acquisition (« livraison de bien »), d’aucun droit d’exploitation de l’œuvre (« prestation de services »). Réciproquement, la personne physique ou morale qui bénéficie d’une cession de droits d’auteur, ne devient pas propriétaire du support matériel de l’œuvre. Les « livraisons de bien » concernent exclusivement le transfert de propriété du support matériel de l’œuvre.

NB : Le support matériel de l’œuvre peut, le cas échéant, être un support numérique, par exemple le support de stockage de l’œuvre.

Le cas des œuvres numériques est notamment évoqué à l’article R. 122-3 du Code de la propriété intellectuelle, qui vise les « créations plastiques sur support audiovisuel ou numérique dans la limite de douze exemplaires ». Les œuvres photographiques sont également visées en ces termes : « dans la limite de trente exemplaires, quels qu’en soient le format et le support. »

L’approche retenue est clairement axée sur le support, qui est l’élément déterminant à la fois pour l’application du droit de suite et pour la vente d’œuvres originales (versus copies ou exemplaires d’œuvres). Cela correspond aux pratiques du marché : pour la plupart des créations numériques qui passent en vente, les acquéreurs se voient remettre le support de stockage, éventuellement numéroté et signé.

Parallèlement, l’article R382-1 du code de la sécurité sociale vise expressément : les auteurs d’œuvres originales, graphiques ou plastiques, mentionnées à l’article R. 122-3 du code de la propriété intellectuelle.

• Les opérations qui concernent des « livraisons de biens » pour les artistes-auteurs, sont notamment :

o Vente d’une œuvre originale par l’artiste-auteur (versus copies ou exemplaires d’œuvres reproduites) ;

o Honoraires de création suivis de l’achat de l’œuvre originale créée par l’artiste-auteur ;

o Rémunération des travaux d’études, de conception, de mise en œuvre nécessaires à la satisfaction d’une commande d’œuvre, publique ou privée suivie d’une livraison d’œuvre, l’ensemble de l’opération s’analyse alors comme une livraison de biens. Dans le cadre d’une commande pour l’achat du support matériel de l’œuvre, « la rémunération de l’auteur est susceptible de couvrir différents éléments qui peuvent ou non faire l’objet de contrats ou de prix distincts » Les travaux d’études, de conception, de mise en œuvre nécessaires à la satisfaction de la commande pour l’achat du support matériel de l’œuvre peuvent, selon les usages propres être dénommés : « honoraires de création », « honoraires de prise de vue », « honoraires de mise en œuvre », « honoraires pour la réalisation de la commande », etc.
En savoir plus ici.

o Location-vente d’œuvres dès lors que vente est certaine et non une simple faculté en fin de contrat. En savoir plus ici §90 ;

o Vente d’exemplaires d’œuvres dont l’artiste-auteur assure lui-même la reproduction et la diffusion (situation des auteurs-éditeurs = autoédition).
En savoir plus ici et .

3/ TVA et facturation des « livraisons de bien » des artistes-auteurs et autrices

Les « livraisons de biens » sont dans le champ de la TVA et sont soumises à facturation.

• Facturation

L’émission d’une facture est obligatoire entre professionnels.

Cette facture doit être délivrée par l’artiste-auteur•ice au moment de la livraison pour les ventes.

Pour la vente d’œuvres originales ou d’exemplaires d’œuvres (autoédition) à des particuliers, la délivrance d’une facture est obligatoire seulement si le client le demande.

Si des ventes à distance sont effectuées via une plateforme à laquelle l’AA à recours, l’obligation de fournir une facture incombe à la plateforme.

L’administration fiscale précise : « Dès lors qu’intervient le transfert du pouvoir de disposer d’un bien comme un propriétaire ou en d’autres termes, dès lors qu’un bien meuble corporel entre en la puissance et possession de l’acheteur, la TVA devient exigible quelles que soient les modalités de paiement de l’opération. »

—  L’artiste-auteur facture la TVA, sauf s’il a opté pour la franchise en base de TVA.
NB : Le montant de la TVA est à la charge du partenaire économique de l’AA.

—  Si l’artiste-auteur a opté pour la franchise en base de TVA, il doit facturer ses « livraisons de bien » sans TVA. La mention «  TVA non applicable - article 293 B du CGI  » doit obligatoirement figurer sur sa facture.

• Taux de TVA pour les « livraisons de bien » des artistes-auteurs et autrices

Le taux normal de la TVA est fixé à 20 % (article 278 du code général des impôts), pour la majorité des ventes de biens : il s’applique à tous les produits pour lesquels aucun autre taux n’est expressément prévu par le code général des impôts et les bulletins officiels des finances publiques (BOFIP).

Certaines « livraisons de bien » bénéficient d’un taux réduit à 5,5 %.

La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % pour les opérations mentionnées à l’article 278-0bis du code général des impôts.

Sont notamment visées :
—  «  Les livres , y compris leur location. Le présent 3° s’applique aux livres sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement. » En savoir plus.

—  « Les livraisons d’œuvres d’art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit. » Les ventes d’œuvres d’art originales sont assimilées à des «  livraisons de bien  » dont le taux de TVA est réduit à 5,5 % pour les œuvres d’art mentionnées au II de l’article 98A du code général des impôts). En savoir plus § 130 à 290.

—  « Les cessions de droits patrimoniaux portant sur des œuvres cinématographiques représentées au cours des séances de spectacles cinématographiques mentionnées à l’article L. 214-1 du code du cinéma et de l’image animée ou dans le cadre de festivals de cinéma. » Cette disposition qui concerne notamment des diffusions non commerciales constitue une exception au taux de TVA à 10 % qui est généralement applicable aux redevances de droits d’auteur.

Remarque : Le taux de TVA applicable à la vente d’exemplaires d’œuvres (autoédition) dépend du support matériel de l’œuvre. Par exemple : 5,5 % pour les livres mais 20 % pour les cartes postales, etc.

• Les taux particuliers applicables aux départements d’outre-mer sont fixés aux articles 294 et suivants du CGI. Ainsi en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, le taux de TVA applicable aux opérations de livraisons de biens ou de prestations de service est différent de celui en vigueur au sein de la métropole :
8,5 % : taux normal
2,10 % : taux réduit (droits d’auteur, ventes d’œuvres).

• Les taux particuliers applicables en Corse sont fixés à l’article 297 du CGI.

En savoir plus sur les dispositifs spécifiques des AA relativement à la TVA.

En savoir plus sur la gestion de la TVA au cas par cas pour les AA.

4/ Déclaration fiscale et sociale des « livraisons de bien » des artistes-auteurs et autrices

• Impôts

Toutes les « livraisons de biens » des AA sont imposables.
Elles doivent obligatoirement être déclarées en BNC aux impôts, tant pour la vente d’œuvres originales que pour les recettes de l’autoédition.
Comment déclarer ses revenus d’AA aux impôts ?
En savoir plus.

• Urssaf Limousin

Elles doivent aussi obligatoirement être déclarées à l’Urssaf Limousin.

Les sommes versées en contrepartie d’une « livraison de bien » par un AA ne sont pas soumises à la « contribution diffuseur », ni au « précompte social ».

Pour ces achats, les tiers versant n’ont aucune obligation particulière vis-à-vis de l’administration fiscale ou de l’Urssaf Limousin. Elles n’impliquent pas d’inscription, ni de déclaration à l’Urssaf Limousin, ne donnent pas lieu au versement d’une « contribution diffuseur », ni à l’établissement d’un précompte auprès de l’Urssaf Limousin.

La personne qui achète la propriété matérielle d’une œuvre n’acquière pas simultanément sa propriété intellectuelle (cession de droits d’exploitation). Un acheteur en tant que tel n’est pas un exploitant d’œuvres (« diffuseur »).

Remarque : En revanche les commerces d’art (galeries, sociétés de ventes volontaires, antiquaires, etc.) sont des exploitants d’œuvres et paient une contribution diffuseur sur leur marge commerciale.

Dans la synthèse analytique ci-dessous, le cas des « livraisons de bien » correspond à la deuxième situation en vert.

Rémunérer-un-AA